Par Nour Khalil AbuShammala
J'ai passé une autre nuit sous les attaques israéliennes dans la ville de Gaza. C'était terrifiant. Les dégâts causés à notre maison sont pour l'instant mineurs. Mais le bruit des explosions et les secousses qu'elles provoquent peuvent rendre nerveux même les plus forts d'entre nous.
Ma famille, comme des centaines de milliers d'autres, a été chassée de chez elle pendant la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. Nous sommes maintenant enfermés dans la petite ville de Gaza et n'avons nulle part où aller.
(Ashraf AmraAPA images)
Il est difficile d'exprimer pleinement l'horreur de ce à quoi nous sommes confrontés. Nous avons tous peur d'être la prochaine cible. Nous voyons les images de voisins, dont des enfants et des nourrissons, extraits des décombres. Certains sont morts, d'autres vivants. Nous sommes bien conscients que nous pourrions être les prochains.
Les vies sont précieuses
De nombreux journalistes internationaux font leurs reportages depuis Israël et non depuis Gaza. Et les journalistes qui sont à l'intérieur de Gaza ont souvent été attaqués.
Israël a fait exploser l'immeuble des médias à Gaza. Cela peut être considéré comme une tentative délibérée d'empêcher que les images lugubres de l'attaque israélienne ne soient diffusées dans le monde entier.
J'ai cessé de penser à ma propre vie. Mon seul souhait est de mourir avec tout mon corps intact. Je détesterais être déchiquetée par les armes américaines qu'Israël nous envoie.
Il y a quelques nuits, Israël nous a soumis à une série de frappes aériennes en cinq minutes. Ces cinq minutes ont ressemblé à cinq ans de terreur.
Nos vies sont précieuses et nous méritons d'être traités comme des êtres humains. Nous ne sommes pas des numéros.
Pourtant, c'est ainsi que nous sont présentés par une grande partie des médias internationaux. Dix morts ici, des dizaines là.
Les Américains ne comprendront jamais notre situation tant que l'"analyse" présentée dans leurs journaux et sur leurs écrans de télévision restera aussi superficielle. Il est rarement fait mention des problèmes sous-jacents.
Nous nous sentons effrayés et en danger. Nous avons peur de perdre des personnes que nous aimons ou que nos maisons soient détruites - avec tous les souvenirs qu'elles contiennent.
Mes ancêtres ont perdu leur maison. Les émotions qui accompagnent la perte - et la peur de la perte - sont intenses.
Le traitement des Palestiniens répond à la définition de génocide des Nations unies, sans parler de l'apartheid et du nettoyage ethnique.
Nos peurs et nos expériences ont peu de chances d'être correctement documentées, que nous vivions ou mourions.
Joe Biden, le président américain, ne ressent pas notre peur et ne connaît pas notre dépossession. L'Union européenne ne fait que répéter des déclarations vides.
C'est mal d'être Palestinien ?
J'étudie le droit. Je me souviens avoir appris le droit humanitaire international et sa pertinence pour les Palestiniens. Notre professeur a parlé de toutes les conventions et de tous les traités qui, en théorie, défendent nos droits. Puis j'ai demandé : Pourquoi les Palestiniens sont-ils confrontés à toutes ces injustices si ces lois sont là pour nous protéger ?
Je me pose toujours cette question. Est-ce mal d'être un Palestinien ?
Partout, les gens veulent que leurs droits soient respectés. Le droit de vivre sur leur propre terre, de vivre en sécurité, de voyager librement et de passer la journée sans craindre d'être tués.
L'occupation israélienne "justifie" ses actions barbares contre Gaza en prétendant qu'elle ne vise que le Hamas. Une grande partie du monde occidental applaudit et les dirigeants de trop nombreux États arabes et musulmans restent silencieux.
Biden et une grande partie du Congrès américain soutiennent qu'Israël ne fait que se défendre. Personne ne parle de notre droit à nous défendre contre un État dirigé par des criminels de guerre.
Israël est un État qui applique un système d'apartheid depuis de nombreuses décennies. Israël commet des crimes contre les Palestiniens depuis sa création. Avant même la création de l'État d'Israël, les milices sionistes ont soumis les Palestiniens à un nettoyage ethnique.
Le droit humanitaire international est censé protéger les opprimés et les dépossédés. Mais les gouvernements du monde entier sont plus enclins à soutenir l'occupant et l'usurpateur.
Personne ne vient à notre secours ou ne défend nos droits. Nous sommes ici seuls et souffrants, livrés à nous-mêmes avec de nombreux pays puissants allant jusqu'à s'opposer à notre droit même de nous défendre contre la puissance militaire grotesque d'Israël.
Les dirigeants mondiaux sont parfaitement satisfaits de détourner le regard alors que nous sommes bombardés. Qui défendra nos droits aux Nations unies et devant la Cour pénale internationale ?
Source : The Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM