26/06/2021 ism-france.org  6 min #191406

Un opposant à Mahmoud Abbas tué par la police de « l'Autorité » Palestinienne

Nizar Banat, assassiné par des agents de la sécurité de l'Autorité palestinienne

Par Shatha Hammad
Nizar Banat, un éminent activiste palestinien connu pour ses critiques à l'encontre de l'Autorité palestinienne (AP), est décédé après un raid effectué ce jeudi [24.06], tôt le matin, par les forces sécuritaires palestiniennes à son domicile de Dura, dans la région de Hébron. Dans une déclaration, le gouverneur de Hébron, Jibreen al-Bakri a dit que « durant son arrestation, sa santé s'était détériorée ». Toutefois, la famille de Banat a expliqué qu'il avait été soumis à un tabassage au moment de son arrestation.

Banat était bien connu pour ses critiques à l'encontre de la direction de l'AP et, dans le passé, les forces sécuritaires palestiniennes l'avaient déjà arrêté à plusieurs reprises.
(Photo : Facebook)
L'arrestation a eu lieu à un moment où l'AP intensifie sa répression sécuritaire contre ses opposants politiques et les usagers des médias sociaux en Cisjordanie occupée.

Banat était bien connu pour ses critiques à l'encontre de la direction de l'AP et, dans le passé, les forces sécuritaires palestiniennes l'avaient déjà arrêté à plusieurs reprises.

Muhannad Karajah, d'Avocats pour la justice, a expliqué à MEE que Banat lui avait téléphoné mercredi pour lui dire qu'il avait fait l'objet de menaces de la part du service de renseignement de l'AP, lequel lui avait demandé de mettre un terme à ses critiques à l'encontre de l'AP.

Depuis des mois, Banat publiait sur Facebook des vidéos dans lesquelles il éreintait le président de l'AP Mahmoud Abbas et d'autres responsables importants de l'AP et du Fatah. Au début de cette semaine, il avait publié une vidéo dans laquelle il s'en prenait avec véhémence à l'AP à propos de son échange de vaccins désormais annulé avec Israël.

Le gouverneur al-Bakri a déclaré que les agents étaient arrivés au domicile de Banat après qu'un mandat d'arrestation avait été délivré à son nom par le Ministère public de l'AP.

Ammar, un cousin de Banat et porte-parole de la famille, a expliqué à MEE qu'environ 25 agents et un membre de la Sécurité préventive et des Renseignements généraux avaient fait irruption dans la maison vers 3h30 du matin après en avoir défoncé les portes. Il a également déclaré que les agents avaient fait irruption dans la chambre où Nizar dormait et qu'ils l'avaient directement agressé en l'aspergeant de gaz, entre autres dans la bouche et dans le nez.

Le cousin a expliqué qu'ils l'avaient sévèrement tabassé à l'aide de barres de fer et de bâtons en bois. Et d'ajouter que Nizar s'était évanoui, de sorte qu'ils l'avaient traîné hors de la chambre, dépouillé de ses vêtements avant de l'emmener dans l'un de leurs véhicules militaires.

Les responsables de l'AP ont annoncé ce jeudi même que le Premier ministre Mohammad Shtayyey avait ordonné la mise sur pied d'une commission d'enquête - dirigée par le ministre de la Justice Mohammad Shalaldeh et comprenant entre autres un médecin désigné par la famille Banat, un responsable des droits humains et un responsable de la sécurité autour de la mort de Banat.

Mais ce décès a été accueilli avec colère dans les rues de Cisjordanie, ainsi que par les critiques des organisations des droits humains et des factions palestiniennes, lesquelles ont aussitôt exigé une enquête indépendante.

Des centaines de Palestiniens ont manifesté à Ramallah ce jeudi après-midi, criant «Va-t'en, va-t'en, Abbas » et « Le peuple veut la chute du régime », dans le même temps que les forces des sécurité cognaient sur les gens à coups de bâton et les aspergeaient de gaz lacrymogène.

« Une autorité répressive »

Karajah a dit qu'il s'attendait à l'arrestation de Banat, puisque c'était déjà arrivé plusieurs fois auparavant en raison de ses positions et messages d'opposition à l'AP.

L'avocat a déclaré :

«Ce qui est arrivé à Banat, c'est un assassinat. Aujourd'hui, voilà ce qui attend les activistes et les défenseurs palestiniens des droits humains : des assassinats ! En tuant Nizar Banat aujourd'hui, l'Autorité palestinienne confirme qu'elle est une autorité répressive qui menace tout défenseur des droits humains et toute personne est susceptible d'être soumise à un processus d'arrestation politique. »

Karajah a ajouté que la torture d'opposants politiques se poursuivait à l'intérieur des prisons gérées par l'AP, à la suite des récentes vagues d'arrestations, qui concernaient une cinquantaine de personnes à leur moment le plus chaud.

Banat était candidat sur la liste électorale de Liberté et Dignité en vue des élections parlementaires palestiniennes, lesquelles étaient censées avoir lieu le 22 mai. En réponse à la décision d'Abbas d'annuler les élections parlementaires et présidentielles, prévues pour le 31 juillet, Banat et sa liste avant publié une déclaration demandant à l'UE, et particulièrement à la Cour des droits de l'homme de Strasbourg, d'ordonner une cessation immédiate de toute aide financière à l'Autorité.

« Ils n'ont pas transféré Nizar à l'hôpital »

Le gouverneur de Hébron, Bakri, a déclaré que, suite à son arrestation, Banat avait été transféré immédiatement à l'hôpital gouvernemental de Hébron. « Après avoir l'avoir examiné, les médecins ont confirmé son décès », a ajouté Bakri.

« Conformément aux prescriptions légales, le bureau du Ministère public a lancé les procédures immédiatement après avoir été informé de l'incident. »

Ammar a expliqué que les membres de la famille de Banat avaient tout de suite commencé à contacter leurs connaissances dans les divers sièges des services de sécurité à Hébron après que Banat avait été emmené, mais qu'ils n'avaient pas été en mesure d'obtenir la moindre information sur ce qui était advenu de lui et qu'ils avaient appris par la suite qu'il n'avait pas été transféré au QG des services de sécurité.

Et d'ajouter :

« Une heure et demie après l'arrestation, des nouvelles ont été diffusées par le biais de groupes WhatsApp affirmant qu'il était mort suite à des complications de santé. En tant que membres de sa famille, on ne nous a jusqu'à présent informés officiellement de rien à propos de son décès. »

Ammar a déclaré qu'une délégation de la famille s'était rendue à l'hôpital gouvernemental d'Alia, où les services de sécurité avaient annoncé son décès, mais n'avaient pas trouvé son corps.


24 juin 2021. Après la mort de Nizar Banat, un manifestant à Ramallah brandit une pancarte disant « Le régime veut la chute du peuple ». (Photo : MEE / Shatha Hammad)

Il a encore dit :

« L'annonce de sa mort à Alia était une ruse. Ils n'ont pas transféré Nizar à l'hôpital, pas plus qu'ils ne l'ont transféré dans aucun siège de la sécurité. En ce moment même, cinq heures après son décès, nous ne savons toujours pas où se trouve le corps de notre fils Nizar. L'Autorité palestinienne cache le corps afin de manipuler les faits concernant sa mort. »

Une agression récente

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