13/02/2022 2 articles les-crises.fr  8min #202074

 Expansion de l'Otan : ce que Gorbatchev a entendu

Comment l'Occident a promis à l'Urss que l'Otan ne s'étendrait pas à l'Est, par Roland Dumas, ex-ministre

Nous vous proposons aujourd'hui une interview exceptionnelle que Roland Dumas nous a accordée. Il était Ministre des Affaires étrangères dans la période cruciale 1989-1991, lorsque la guerre froide a pris fin.

Il répond à plusieurs questions centrales dans la crise actuelle entre la Russie, les États-Unis et l'Ukraine.

Précisions clairement qu'il ne s'agit pas ici de prendre parti pour une des parties du conflit - notre position et notre message sur ce site sont clairs : ne prenez parti pour aucun gouvernement étranger quel qu'il soit, et exigez toujours qu'il prouve ce qu'il avance.

I. Les révélations de Roland Dumas

Comme nous le verrons ci-dessous, la crise actuelle trouve son origine dans l'extension permanente de l'OTAN depuis la disparition de l'URSS.

Afin de tirer les choses au clair, nous sommes allés demander à Roland Dumas ce qui a été dit et promis à l'URSS en 1990, en échange de la réunification de l'Allemagne.

Au vu de l'importance historique de ses propos, nous les avons traduits en anglais :

en allemand :

et en russe :

II. La Propagande en Occident

La question de cette promesse est donc historiquement importante.

Cette interview confirme en tous points la brillante analyse des archivistes de l'Université George Washington, qui ont compilé les sources attestant de ces promesses. Nous vous recommandons de lire leur analyse dans ce billet :  Expansion de l'OTAN : ce que Gorbatchev a entendu

Bien entendu, tout le monde s'accorde pour dire qu'il n'y a eu aucun engagement signé, ce que soulèvent, à raison les Américains, pétris de leur culture juridique.

Mais comme il s'agit de leur sécurité, les Russes ne voient pas ceci du même œil. Précisons aussi que cette promesse non tenue ne donne évidemment pas tous les droits aux Russes. Elle explique simplement l'état actuel de nos relations.

Comme nous arrivons donc dans une zone de haute tension, vous aurez noté la mise en place d'une propagande de guerre pro-gouvernementale (chez nous, mais également dans tous les autres pays concernés). Je vous en rappelle les principes, brillamment exposés par Anne Morelli dans son ouvrage sur la Propagande de guerre ( résumé à consulter ici), et qu'on peut schématiser ainsi :

Évidemment, reconnaitre que nous aurions une part, même limitée, dans la crise actuelle contrevient aux points 1 et 2, qui sont fondamentaux, car ne pas les respecter pourrait conduire à une volonté des citoyens de trouver une solution pacifique. D'où ce genre d'articles de propagande mensongère n'hésitant pas à déformer - voire falsifier - l'Histoire :

Nous vous recommandons ce bijou de propagande venant du média du gouvernement réservé à l'étranger [ s] :

Soulignons cependant que des médias ont su garder une position plus équilibrée [ s ;  s ;  s ;  s] :

Notons que la vérité est connue depuis longtemps (cliquez pour agrandir) [ s] :

Ainsi, au final, il n'est pas surprenant de trouver cette propagande de 2018 sur le site de l'OTAN :

Et pourtant, en même temps, sur le même site de l'OTAN :

III. Construction d'une crise

Comme nous l'avons vu, la crise actuelle est donc liée à l'expansion de l'OTNA vers l'Est.

À force d'étendre l'OTAN à l'Est, il devait arriver à un moment où se poserait le problème du contact direct avec la Russie - situation qu'elle considère comme inacceptable pour sa sécurité, puisqu'un incident de frontière pourrait déclencher une confrontation avec l'OTAN.

C'est en 2008 que l'OTAN fit la promesse à l'Ukraine et à la Géorgie qu'elles rejoindraient l'organisation. Mais face au désaccord entre George Bush d'une part, favorable à une adhésion, et d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, très réticents, aucune date n'a été avancée [ s ;  s].

Suite à la crise politique, l'Ukraine a abandonné son statut de « pays non-aligné » fin 2014. [ s]

En 2019, l'Ukraine a inscrit dans sa Constitution sa volonté d'adhérer à l'UE et à l'OTAN. [ s]

En 2020, l'OTAN a accordé à l'Ukraine le statut de partenaire « nouvelles opportunités ». [ s]

En février 2021, le président ukrainien a indiqué que sa première question à Joe Biden concernerait l'adhésion de son pays à l'OTAN. [ s]

En juin 2021, le président ukrainien a demandé à Biden de lui répondre par « oui » ou «  »non » pour l'adhésion de l'Ukraine. [ s]

En septembre 2021, le président ukrainien a rencontré Biden, et lui a demandé d'accélérer l'adhésion de l'Ukraine. [ s]

Biden n'ayant pas refusé, la Russie a commencé à déplacer certains de ses soldats près de la frontière russo-ukrainienne. C'était un message clair, encore plus clairement exprimé le 18 novembre 2021 : pour Poutine, l'Occident prend les lignes rouges de la Russie bien trop à la légère. [ s]

Le 30 novembre 2021, il a confirmé que cela concernait bien l'expansion vers l'Est de l'OTAN. [ s]

Le 7 décembre 2021, il a demandé à Biden des garanties sur le non-élargissement de l'OTAN. [ s]

Le 9 décembre 2021, la réponse de Biden est de dire à l'Ukraine que son adhésion à l'OTAN repose entre ses mains. [ s]

Le 10 décembre 2021, l'OTAN refuse de donner à la Russie les garanties qu'elle demande. [ s]

Des négociations se sont alors engagées entre la Russie et les États-Unis, mais elles n'ont débouché sur rien.

Espérons donc que la sagesse et la diplomatie l'emporteront, et que nos intérêts propres seront défendus par notre gouvernement.

Car, en réalité, la solution à la crise est très simple, et le Président Macron pourrait même l'appliquer seul : indiquer que la France met son véto à toute extension de l'OTAN, à commencer par l'Ukraine et la Géorgie. Et mettre en place pour eux un statut d'État neutre, coopérant avec tous ses voisins, statut qui les protégera finalement bien mieux.

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5 articles 14/02/2022 reseauinternational.net  4min #202118

 Comment l'Occident a promis à l'Urss que l'Otan ne s'étendrait pas à l'Est, par Roland Dumas, ex-ministre

« Cette discussion a eu lieu » : Dumas sur la promesse occidentale de non-extension de l'Otan en 1990

L'ancien chef de la diplomatie française explique avoir participé aux discussions auxquelles se réfère aujourd'hui la Russie quand elle évoque des promesses occidentales de non-élargissement de l'OTAN, faites à l'URSS à la fin de la guerre froide.

Depuis plusieurs semaines, des chancelleries occidentales reprochent à Moscou de «masser ses troupes» dans le sud-ouest de la Russie, en s'appuyant sur l'hypothèse, brandie avec insistance par l'administration américaine, selon laquelle l'armée russe serait sur le point d'envahir l'Ukraine.