• Mais qu'est-ce que Poutine est donc allé faire en Ukraine ? • Avec la certitude de la vertu, on le savait infâme, corrompu, cruel, méchant, tout cela certifié par 'La Voix de son Maître' (marque de disque en vogue au milieu du XXème siècle), - mais fou, Poutine, pas du tout ! Diabolique mais pas dingue ! • Alors, qu'est-il allé faire en Ukraine ?! • Il faut lire Korybko, qui cite... Poutine sur une bonne moitié de son texte. • Alors, il est bon de connaître l'argument du 'maître du Kremlin' comme ils disent. • 'Choc & effroi'... • Contributions, dedefensa.org et Andrew Korybko.
A propos de la guerre en cours en Ukraine, on emploie assez aisément le surnom ' Schock & Awe' de la fameuse, ou 'infamous' c'est selon, doctrine d'attaque, dite également par la grâce de la traduction 'choc & effroi'. Passons aux aveux : nous l'avons fait nous-mêmes, et nous nous en sommes expliqués :
« On table sur un "effet de choc" qui met 'groggy' l'adversaire, dans la lignée de la doctrine tactique US dite ' Schock & Awe', mais en plus subtil...... recherche d'un "effet" massif plus que de la destruction systématique qui a toujours été la conclusion implicite de cette doctrine proposée par Harlan K. Ullman mais très vite déformée dans ce sens de la destruction par la rage aveugle des neocons et imposée par leur système de la communication. (On retrouve tout cela dans la " politiqueSystème".) »
Dans ce cas, si l'on conserve l'expression puisqu'elle est employée par notre auteur dont le texte est cité ci-dessous, nous l'employons également pour définir l'effet que doit produire ce texte sur toute raison mesurée et débarrassée de la subversion moderniste et des simulacres de la communication. Il n'est pas question ici de plaider pour Poutine (ou contre d'ailleurs), en aucun cas parce que cette sorte de posture intellectuelle ("pour" ou "contre" tel ou tel dirigeant, telle ou telle puissance) n'a pas sa place dans cette analyse. Nous parlons, ici et bien ici, d'événements souvent mal ou pas contrôlés, et des situations qui en résultent.
Qu'on nous pardonne, - c'est là notre fameuse thèse selon laquelle nous sommes dans une époque où les événements se font d'eux-mêmes, où ils sont les principaux acteurs de la dynamique historique (que nous désignons comme "métahistorique" justement à cause de ce fait de l'autonomie des événements, dépendant de forces supra-humaines) ; une époque où les acteurs humains, souvent réduits au rôle de figurants, "découvrent" les situation bien plus qu'ils ne les créent, - et, pour les plus initiés d'entre eux, où ils peuvent parfois identifier une "vérité-de-situation" au milieu du flot de simulacres que les acteurs-devenus-figurants ont eux-mêmes créés pour s'en faire accroire et satisfaire leur hybris.
Dans le cas ukrainien, il y a bien entendu des perceptions et des postures complètement différentes. On laissera de côté, - on en parle souvent par ailleurs, - les causes et les effets de ces disparités. Nous importe ici ce que nous dit l'article de Andrew Korybko, qui est un auteur atypique selon les normes de la communication habituelle, ou si l'on veut selon les normes de la presseSystème, où il est absolument inconnu. Pour notre compte, cet auteur de nationalité américaine vivant à Moscou, Korybko, est un expert remarquable et sérieux, qui travaille sur des faits et des documents qu'ils jugent établis et crédibles, et parvient à nous donner une vision originale et puissante des actuelles conditions conflictuelles du monde. Il a fait notamment un formidable travail sur "la Guerre Hybride", dont le 'Sakerfrancophone' nous a donné la version française, - et qu'il définit ainsi, où l'on, retrouvera certainement certains aspects de l'affaire ukrainienne, certes...
« Loi de la Guerre Hybride : Le grand objectif derrière chaque guerre hybride est de perturber les projets multipolaires transnationaux conjoints, par des conflits d'identité provoqués extérieurement (ethniques, religieux, régionaux, politiques, etc.) au sein d'un État de transit ciblé. »
Dans le cas qui nous occupe dans cet article, Korybko établit un lien serré et révélateur entre l'"opération spéciale" des Russes en Ukraine et ce qu'il nomme "la crise des missiles" avec le déploiement de batteries de missiles US, antimissiles mais qui se révèlent également offensifs sol-sol selon les modèles, en Pologne, en Roumanie, et peut-être prévue pour l'Ukraine. Cette "crise des missiles", très lointainement enfantée par la "crise des 'euromissiles'" de 1977-1987, a trouvé une renaissance chaotique dans l'ère post-9/11, avec divers et innombrables épisodes, paroxysmes, fureurs, apaisements, oublis avant redémarrage. (Pour le souvenir et peut-être quelque édification ou l'autre, quelques références parmi les très nombreuses accolées dans notre site au terme de 'Euromissiles', et l'on voit combien la période couverte est large, impliquant une dynamique crisique très spécifique et durable : 15 juillet 2004, 20 avril 2007, 5 juillet 2007, 12 décembre 2014, 23 octobre 2018, etc.)
Mais aujourd'hui, nous montre Korybko, nous sommes au cœur de la "mère de toutes les crises des 'Euromissiles'" ! (Bien qu'il s'agisse de bien plus que l'Europe.)
L'originalité par adoxale de l'article de Korybko est qu'il appuie son propos sur des déclarations tout à fait publiques, récentes et très récentes de Poutine, les 21 décembre 2021 et 24 février 2022 précisément, dont il donne de très longs extraits. On découvre ainsi qu'à lire attentivement ces discours on a toute l'explication, du point de vue de Poutine et du point de vue russe, de l'"opération spéciale" lancée jeudi matin. On peut même envisager, à lire la précision et la technicité de l'argument, que cette "opération spéciale" est depuis longtemps dans l'esprit de Poutine, et qu'elle ne concerne pas que l'Ukraine. La perception des Russes, - qu'elle soit ou non fondée n'est pas ici le débat, non plus de savoir s'il y a effectivement un diable contre des anges de vertu, - est que le sort de la Russie est dans la balance, sans aucune restriction...
• « Au cours des années récentes, des contingents militaires de pays de l'OTAN ont été presque constamment présents sur le territoire ukrainien, sous prétexte d'exercices. Le système de contrôle des armées ukrainiennes a été intégré à l'OTAN. Cela signifie que le quartier général de l'OTAN peut envoyer des ordres directs aux forces armées ukrainiennes, jusqu'à leurs unités et escadrons individuels....• « Par conséquent, l'Alliance et ses infrastructures militaires ont atteint les frontières de la Russie. Il s'agit de l'une des clés de la crise de sécurité européenne... »
• « Les informations dont nous disposons nous donnent de bonnes raisons de penser que l'accession de l'Ukraine à l'OTAN, et le déploiement qui s'ensuivra d'infrastructures de l'OTAN, ont déjà été décidés et ne constituent plus qu'une affaire de temps... »
• « Je [préciserais également] que les documents étasuniens de planification stratégique confirment la possibilité de ce qu'ils appellent une frappe anticipée sur les systèmes de missiles ennemis. Nous savons également qui est l'adversaire principal aux yeux des États-Unis et de l'OTAN. Il s'agit de la Russie. L'OTAN documente officiellement notre pays comme principale menace à la sécurité Euroatlantique. L'Ukraine servira de tête de pont avancée à une telle frappe... »
Nous pensons que ces quatre citations, extraites des discours de Poutine, donnent une bonne idée de cette perception des Russes et de Poutine, et par conséquent de l'extrême gravité de la crise, effectivement "la mère de toutes les crises des 'Euromissiles'", et même, sans aucun doute, au-delà de toutes les crises spécifiques, de toutes les 'subcrises' qui forment la Grande Crise.
« Il s'agit, écrit Korybko, de la vérité objective et facilement vérifiable de ce qui constitue la crise de sécurité stratégique la pire de l'histoire, au vu du fait que celle-ci est désormais transformée en "guerre chaude", alors que la précédente avait pu rester au stade de la guerre froide. »
Le texte de Korybko a été repris et traduit ( 24 février et 25 février 2022) par le 'Sakerfrancophone', qui l'accueille régulièrement dans ses colonnes. Le titre original est « La campagne russe 'stupeur & effroi' en Ukraine vise à résoudre la crise des missiles européens ». Nous l'avions modifié pour des raisons technico-esthétiques, qu'on nous pardonne.