26/02/2022 francesoir.fr  4min #202855

 J+2 de l'opération militaire russe en Ukraine

Guerre en Ukraine: la France intercepte un bateau de commerce russe dans la Manche

© FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Les autorités françaises ont intercepté samedi dans la Manche un bateau de commerce appartenant selon Paris à la banque russe PSB, visée par les sanctions européennes à l'encontre de Moscou, première application visible des mesures de rétorsion après l'invasion de l'Ukraine.

Ce bateau battant pavillon russe, le Baltic Leader, un cargo roulier, construit spécialement pour le transport de véhicules, transportait sa cargaison vers Saint-Petersbourg (Russie).

Parti de Rouen la veille, il a été dérouté dans la nuit de vendredi à samedi vers Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), a indiqué à l'AFP la préfecture maritime.

L'imposant navire, long de 127 mètres est désormais en retenue douanière et les vérifications se poursuivent, a précisé le cabinet du ministre français délégué aux Comptes publics, Olivier Dussopt.

Cette opération, en application des sanctions européennes, a été "conduite en coopération avec les autorités américaines", a précisé le ministère des Finances dans un communiqué, ajoutant que le navire était "propriété de la société PSB Lizing".

La Promsvyazbank (PSB), ciblée depuis mercredi par des sanctions européennes, est également l'une des deux banques publiques russes visées par les mesures américaines.

Selon le Trésor américain, cette banque nationalisée depuis 2018 est "cruciale pour le secteur de la défense".

La PSB a fourni des "miliards de dollars" aux groupes russes de défense et gère la majorité des gros contrats du ministère de la Défense, selon le département du Trésor. Ce dernier indique sur son site avoir inclus dans la liste des biens visés cinq navires propriété de la filiale PSB Lizing, dont le Baltic Leader.

Washington soupçonne également la PSB de chercher à lancer un système de change parallèle destiné à contourner les sanctions occidentales.

- "Guerre des images" - L'ambassade russe à Paris, informée par un appel d'urgence du capitaine, a "immédiatement contacté les autorités françaises pour demander des éclaircissements", selon des propos du porte-parole de l'ambassade, Alexandre Makagonov, cités par l'agence de presse officielle TASS.

Le bateau, escorté par un patrouilleur de la douane, avec l'appui de la gendarmerie et de la marine, a été "coopératif", a précisé Véronique Magnin, officier de communication régional pour la préfecture maritime. Elle a souligné qu'une telle opération, signe de "fermeté", était "rare" dans cette zone.

La douane a mené des auditions et investigations à bord.

L'imposant roulier à la coque rouge, visible de loin, était amarré à quai dans une zone peu fréquentée du port, à distance des autres bateaux, a constaté un journaliste de l'AFP. Samedi à la mi-journée, aucune activité n'était détectable ni à bord, ni autour.

Le PDG du port, Jean-Jacques Puissesseau, a déclaré n'avoir "jamais vu" d'interception de ce type en 20 ans d'activité.

L'Union européenne a adopté jeudi une nouvelle salve de sanctions sans précédent contre la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine, peu avant que Londres et Washington ne durcissent les restrictions à leur tour, sans pour autant prendre de mesures radicales.

L'interception du Baltic Leader, acte "symbolique" et "conséquence visible de mesures abstraites" jusqu'à là, marque "le début de la guerre des images", estime l'avocat Olivier Dorgans, spécialiste des sanctions internationales.

Une saisie en application des sanctions serait "inédite ou en tout cas pas vue de longue date", souligne-t-il, indiquant que "cela a l'intérêt de montrer qu'on utilise les armes qu'on fourbit" et que les Occidentaux sont prêts à "assumer le coût" des sanctions.

Des représailles sont envisageables, a-t-il averti, évoquant de possibles saisies de biens français en Russie.

Selon la Commission européenne, la Russie était en 2020 le 5e partenaire commercial de l'UE (4,8% des échanges de biens des Européens avec le reste du monde).

L'UE est à l'inverse le premier partenaire de Moscou: les Européens comptent pour 37,3% dans le commerce de biens de la Russie.

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