04/03/2022 reseauinternational.net  13min #203241

 L'Assemblée générale de l'Onu «exige que la Russie cesse immédiatement» son opération en Ukraine

Vote de l'Onu sur l'intervention militaire russe : l'Occident enfermé dans le déni de réalité

par Vincent Gouysse.

Comme le rapportait hier le média atlantiste  Le Monde,

« L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, mercredi 2 mars, une résolution qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine », lors d'un vote approuvé massivement par 141 pays, cinq s'y opposant et trente-cinq, dont la Chine, s'abstenant, sur les 193 membres que compte l'organisation internationale. Les cinq pays ayant voté contre sont la Russie, la Biélorussie, la Corée du Nord, l'Erythrée et la Syrie. La résolution, votée après plus de deux jours de débats et d'interventions, réclame que la Russie « retire immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires » d'Ukraine et « condamne la décision de la Russie d'accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires ». Outre l'Amérique du Nord et l'Europe, la résolution a bénéficié d'un vote favorable de nombreux Etats africains et d'une grande majorité des pays d'Amérique latine. La Chine, l'Inde et le Pakistan se sont abstenus. La résolution à l'Assemblée générale était inspirée d'un texte rejeté la semaine dernière au Conseil de sécurité de l'ONU en raison d'un veto posé par la Russie. Elle n'est pas contraignante légalement, mais a un impact politique majeur ».

De son côté, Joe Biden, suivi en cela par l'essentiel de la cohorte des larbins atlantistes du lobby politico-médiatique, a jugé que le vote « exposait au grand jour l'isolement » de la Russie, « une immense majorité des nations reconnaissent que Poutine n'attaque pas seulement l'Ukraine, mais également les fondations même de la paix et de la sécurité dans le monde »...

La réalité est cependant nettement plus nuancée que la vision enjolivée fantasmée présentée par les politiciens et les médias atlantistes aux peuples d'Occident en cours de déclassement... Regardons déjà la réalité du vote à travers un autre prisme que celui du nombre d'Etats membres, celui de la géographie :

La conclusion géographique est indéniablement bien plus nuancée que la conclusion mathématique des votes...

Un mass-média atlantiste plus réaliste titrant «   Vote de la résolution de l'ONU sur l'Ukraine : une abstention des pays africains remarquée », soulignait même qu'en dépit d'un vote apparemment « massif » en faveur de la résolution, « une vingtaine de pays africains ont préféré s'abstenir, à la grande surprise de nombreux observateurs ». La liste des abstentionnistes est la suivante : l'Algérie, l'Angola, le Burundi, le Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale, Madagascar, le Mali, le Mozambique, la Namibie, le Soudan, le Soudan du Sud, l'Afrique du Sud, le Sénégal, la Tanzanie, l'Ouganda et le Zimbabwe. Outre cette abstention déclarée et revendiquée, pas moins de huit autres pays africains n'ont pas pris part au vote : le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée-Bissau, Eswatini, l'Ethiopie, le Cameroun, le Maroc et le Togo.

Ce sont donc au total « 22 pays du continent n'ont pas exprimé d'opinion sur l'actuel conflit en Ukraine ». Et sur une carte géographique, ça fait indéniablement « tâche »... Pour les analystes occidentaux les plus lucides de la françafrique, ce vote « révèle un malaise et la division d'une Afrique qui ne sait pas s'il est préférable de suivre le pays référence ou prudemment s'abstenir tant qu'on n'a pas encore le dernier mot du conflit ». En outre, l'idéologie réactionnaire des héritiers du coup d'Etat fasciste atlantiste de Maïdan n'est pas de nature à rendre sympathique aux dirigeants et aux peuples d'Afrique la « résistance » à l'invasion des vilains agresseurs russes... Seules les cliques bourgeoises-compradore africaines les plus soumises à l'Occident ont donc pris le parti de soutenir le combat livré par les « combattants de la liberté » dirigés par un détachement de choc formé de miliciens atlantistes ukronazis  racistes et suprémacistes ayant  martyrisé les peuples russophones de Donetsk et Lougansk pendant huit années...

Photographie de membres du bataillon ukronazi « Azov » envoyée par un camarade d'Algérie... A gauche, le drapeau de l'OTAN : Organisation Terroriste de l'Atlantique Nord !

Au-delà du vote défavorable de cinq pays et du vote « neutre » de 35 pays, l'absence de représentation de 11 pays dans le Monde au cours de ce vote peut être interprété à minima comme une volonté de ne pas se mouiller, voire comme un boycott de ce théâtre diplomatique, ce qui est évident dans le cas du Venezuela, qui a en effet très ostensiblement soutenu l'intervention militaire russe depuis le début, et a don à l'évidence refusé de participer et de cautionner la ridicule scène de théâtre onusien...

On doit aussi avoir en vue le fait qu'il y a la condamnation formelle, obtenue sous la pression occidentale, et la condamnation réelle. Car dans la pratique, des pays à priori hostiles à l'intervention militaire russe, affichent en fait une position pratique bien plus modérée : le Brésil, la Turquie, l'Afrique du Sud et le Mexique par exemple, ont refusé de se joindre aux sanctions économiques et médiatiques occidentales contre la Russie...

De toute évidence, les élites bourgeoises de ces pays n'ont aucunement envie de sombrer avec une galère occidentale prise dans la tempête de son grand déclassement et qui prend aujourd'hui l'eau de toutes parts, et savent qu'il sera préférable de ne pas être en mauvais termes avec les leaders du nouveau monde en cours d'émergence : la Chine et la Russie. La position prudente (assise entre deux chaises) de la Turquie (ou du Brésil et de l'Afrique du Sud) ne nous surprend guère, celle du Mexique, chasse gardée exclusive de Washington, beaucoup plus ! Ce qui témoigne de la profondeur du séisme géopolitique actuel

Voilà pour l'aspect formel du droit bourgeois... Quant à la réalité de perception du séisme géopolitique en cours par les peuples eux-mêmes, on peut raisonnablement supposer que beaucoup d'entre eux pensent bien différemment des hommes de paille censés les représenter...

En ce qui concerne le prisme démographique, la réalité du vote onusien est encore bien plus défavorable aux pays impérialistes d'Occident : les pays dont les gouvernements ont ouvertement refusé de suivre la condamnation de l'intervention militaire en Ukraine totalisent 4 milliards d'habitants, soit plus de la moitié de la population mondiale...

Nombreux sont les peuples, en dehors de l'Occident, qui comprennent aujourd'hui que ce qui se joue en Ukraine va profondément conditionner l'avenir du Monde et en accélérer considérablement l'évolution...

De toute évidence, l'intervention militaire russe en Ukraine est le pistolet dont se sert l'impérialisme chinois pour « shooter » la politique d'occupation coloniale permanente de monde et de « révolutions oranges » de l'Occident

C'est seulement parce que cette intervention aide le Donbass à se libérer des néo-nazis de Kiev, et qu'elle va aider les cliques bourgeoises-compradore du monde entier à briser les chaînes de la politique coloniale occidentale, un processus qui représente un progrès historique du point de vue des peuples victimes des innombrables agressions coloniales occidentales et du développement à grande échelle de l'économie, de l'industrie et donc de la lutte de classe révolutionnaire des peuples de nombreux pays dépendants demeurés jusqu'à aujourd'hui aux marges du développement de la grande industrie, que les communistes révolutionnaires doivent soutenir cela, sans pour autant se faire la moindre illusion sur les buts réels de la Chine et de la Russie : prendre la tête d'une nouvelle division internationale du travail libérée de l'ingérence coloniale occidentale permanente !

Un pays occupé militairement ne saurait être libre. Un pays non occupé militairement ne l'est pas forcément non plus Ce pays peut très bien être dépendant des autres, sur le plan économique (industriel, commercial, financier). La fin du colonialisme n'est qu'une première étape, un passage obligé : il faut ensuite conquérir une véritable indépendance économique comme condition nécessaire à une véritable indépendance politique.

Si c'est un pays bourgeois qui conquiert son indépendance économique réelle, alors il se posera en puissance impérialiste, s'il échoue, il restera un pays semi-colonial, dépendant, économiquement comme politiquement. L'URSS de Lénine-Staline et la RPSA ont démontré que seule l'édification du socialisme pouvait apporter au peuple sa véritable indépendance sans qu'elle n'ait pour contrepartie la dépendance d'autres peuples

Staline parlait déjà de « dawisation » (au milieu des années 1920) pour caractériser les pays politiquement indépendants (formellement, en apparence), mais en fait économiquement et politiquement dépendants. Il rattachait cette réalité économique à la nécessité de doter l'URSS d'une puissante industrie de production des moyens de production pour éviter la compradorisation de l'URSS

Joseph Staline, en tant que dirigeant dévoué et éprouvé  du prolétariat soviétique, n'usurpait pas son nom de « petit père des peuples » et d'expert bolchévique de la question nationale et coloniale Il œuvrait pour que chacun d'entre eux puisse conquérir son indépendance économique et politique réelles, depuis la Chine maoïste ayant vaincu militairement le colonialisme et son aile bourgeoise-compradore, à  l'Albanie socialiste édifiée après qu'ait été chassé l'occupant fasciste de son sol

A l'évidence, ni la Chine ni la Russie n'œuvrent aujourd'hui dans le but de l'émancipation socialiste des peuples du Monde, de la destruction de toute forme d'exploitation de l'Homme par l'Homme, et en particulier de l'abolition de l'esclavage salarié. Les puissances impérialistes montantes n'œuvrent que dans un seul but : la mise au rebut de l'usage occidental systémique des méthodes coloniales qui sont devenues au fil des décennies une entrave protectionniste agressive au développement à une plus grande échelle des forces productives, c'est-à-dire au développement du capitalisme lui-même...

Et la Russie est indéniablement aujourd'hui en train de « mettre le paquet » dans ce but. Russian Today, désormais Les médias russes Russia Today et Sputnik bannis de l’Union Européenne , rapportait le 28 février que le premier contingent de  10 000 soldats tchétchènes d'élites endurcis déjà engagé sur le théâtre militaire ukrainien pourrait être rejoint par  70 000 autres combattants volontaires si le besoin se faisait sentir

Alors que l'armée ukrainienne régulière, dont l'essentiel des forces basées à proximité de la région du Donbass où l'OTAN poussait à la Guerre, est aujourd'hui prise en tenaille par l'écrasante offensive russe, les analystes occidentaux les plus lucides remarquent qu'au sein de deux « chaudrons », le gros des troupes ukrainiennes est aujourd'hui condamné à vivre son «  empty  »...

Et l'Occident colonialiste en déclin suit l'armée ukrainienne dans sa chute !

Le but stratégique proclamé en 2001 par l'Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) est donc aujourd'hui en très bonne voie de réalisation. L'émergence d'un Nouvel Ordre Mondial non dominé par les puissances impérialistes d'Occident, sous un nouveau leadership mondial sino-russe, est de toute évidence en train d'émerger rapidement, parallèlement au déclassement accéléré de l'Occident, dont le Capital financier est condamné,  comme nous l'avions souligné dès 2010, à se transformer en bourgeoisie compradore inféodée à l'impérialisme chinois. Sous cet angle, il faut voir la plandémie Covid et la crise en Ukraine comme une stratégie délibérée visant à «   sidérer les peuples par des chocs répétés  », dans le but non-avoué d'accompagner moralement et sécuritairement un grand déclassement des puissances impérialistes d'Occident qu'on peut comparer, dans son fondement,  à celui du social-impérialisme soviétique en 1991

La menace d'une 3ème Guerre mondiale nucléaire, d'abord brandie par l'OTAN, totalement non crédible dans un affrontement conventionnel face à la Russie, est à l'évidence bien plus sensible que celle du Covid-19 dont la létalité déjà relative avait été bien mise à mal par Omicron... L'Occident devait urgemment changer de paradigme pour continuer de justifier son grand déclassement ! C'est désormais chose faite !... Du covidisme au militarisme ! Attention cependant aux acteurs du théâtre politico-médiatique occidental à ne pas dépasser les bornes en brandissant la menace de  Guerre ouverte et de la Guerre nucléaire... C'est ainsi que l'ancien président russe  Dimitri Medvedev s'est senti obligé de recadrer le sinistre français de l'économie et larbin enthousiaste de la macronie en lui lançant :

« Un ministre français a dit aujourd'hui qu'ils nous avaient déclaré la guerre économique. Faites attention à votre discours, messieurs ! Et n'oubliez pas que les guerres économiques dans l'histoire de l'humanité se sont souvent transformées en guerres réelles »...

Qu'ils traumatisent leurs propres peuples est une chose, qu'ils traumatisent les autres en est une autre...

A la veille du vote onusien du 2 mars, notre camarade  Gérard Luçon résumait la situation actuelle de la sorte :

« Si on regarde un peu les positions prises par différents pays, je me demande si nous n'assistons pas à un double phénomène :

- une lutte du monde anglo-saxon et des pays de l'UE contre la montée en puissance de « l'Eurasie »,

- un ralliement des puissances montantes à l'axe Moscou-Beijing

et à un suicide socio-économique des pays de l'UE, organisé par ses propres dirigeants !!! »

De notre point de vue également, l'Occident impérialiste en cours de déclassement a décidé de commettre l'irréparable : « c'est un suicide collectif économique, social, technologique, politique, humain qui se dessine »

Tandis que les idéologues bourgeois justifièrent l'effondrement économique du social-impérialisme par la soi-disant impotence de l'économie planifiée et l'épuisante course aux armements avec l'Occident, ce dernier justifiera son déclassement par une plandémie bidon suivie d'un conflit militaire local destinés à justifier (et à renforcer !)  une stagflation latente meurtrière permettant d'aboutir rapidement au  Grand Reset tant espéré...

Si les peuples souhaitent échapper à cette perspective inévitable, car de toute façon  économiquement structurellement déterminée de longue date, il leur faut urgemment prendre en main eux-mêmes leur avenir !

Vincent Gouysse pour  marxisme.fr

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