Par Andrew Korybko - Le 21 février 2023
Le président Poutine a lancé un avertissement lors de son discours annuel de mardi : « Une chose doit être claire pour tout le monde. Plus la portée des systèmes occidentaux qui arrivent en Ukraine est longue, plus nous serons obligés de repousser la menace loin de nos frontières. C'est évident. » Cela prouve que l'escalade dans la guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie en Ukraine est la prérogative de l'Occident puisqu'ils peuvent soit envoyer de telles armes et ainsi provoquer Moscou à étendre sa réponse, soit ne pas le faire et ainsi limiter les opérations de cette dernière.
Le dirigeant russe a clairement exposé les raisons qui ont motivé sa décision de lancer l'opération spéciale il y a un an, à savoir défendre l'intégrité de ses lignes rouges de sécurité nationale en Ukraine, après que l'OTAN les a franchies clandestinement, et protéger la population du Donbass d'un génocide. D'autres objectifs, tels que la démilitarisation et la dénazification de cette ancienne République soviétique, viennent s'ajouter aux deux objectifs principaux susmentionnés.
Cela étant, et compte tenu de l'impasse qui s'est largement installée le long de la ligne de contrôle (LDC) au cours des derniers mois ( jusqu'à récemment du moins), il s'ensuit naturellement que la Russie ne souhaite pas étendre la portée de ses opérations au-delà des frontières administratives de ses nouvelles régions. Sa prochaine offensive, dont on parle, pourrait vraisemblablement viser à libérer le reste de ces territoires et à établir une « zone tampon » pour être hors de portée des armes à longue portée de Kiev fournies par l'OTAN.
Le Kremlin a fait part de son intention de reprendre les pourparlers de paix à condition que la réalité sur le terrain, à savoir la réunification de ces anciennes régions ukrainiennes avec la Russie, soit reconnue. Les objectifs supplémentaires mentionnés précédemment, relatifs à la démilitarisation et à la dénazification de l'Ukraine, pourraient s'avérer flexibles en fonction du déroulement des négociations futures, mais la Russie doit absolument s'assurer que le reste de ses nouvelles régions soient libérées, ce qui est un objectif non négociable.
Le conflit ukrainien que le milliard doré occidental dirigé par les États-Unis a provoqué il y a neuf ans, en se rappelant que ses origines remontent au coup d'État fasciste qu'il a soutenu début 2014 et qui a catalysé la guerre civile ukrainienne de l'époque, qui s'est depuis transformée en conflit international, a été très destructeur. Ceux qui, comme la Russie, souhaitent sincèrement la paix le plus rapidement possible doivent donc prêter une attention toute particulière à l'avertissement du président Poutine concernant les armes à longue portée données à leurs mandataires à Kiev.
Malheureusement, il semble inévitable que de telles armes continuent d'être envoyées, et ce en plus grande quantité et avec des portées toujours plus longues. Cela incitera inévitablement la Russie à élargir le champ de ses opérations spéciales afin d'établir la « zone tampon » nécessaire pour protéger ses territoires ainsi que ceux qui ont rejoint démocratiquement la grande puissance eurasienne depuis lors. La dynamique militaro-stratégique qui en résultera prolongera artificiellement cette guerre par procuration, ce qui en aggravera les conséquences pour l'UE.
La Russie préférerait y mettre fin dès que possible dans des conditions réalistes, en commençant par faire reconnaître par ses adversaires les réalités sur le terrain décrites précédemment, mais elle parviendra toujours à défendre et même à faire progresser ses intérêts, même dans le scénario d'un conflit prolongé. Les États-Unis tireraient évidemment le plus grand profit du fait de retarder indéfiniment une résolution politique de cette guerre par procuration qu'ils ont provoquée, en l'exploitant pour réaffirmer plus pleinement leur hégémonie sur l'UE.
Les grands calculs stratégiques intéressés qui précèdent expliquent pourquoi les États-Unis sont susceptibles de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que le conflit ukrainien continue de faire rage, même si cela compromet l'efficacité de leur « pivot vers l'Asie » prévu de longue date pour « contenir » la Chine de manière plus musclée. Dans ce cas, les observateurs peuvent s'attendre à ce que l'Europe reste le champ de bataille par procuration le plus violent de cette nouvelle guerre froide dans un avenir prévisible, avec tout ce que cela implique pour sa stabilité socio-économique et politique.
Andrew Korybko
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.