par Mikhail Gamandiy-Egorov
S'il est aujourd'hui peu intéressant de se focaliser sur les prétendus spécialistes occidentaux qui il y a encore récemment espéraient voir l'économie de la Russie à genoux et aujourd'hui se retrouvent à admettre « le miracle économique russe », il est au contraire très important d'entendre l'opinion d'experts issus de la principale économie du monde - la Chine.
Xu Poling, directeur-adjoint du Centre de recherche sur l'économie et la politique des pays en transition de l'Université de Liaoning, a publié un article d'analyse fort intéressant pour le quotidien en ligne The Paper, basé à Shanghai.
L'auteur y décrypte en détails les succès économiques de la Russie et sa résistance face aux innombrables sanctions occidentales, y compris depuis le lancement de l'opération militaire spéciale l'année dernière. Xu Poling note notamment que suite à la principale crise internationale depuis la fin officielle de la guerre froide - l'État russe a rapidement pris des mesures pour empêcher l'effondrement de son système financier, ajuster sa stratégie de coopération économique extérieure et élargir sa coopération avec la Chine, l'Inde et d'autres économies émergentes.
En parlant justement de l'interaction sino-russe, l'expert chinois rappelle qu'au cours de 2022 - les exportations de la Russie vers la Chine ont augmenté de 43,4% en glissement annuel, et ce aussi bien dans le secteur énergétique que dans nombre d'autres. Du côté des exportations chinoises vers la Russie - l'augmentation est également conséquente. Et que selon les données de l'Institut de la finance internationale basé à Washington - la Chine (y compris Hong Kong et Macao) et la Turquie ont dépassé l'Union européenne pour devenir les principaux partenaires économico-commerciaux de la Russie à l'échelle internationale. Avec en prime des perspectives encore plus intéressantes, notamment pour les relations sino-russes, pour l'année en cours.
L'auteur indique également que le paysage financier mondial est entré dans un tournant historique. À l'heure où les USA et l'Europe bruxelloise ont militarisé les instruments et monnaies internationaux, tels que le système Swift ou le dollar étasunien. Permettant d'éveiller la vigilance de nombreux pays et comme résultat l'obtention de la dédollarisation progressive des échanges internationaux. Parmi les exemples cités, Xu Poling rappelle l'abandon par la Russie du dollar US et de l'euro dans ses réserves de change, remplacés par l'or et le yuan chinois.
La Chine et l'Arabie saoudite commencent à utiliser la monnaie chinoise dans leurs transactions importantes au niveau bilatéral. L'Inde de son côté prévoit d'étendre ses accords énergétiques avec les pays producteurs de pétrole au Moyen-Orient aux transactions en monnaies locales. Et la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, avait rappelé qu'au sein des BRICS le travail était également mené dans la direction d'augmenter les échanges en monnaies nationales. En d'autres termes - en vue de réduire fortement la dépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux. Un sujet qu'Observateur Continental avait récemment traité.
Comme le note donc Xu Poling - si auparavant les règlements des transactions énergétiques, surtout pétrolières, étaient presque exclusivement effectués en dollars US - la nouvelle donne des transactions en monnaies nationales modifie le paysage financier mondial.
Pour revenir à la Russie et à sa résilience face aux sanctions occidentales que nombreux ne pouvaient pas imaginer - l'expert chinois rappelle que suite aux sanctions records décidées par l'Occident vis-à-vis de Moscou, des sanctions se comptabilisant par milliers de positions - les retombées négatives ont touché surtout les pays de l'Europe bruxelloise, pendant que la performance économique russe a dépassé toutes les attentes.
Chiffres à l'appui, l'auteur réalise le rappel qu'en avril de l'année dernière - la Banque mondiale prévoyait que la Russie connaitrait une croissance négative de 11,2% à l'issue de 2022. Certains experts occidentaux annonçaient quant à eux une décroissance encore plus importante. Pourtant, en janvier de cette année - le Fonds monétaires international (FMI) a prédit que le PIB de la Russie diminuerait de seulement 2,2% pour l'année écoulée 2022. Et retrouverait une croissance positive en 2023 et 2024. Et ce au moment, où le taux de chômage est au plus bas depuis 1991 dans le pays - à hauteur de 3,9%.
De même - sur les plans de la sécurité financière, budgétaire et celle de la balance des paiements de la Russie - rien n'a été sérieusement compromis. Xu Poling note par la même occasion que si la performance économique russe a dépassé toutes les attentes possibles, en faisant effectivement preuve d'une forte résilience - en termes de facteurs justifiant ces succès, il est évident que l'Etat russe était parfaitement préparé aux sanctions étasuniennes et européennes.
Et qu'après 2014, la stratégie russe de substitution des importations, la construction de la sécurité financière et budgétaire, la dédollarisation de l'économie, ainsi que les efforts visant à réduire la dépendance au secteur des exportations énergétiques - ont tous jeté de bonnes bases pour faire face à l'impact des sanctions les plus extrêmes. Le tout sans oublier - l'autosuffisance dans de nombreux domaines, notamment celui de l'agro-alimentaire.
Pour finir, et si tous les points cités par Xu Poling sont parfaitement logiques et objectifs - il serait très certainement temps de manière générale à s'intéresser aux analyses des principaux experts des pays qui représentent l'avenir, et non pas le passé, mondial. D'ailleurs et pour s'écarter un peu du domaine purement interétatique, il suffit aujourd'hui d'observer le monde de l'entreprenariat au sein des nations non-occidentales. Et comment les entrepreneurs russes, chinois, indiens, turcs et d'autres trouvent matière à coopérer dans de nombreux domaines d'intérêt commun. Le tout pendant que les diplômés des prétendues grandes écoles de commerce occidentales observent ces processus avec non seulement une vive jalousie, mais surtout une incompétence qui bien souvent n'est pas à démontrer.
source : Observateur Continental