Le Pakistan est secoué par un drame qui se joue à des milliers de kilomètres de son sol, aux frontières de l'Europe. Un jour de deuil national est observé lundi 19 juin, en hommage aux nombreux Pakistanais qui ont trouvé la mort dans le naufrage survenu au large des côtes grecques mercredi 14 juin.
Au moins 200 Pakistanais à bord
Le bateau de pêche qui a coulé dans les eaux internationales, au large de Pylos, transportait jusqu'à 750 exilés, selon les témoignages des survivants. Parti de Tobrouk, dans l'est de la Libye, il naviguait en direction de l'Italie. Seules 78 personnes ont survécu à ce naufrage et 104 ont été retrouvées mortes noyées.
Douze Pakistanais figurent parmi les rescapés, a rapporté samedi le ministère des Affaires étrangères pakistanais, qui ignore encore combien de ressortissants se trouvaient à bord. Selon des médias pakistanais, leur nombre pourrait être supérieur à 300. Ils étaient plus de 200, a déclaré à l'AFP un responsable de l'immigration s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
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Le média américain VOA a pu échanger avec la famille de Muhammad Akash, un Pakistanais de 21 ans qui se trouvait à bord du bateau et n'a pas survécu à ce voyage. « Cette terrible nouvelle nous a laissé dans une profonde tristesse », a confié son oncle à l'AFP. À la veille du départ, Muhammad avait appelé sa famille pour leur demander de prier pour lui, inquiet d'embarquer pour cette dangereuse traversée. Sa famille s'était cotisée pour payer le passeur qui avait organisé son voyage depuis le Pakistan via Dubaï, l'Égypte puis la Libye.
Une enquête ouverte, 12 passeurs présumés arrêtés
Les autorités pakistanaises ont rapidement réagi. Dimanche, le Premier ministre Shehbaz Sharif a annoncé 𝕏 sur Twitter le lancement d'une enquête visant à établir le nombre de Pakistanais parmi les victimes et à les identifier, ainsi qu'à retrouver les passeurs qui avaient organisé le voyage depuis le Pakistan. À cette fin, les familles de disparus ont été invitées par les autorités à transmettre documents d'identité et relevés ADN authentifiés en laboratoire.
Les services de renseignements pakistanais ont également posté un message sur Twitter, invitant toutes les personnes qui auraient des informations relatives à l'organisation du voyage des victimes vers l'Europe à les partager avec eux.
Dès dimanche, les autorités ont annoncé l'arrestation de dix personnes soupçonnées d'être impliquées dans le trafic d'êtres humains : neuf dans la région du Cachemire, d'où étaient originaires la majorité des victimes pakistanaises, la dixième dans la ville de Gujarat, au Pendjab, d'où partent de nombreux Pakistanais candidats à l'exil.
Dès vendredi soir, les services de renseignement pakistanais avaient interpellé trois trafiquants présumés, dont l'un, Sajid Mehmood, a été arrêté à l'aéroport de Karachi alors qu'il tentait de fuir le pays, selon un agent pakistanais cité par le média qatari Al Jazeera.
Débats sur l'émigration au Pakistan
De nombreux Pakistanais se trouvaient déjà parmi les victimes du tragique naufrage d'une embarcation de migrants qui a fait 94 morts au large de Crotone, dans le sud de l'Italie, le 26 février 2023.
Ce drame avait suscité un vif débat au Pakistan autour des raisons qui poussent de plus en plus de personnes, notamment des jeunes, à émigrer. Le Premier ministre Shehbaz Sharif avait alors ordonné une enquête au Pakistan sur le trafic d'êtres humains.
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Ces derniers mois, les troubles politiques et la crise économique qui frappent le Pakistan poussent des dizaines de milliers de personnes à quitter le pays, par tous les moyens. Le pays de près de 230 millions d'habitants enregistre une inflation record - autour de 38 % actuellement - et un taux de chômage record en raison de nombreuses fermetures d'usines.