11/09/2023 reseauinternational.net  4min #233594

 Séisme au Maroc

Tragédie au Maroc, et pendant ce temps les journalistes en France font un caca nerveux parce que ce pays ne s'est pas agenouillé pour demander l'aide de Macron

par Patrice Gibertie

Nos journalistes ne peuvent concevoir qu'un peuple puisse être fier et ne veuille pas quémander une aide qui, il faut le reconnaitre arrivera de toute manière trop tard. Ensuite il faudra aider les vivants et reconstruire mais dans le respect des Marocains, pas en humiliant comme ce fut le cas en Haïti.

Une leçon de journalisme, un recadrage en règle, etc. en direct de @BFMTV par la journaliste marocaine @Samirasitail1.
À écouter intégralement.
Maroc-France: "C'est un crève coeur", la mauvaise relation entre Paris et Rabat, confie un ancien diplomate de haut-rang. "C'est triste, depuis Giscard, on avait une relation unique avec le Maroc. Comment E. Macron a-t-il pu croire qu'il allait réussir avec le pdt algérien?"

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Sylvie Brunel, ancienne présidente d'Action contre la Faim, estime que face aux offres d'aide humanitaire aux arrière-pensées géopolitiques, il est légitime que le Maroc se positionne en État souverain.

La géographe Sylvie Brunel est professeure de géographie à l'université Paris-Sorbonne depuis 2007. Spécialiste de l'Afrique et des questions de développement et de famine, elle a dirigé l'association humanitaire Action contre la faim.

Quand un État subit une catastrophe, c'est à lui de demander de l'aide. C'est une question de souveraineté. Il n'est pas question pour les secours internationaux de se précipiter dans un pays, sauf si celui-ci a failli, comme en Haïti en 2010. Après le tremblement de terre, il y a eu un rush (une précipitation, ndlr) humanitaire parce que l'État n'était absolument plus en situation d'y faire face. Le bâtiment présidentiel lui-même s'était effondré ! Mais il y a eu par la suite des polémiques sur le fait que Haïti a été dépossédé de sa souveraineté. La Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH) était directement pilotée par Bush puis par Clinton...

Le roi Mohamed VI veut donc garder la main sur son pays. C'est aussi une forme de fierté nationale. Mettez-vous à la place du Maroc. En cas de catastrophe naturelle en France, comme à La Faute-sur-Mer (victime de la tempête Xynthia en 2010, ndlr), imaginez-vous des ONG marocaines ou américaines débouler ? L'aide humanitaire internationale va toujours des pays développés aux pays non développés. En tant que pays émergent, qui se veut interlocuteur de l'Europe et qui aspire à un statut de puissance régionale en Afrique, Rabat veut montrer qu'il est souverain, capable de piloter les secours, et ne pas se comporter comme un pauvre pays meurtri que tout le monde vient charitablement secourir...

Les actions essentielles sont celles de proximité. Par la suite, sauf cas exceptionnels de personnes bloquées dans des trous d'air ou cavités, les chances de retrouver des survivants s'amenuisent fortement. Le temps qu'arrivent les secours internationaux, il est malheureusement déjà trop tard. Au nom de cette maigre chance de sauver des rescapés, le risque pour le Maroc est de perdre sa souveraineté.

Et puis, la précipitation des secours lors de tragédies humanitaires est source de nombreux problèmes : l'engorgement, la mauvaise coordination, les routes saturées, ou l'installation de structures que les Marocains ne souhaitent pas forcément (islamistes ou à vocation religieuse par exemple). Les gens sont animés de générosité, mais aussi de naïveté. Toute opération humanitaire est d'abord géopolitique. Les structures humanitaires sont un cheval de Troie pour s'installer, prendre des contacts, montrer qui sont les bienfaiteurs. Rabat refuse d'être un vaste champ d'opérations humanitaires dont il n'aura plus la maîtrise.

Une anecdote : lors du tsunami du 26 décembre 2004 en Asie du Sud-Est, les Américains se sont immédiatement positionnés pour aider l'Indonésie. C'était le moyen rêvé de reprendre pied dans une zone du monde où ils étaient alors très mal perçus. Après l'Irak, l'Afghanistan en 2001, il y avait l'idée que les États-Unis avaient un compte à régler avec les musulmans. Or, l'Indonésie abrite la plus grande population musulmane du monde. Savez-vous quelle expression a alors utilisée la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice ? «Une merveilleuse opportunité»...

 Le Figaro

source :  Patrice Gibertie

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