13/09/2023 legrandsoir.info  7min #233716

 Rien de bon n'en est sorti : le 9/11 vingt ans après

La bonne nouvelle du jour : la fin du terrorisme

Gilles QUESTIAUX

Le fléau qui a ravagé le monde de la manière si ce n'est la plus grave, certainement la plus spectaculaire depuis près d'un demi-siècle est en train de cesser, pour laisser la place à d'autres sans doute, mais ce n'est pas une raison de nous priver de la bonne nouvelle.

Le terrorisme dont il est question ici est le terrorisme aveugle qui vise à tuer le plus possible de gens ordinaires, pris au hasard ou presque dans la foule pour faire la Une des médias globaux. Il est causé par des groupes qui sont parfois spontanés, mais qui sont aussi souvent infiltrés et parfois littéralement créés par les services secrets d'un État - État domestique ou État impérialiste étranger. Les terroristes du Xinjiang manipulés et encouragés par la CIA et par les médias globaux occidentaux ont été pris au sérieux, confronté énergiquement – sans qu'il n'y ait eu de près ou de loin de « génocide » - et vaincus par le gouvernement chinois car sa crédibilité était en jeu.

C'est un adversaire factice de la société capitaliste, l'adversaire odieux et indéfendable qu'elle préfère évidemment avoir en face d'elle parce qu'il ne remet rien en cause fondamentalement, mais un adversaire réel – ou la marionnette dont un adversaire réel tire les ficelles - de ses autorités du moment, qu'il défie et qu'il peut fragiliser considérablement si le défi n'est pas correctement relevé.

La psychologie de ceux qui commettent ces attentats dans la rue ou les lieux publics ressemble à celle de ces criminels désaxés qui se sont multipliés pendant la même période – 1980 – 2020 - du nouvel âge du capitalisme, à ces individus tarés qui massacrent des innocents en vue d'obtenir la célébrité, avant de se tuer ou de se faire tuer par la police, qui choisissent leurs victimes dans leur famille, parmi leurs collègues de travail ou leurs camarades de classe, dans le public d'un spectacle, ou parmi les simples passants. La seule différence étant qu'un motif politique est revendiqué par les perpétrateurs des crimes terroristes et qu'il est pris au sérieux par les médias. Les attentats de novembre 2015 à Paris et de Juillet 2016 à Nice sont typiques de ce style. Par contre l'attentat qui a exterminé la rédaction de Charlie Hebdo en janvier 2015 n'est pas de ce type.

La vague terroriste qui s'est abattue sur le monde au tournant du millénaire a commencé en Italie vers les années 1970 par les attentats des réseaux clandestins de l'OTAN dit « Gladio » et de l'extrême-droite qui visaient délibérément le public, pour effectivement faire régner la terreur, et dissuader une section de la classe dirigeante italienne de tenter l'aventure du « compromis historique » avec le PCI. On peut ranger dans ces exploits pour défendre le « monde libre » le massacre de la Piazza Fontana en 1969, la bombe du train Italicus en 1973, puis celle de la gare de Bologne en 1980.

Mais si l'extrême-droite joue son rôle par la suite dans la série sanglante de massacres terroristes qui ont émaillé l'actualité des quatre décennies suivantes notamment dans les massacres perpétrés dans divers pays pourtant bien tranquilles (Norvège, Nouvelle Zélande, Canada …) contre des musulmans, ou contre des afro-américains aux États-Unis, c'est sa variante islamiste et parfois antisémite, propulsée par les fonds généreusement distribués par les pétromonarchies du Golfe qui a défrayé la chronique, jusqu'en 2020 environ et qui a pris l'apparence d'une force historique autonome de première grandeur à cause de la gigantesque couverture médiatique qu'elle a obtenu, et qui a culminé à la suite des attentats du 11 Septembre 2001 aux États-Unis.

Cette mouvance politique et sa stratégie violente avaient été soigneusement cultivées par les services secrets occidentaux et israéliens comme arme contre la gauche arabo-musulmane, et contre les gouvernements qui en relevaient peu ou prou, de l'Afghanistan au Yémen, de l'Algérie au Soudan, de l'Irak à la Libye, et enfin à la Syrie où ça continue encore et encore. Les islamistes radicaux de la mouvance takfiriste pouvaient fournir le personnel exécutant de ces attentats – infiniment plus dévastateurs dans les pays musulmans qu'en Occident - en puisant dans le vivier de jeunes désorientés et fanatisés produits génération après génération dans des sociétés en crise perpétuelle à cause de l'ingérence extérieure. Contrairement à ce qu'indiquait le programme d'histoire de terminale en France il y a quelques années, le Moyen Orient n'exporte pas sa violence, il importe la nôtre.

Mais quand il s'agit de terrorisme, qu'il représente authentiquement les intentions de ceux qui revendiquent les actions, ou qu'il résulte totalement ou partiellement d'un complot, il s'agit avant tout de manipuler les apparences. Les terroristes ne peuvent obtenir aucune influence directe, ni aucun succès militaire par le simple effet matériel de leur action. Leur rôle est politique, et indirect. Il s'agit essentiellement de se faire une place sanglante dans le spectacle chaotique du monde comme il va, et de la tenir. Et son effet est de créer dans le public une sidération telle qu'elle le rend manipulables à divers effets. Que cet effet soit ou non la raison consciente des actions des terroristes et surtout de ceux qui les commanditent est au fond secondaire. Les complots existent, mais pas nécessairement.

La meilleure stratégie pour contrer une campagne terroriste consiste à contrôler sa couverture médiatique, et ce n'est pas un hasard que les Russes et les Chinois aient su le faire. Les médias capitalistes « libres » ont une malsaine complicité avec le phénomène dont ils tendent à multiplier les effets. Mais cela signifie aussi que si ces médias se désintéressent de lui le terrorisme aveugle va dépérir et tout indique maintenant qu'ils sont accaparés par autre chose et que la préparation de la guerre avec la Russie et la Chine occupera maintenant toute leur attention, et si on peut enrôler dans la croisade contre ces pays des terroristes de diverses familles idéologiques, pourquoi s'en priver ? c'est déjà le cas sur le terrain en Ukraine.

La guerre de Syrie, en révélant les caractères contradictoires de ce qui est appelé « islamisme » en Occident a aussi contribué à rendre difficile l'amalgame systématique entre terroristes et musulmans.

Elle a montré à nouveau le soutien manifeste de l'Occident aux terroristes du gang Al-Qaïda, puis elle a instrumentalisé le groupe dit de l'État islamique pour mettre un pied en Syrie et y rester jusqu'à nos jour malgré les droit international. Et elle a révélé aussi que d'autres tendance islamistes – tel le Hezbollah - s'avéraient les combattants les plus efficaces contre le terrorisme, bien plus efficaces que les marines envoyés là-bas pour pêcher en eaux troubles. Aujourd'hui il devient aussi plus difficile de recruter des kamikazes car depuis que la Chine négocie la paix entre l'Iran et les pays du Golfe, les monarchies pétrolières changent de camp et cessent de payer pour les supplétifs en chair à canon qui ont été si utiles contre Khadafi et pour déstabiliser l'Afrique.

L'effet géopolitique du terrorisme spectaculaire et particulièrement de l'affaire du 11 septembre a été de faire sortir le loup du bois. L'absurde déclaration de guerre officielle du gouvernement américain « au terrorisme » équivaut à une revendication au contrôle de la totalité du territoire mondial, et implique la destruction du droit international, pour le remplacer par le fameux « ordre fondé sur des règles », règles qui se résument à la domination impériale occidentale indéfinie sur le reste du monde. Pour la faire durer il va falloir maintenant comme chacun le voit utiliser des moyens plus directs, plus coûteux, et beaucoup plus puissants ce qui ne laisse pas d'être inquiétant.

Mais il se pourrait bien que le terrorisme aveugle globalisé soit une victime collatérale majeure de la guerre d'Ukraine.

Aujourd'hui de nouveaux fléaux plus ou moins pertinents sont montés en épingle, des variants du Covid aux aléas du climat, alors que les véritables menaces sont comme toujours minimisées. Ainsi il y a toujours très peu d'inquiétude dans le public sur les provocations de l'OTAN qui risquent de nous mener comme jamais depuis 1945 à la guerre nucléaire. Mais c'est un autre chapitre de cette histoire.

Et en attendant, je pense qu'on peut prendre le métro tranquillement – à moins de tomber un jour sur un autochtone rendu fou par les prophéties apocalyptiques du changement climatique.

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