12/02/2024 vududroit.com  3min #242696

 France : Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, est décédé

Robert Badinter : le léopard meurt avec ses taches.

À chaque disparition d'une personnalité importante, posons-nous la question de savoir quelle ligne adopter :

• la ligne romaine : de mortuis nil nisi bonum (d'un mort on ne doit dire que du bien)

• la ligne Voltaire : nous devons des égards vivants, aux morts nous ne devons que la vérité

• la ligne Westlake : d'un mort, si ne vous ne pouvez pas dire du mal, ne dites rien

Avec Robert Badinter le choix est difficile. D'abord parce que le procès en canonisation a rapidement commencé et nager à contre-courant dans un tsunami, ce n'est pas une mince affaire. Ensuite parce qu'un jugement univoque pour une vie de 95 ans ne voudrait pas dire grand-chose sur le disparu mais renseignerait plutôt sur celui qui l'émet.

Alors autorisons nous quelques observations.

Robert Badinter fut un grand avocat. C'est à ce titre il se lança dans le combat contre la peine de mort qu'il mena courageusement. Il avait défendu Roger Bontemps, un homme qui finit sous l'échafaud, exécution à laquelle il assista, accompagnant le condamné jusqu'au bout. L'avocat général qui avait obtenu sa tête se fit courageusement porter pâle. Cette épreuve le marqua à jamais.

Il accepta plus tard de prendre en charge la défense de Patrick Henry. Celui-ci avait enlevé un petit enfant pour obtenir une rançon, puis l'avait étranglé tout en continuant son chantage. Ulcérée, la foule hurlait à la mort. La France entière était persuadée que la guillotine était promise à l'infect personnage. Robert Badinter dut revenir devant la Cour d'assises de l'Aude, celle-là même qui avait décidé cinq ans auparavant de couper Roger Bontemps en deux. Le même avocat général requit à nouveau le châtiment suprême.

Alors, dans un silence de plomb, un Badinter seul et habité se leva. Et pas à pas, sortit Patrick Henry de sous le couteau.

J'étais jeune avocat, je me rappelle encore aujourd'hui le moment où bouleversé j'appris cette victoire. Victoire sur la mort et sur la meute.

Par la suite Badinter se lança dans une croisade judiciaire qui l'amena aux quatre coins de la France où il réussit, un par un à sauver ceux qui était promis à ce châtiment dont la France n'arrivait pas à se débarrasser.

L'abolition légale, c'est François Mitterrand qui l'a voulue, en en faisant un élément de son programme présidentiel, alors qu'il savait les Français opposés. Que ce geste là au moins, lui soit compté.

Le discours de Badinter à l'Assemblée nationale avant le vote, relevait d'une cérémonie symbolique.

Ensuite l'homme politique Badinter, garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel, sénateur, passa son existence à défendre les intérêts de la grande bourgeoisie à laquelle il appartenait. Se plaçant systématiquement du côté de sa classe, il s'opposera toujours aux mesures sociales et politiques venues de la gauche. Dès 1981 il s'opposa en Conseil des ministres aux nationalisations pourtant prévues par le programme du nouveau président. Puis fut le comptable scrupuleux de l'indemnisation des actionnaires des sociétés concernées. On ajoutera sans allonger la liste son aveu d'avoir fait du Conseil constitutionnel, un bouclier contre l'expression souveraine du parlement. Sans oublier son aversion pour les couches populaires dont témoignèrent ses prises de position au moment de la crise des gilets jaunes.

Robert Badinter fut donc un grand avocat.

Pour le reste, nous savons bien que le léopard meurt avec ses taches.

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