22/04/2024 francesoir.fr  5min #247260

 Washington débloque l'aide du désespoir à Kiev

États-Unis : La Chambre des représentants vote une aide de 60 milliards de dollars pour l'Ukraine après des mois de blocage

France-Soir

Après plus de six mois de tractations, l'aide américaine à l'Ukraine a été adoptée samedi 20 avril 2024 à la Chambre des représentants

Howard / AFP

Après plus de six mois de tractations, l'aide américaine à l'Ukraine a été adoptée samedi 20 avril 2024 à la Chambre des représentants. Kiev, mis à mal sur le front, bénéficie d'une tant attendue enveloppe de 60,8 milliards de dollars. Le paquet de textes comprend également une aide à Israël et à Taïwan, ainsi qu'une interdiction de TikTok. Le vote, favorable avec une marge confortable, ne s'est pas déroulé sans tensions : drapeaux ukrainiens au Congrès et huées des parlementaires républicains avec une probable destitution du chef républicain de la Chambre, Mike Johnson. La satisfaction chez les Démocrates (et Zelensky) contraste avec la colère chez le Grand Old Party (GOP).

Réclamé par Joe Biden, ce budget de près de 119 milliards de dollars est bloqué depuis octobre 2023 par les conservateurs, qui conditionnaient son déblocage à une réforme de la politique migratoire. 60 milliards de cette enveloppe sont consacrés à l'Ukraine, tandis que 14,1 autres milliards étaient destinés à Tel Aviv. Quant à la réforme de l'immigration, une somme de 20,2 milliards y était allouée.

Le républicain Mike Johnson défait le noeud

Après un accord au Sénat en février, le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, a vite promis de l'enterrer. "J'en ai assez vu. Ce projet de loi est encore pire que prévu et ne suffira pas à mettre fin à la catastrophe frontalière provoquée par le président (...) Si ce projet de loi arrive à la Chambre, il sera mort dès son arrivée". Mais deux mois plus tard, il apporte son soutien à l'enveloppe et débloque la situation. "Pour le dire franchement : je préfère envoyer des munitions à l'Ukraine qu'envoyer nos garçons se battre", a-t-il expliqué.

Pour permettre son adoption, il a fractionné le texte en quatre parties, ignorant, par la même occasion, les critiques des républicains les plus opposés à l'aide pour l'Ukraine. Les textes, tous orientés vers la politique étrangère des États-Unis, concernent l'Ukraine, Israel, Taiwan et une éventuelle interdiction du réseau social chinois, TikTok.

Kiev, qui pouvait déjà compter sur une aide européenne de 50 milliards d'euros, votée en février après des mois de bras de fer en raison d'un véto de la Hongrie et de son Premier ministre, Viktor Orbàn, va bien recevoir la tant attendue aide américaine de 61 milliards de dollars. Ce texte-là a obtenu 311 voix favorables contre 112 voix défavorables, après une séance tendue, durant laquelle les partisans de l'Ukraine brandissaient des drapeaux du pays tandis que leurs adversaires les huaient.

Si les démocrates sont très favorables à de nouvelles aides pour l'Ukraine, les républicains, emmenés par Donald Trump, sont de plus en plus réticents à financer un conflit qui s'enlise. Comme le débat intervient en pleine année électorale, cette question tout comme la réforme de la politique migratoire s'est transformée en un duel à distance entre les deux candidats à la présidentielle, prévue en novembre.

Le déblocage de ces 60 milliards de dollars intervient au moment où le pays dirigé par Volodymyr Zelensky subit la domination russe, notamment dans le ciel. Cette aide doit permettre de doter Kiev de nouveaux systèmes de défense anti-aériens américains et de réapprovisionner les stocks de munitions de Washington.

Satisfaction chez Biden, l'UE et l'OTAN

Le locataire de la Maison-Blanche s'est vite félicité. "Aujourd'hui, les membres des deux partis à la Chambre ont voté pour faire avancer nos intérêts en matière de sécurité nationale et envoyer un message clair sur le pouvoir du leadership américain dans le monde", a-t-il écrit dans un communiqué. Joe Biden a appelé le Sénat à vite confirmer ce paquet de textes pour qu'il puisse y apposer sa signature.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a exprimé sa "reconnaissance" à ceux qui ont "gardé l'histoire sur les bons rails". "Le projet vital d'aide américaine passé aujourd'hui à la Chambre empêchera la guerre de s'étendre, sauvera des milliers et des milliers de vies, et aidera nos deux nations à devenir plus fortes", a-t-il ajouté dans un post X (anciennement Twitter).

L'heure est également à la satisfaction pour le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui "salue le fait que la Chambre des représentants des États-Unis ait approuvé un nouveau programme d'aide important pour l'Ukraine. L'Ukraine utilise les armes fournies par les alliés de l'Otan pour détruire les capacités de combat russes. Cela renforce notre sécurité à tous, en Europe et en Amérique du Nord", estime-t-il.

Idem du côté de l'Union européenne (UE). Charles Michel, président du Conseil européen, "salue" également cette "aide cruciale". "Cela envoie un message clair au Kremlin : ceux qui croient en la liberté et dans la Charte des Nations Unies continueront à soutenir l'Ukraine et ses habitants".

Pour le Kremlin, il ne fait aucun doute que ce déblocage "tuera encore plus d'Ukrainiens à cause du régime de Kiev". "La décision de fournir une aide à l'Ukraine était attendue et prévisible. Elle enrichira davantage les États-Unis d'Amérique et ruinera encore plus l'Ukraine, en tuant encore plus d'Ukrainiens à cause du régime de Kiev", a réagi le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Dans le camp républicain, Marjorie Taylor Green, une des principales alliées du candidat Donald Trump, a dénoncé ce vote. "Les Américains souffrent tous les jours et n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Au lieu d'aider nos concitoyens, on envoie des milliards à l'Ukraine", a-t-elle déclaré, après avoir plusieurs fois tenté d'introduire des amendements pour bloquer la séance parlementaire.

D'autres représentants du GOP ont promis de tout faire pour destituer leur speaker, Mike Johnson, pour le punir de son initiative ayant permis le vote des textes. Cela ne serait pas une première puisqu'un certain Kevin McCarthy avait été évincé de son poste pour avoir adopté la même approche. Mais la presse souligne que ce changement de cap a été autorisé par Donald Trump, qui a reçu la semaine passée le chef de la Chambre des représentants en Floride pour lever son "veto" sur le dossier ukrainien.

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