Peace Now
« All eyes on Gaza » clament à juste titre les manifestants pro-palestiniens pour que le monde entier se mobilise contre le génocide en cours. Mais il ne faut pas perdre de vue la Cisjordanie où Israël profite de la situation pour pousser un cran plus loin la colonisation des territoires palestiniens. D'ailleurs, juste un jour avant que la CIJ juge illégale l'occupation de ces territoires, le gouvernement prenait de nouvelles mesures pour ronger un peu plus la Palestine, balayant au passage des dispositions entérinées il y a près de 30 ans. Explications. (I'A)
Le 18 juillet 2024, le chef du commandement central a signé deux ordonnances accordant à Israël des pouvoirs d'exécution, de planification et de construction dans les territoires transférés à l'Autorité palestinienne en vertu des accords d'Oslo. Selon ces ordonnances, un fonctionnaire israélien nommé par le gouvernement - l'adjoint civil du ministre de l'Administration civile, sous l'autorité du ministre Smotrich - peut désormais ordonner la démolition de structures palestiniennes dans la « réserve convenue » en Cisjordanie. La « réserve convenue » comprend environ 167 000 dounams (41 300 acres), soit environ 3 % de la Cisjordanie. Conformément à l'accord de Wye Plantation conclu entre Israël et l'OLP en 1998, la planification et l'application des règles de construction dans ces zones étaient théoriquement confiées à l'Autorité palestinienne. Mais en pratique, selon ce même accord, les Palestiniens devaient s'abstenir de construire sur ces terres.
Il n'y a pas de fin au désir de contrôle et d'annexion du gouvernement israélien au service des colons. Il s'arroge désormais des pouvoirs que Netanyahou avait lui-même transférés aux Palestiniens dans le cadre de l'accord de Wye Plantation en 1998. Israël n'a aucun intérêt à démolir les maisons palestiniennes de la zone B. Cela ne ferait que nuire à la sécurité et à la réputation internationale du pays. Cela sert uniquement les intérêts des colons messianiques. Soulignons que la « réserve convenue » n'est pas une véritable réserve naturelle. Il s'agit d'une invention israélienne née de l'accord de Wye Plantation : Netanyahou cherchait à empêcher la mise en œuvre des accords signés avec les Palestiniens et à éviter de leur transférer l'autorité sur ces territoires. Définis comme des « réserves », ces territoires ont donc été transférés aux Palestiniens, mais avec l'interdiction d'y construire. Cependant, ils ne constituent pas une réserve à proprement parler.
Qu'est-ce que la « réserve convenue » ?
Selon l'accord intérimaire conclu entre Israël et l'OLP en 1995, Israël s'était engagé à transférer à l'Autorité palestinienne les responsabilités et pouvoirs civils de vastes zones de la Cisjordanie. Ces zones sont connues sous le nom de zones A et B. Le transfert des pouvoirs s'est fait par étapes (« redéploiements ») au cours desquelles Israël a transféré divers territoires aux Palestiniens. Cependant, le Premier ministre Netanyahou, élu en 1996 après l'assassinat du Premier ministre Rabin, n'a pas respecté les engagements d'Israël et a rouvert les négociations sur des questions déjà entérinées, notamment la question de la mise en œuvre des redéploiements pour le transfert des pouvoirs. Lors des négociations entre Netanyahou et Arafat à Wye Plantation en 1998, une formule a été trouvée qui a permis à Netanyahou de transférer des territoires à l'Autorité palestinienne tout en l'empêchant de les utiliser. Les parties ont convenu que le territoire transféré aux Palestiniens lors du prochain redéploiement serait défini comme des zones vertes (aujourd'hui appelées « réserves convenues » par Israël) dans lesquelles, selon l'accord, les Palestiniens auraient des pouvoirs de planification et de construction, mais n'auraient pas le droit de construire.
Il convient de noter que la division des territoires de Cisjordanie entre Israël et les Palestiniens dans le cadre des accords d'Oslo (qui devaient être temporaires jusqu'à la signature d'un accord permanent en 1999) était telle qu'environ 18 % de la Cisjordanie était définie comme la zone A - sous l'autorité civile et sécuritaire palestinienne ; environ 22 % étaient définies comme la zone B, sous l'autorité civile palestinienne, dont certaines parties étaient définies comme des zones vertes (qui représentent environ 3 % de la Cisjordanie). Les quelque 60 % restants des territoires de Cisjordanie ont été définis comme la zone C, placée sous l'entière autorité d'Israël.
Ce qui devait être un arrangement temporaire jusqu'à la signature d'un accord définitif s'est transformé en une situation permanente. L'Autorité palestinienne avait le feu vert pour planifier et construire dans moins de 40 % des territoires de Cisjordanie. Dans le reste (zone C), Israël a imposé une interdiction presque totale de toute construction palestinienne. Pire ! Le gouvernement israélien ne s'est pas contenté d'interdire les constructions palestiniennes, il a également procédé à la démolition de bâtiments palestiniens. Et ces dernières années, il a expulsé par la force les Palestiniens des terres de la zone C au profit de plantations agricoles.
Les ordonnances signées
Ces dernières années, les colons ont exercé une pression importante sur le gouvernement pour qu'il commence à démolir les bâtiments palestiniens même dans les zones A et B. Lors d'une réunion en sous-commission de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset le 19 juillet 2023, le ministre Smotrich a évoqué cette intention de commencer à démolir les maisons palestiniennes également dans les zones A et B. Le principal obstacle, a déclaré le ministre Smotrich, est l'interdiction de démolir les maisons palestiniennes dans les zones A et B. La clé, a poursuivi Smotrich, est de définir les constructions palestiniennes comme une menace stratégique pour la « sécurité nationale » d'Israël et donc d'agir, pour des raisons de sécurité, en procédant à des démolitions également dans les territoires sous autorité palestinienne.
Selon les médias, lors d'une réunion de cabinet il y a environ un mois, les ministres ont décidé qu'Israël commencerait à appliquer les lois sur la planification et la construction ainsi que les lois archéologiques dans la zone B. Comme le texte de la décision du cabinet n'a pas été publié, nous n'avons pas d'autres détails sur la décision. Mais aujourd'hui, la signature des ordonnances témoigne des intentions du gouvernement.
Le chef du commandement central a signé deux ordonnances. La première, intitulée « Amendement à la directive relative à la mise en œuvre de l'accord intérimaire », autorise Israël à opérer dans la « réserve convenue ». La seconde ordonnance, « Directive concernant la restriction de la construction dans la réserve convenue », est une loi qui interdit la construction dans ces terres tout en précisant, pour les autorités israéliennes, les conditions et les autorisations pour la démolition de bâtiments palestiniens. L'ordonnance stipule en fait que toute construction effectuée dans ces territoires n'est pas légale (sauf si elle existait avant l'accord de Wye de 1998). Il convient de noter que l'autorité et la responsabilité de l'application de la nouvelle loi ne sont pas entre les mains des forces armées, mais entre celles d'un fonctionnaire civil subordonné au ministre Smotrich - l'« adjoint civil » du chef de l'administration civile.
L'excuse : « préserver la nature »
L'un des arguments avancés par les colons contre la construction palestinienne dans ces zones est qu'elle porte atteinte à des valeurs environnementales importantes. Cependant, cette affirmation est pleine d'hypocrisie. Tout d'abord, comme nous l'avons mentionné, la réserve convenue est appelée « zone verte » en vertu de l'accord. Le territoire a été déterminé par des professionnels qui ont constaté qu'il possédait des valeurs environnementales dignes de protection, mais ses limites précises n'ont pas été fixées. En outre, lors de cette réunion de cabinet qui a décidé il y a un mois de commencer à démolir les maisons palestiniennes dans la réserve convenue, il a également été décidé d'établir une nouvelle colonie sur les terres du village de Battir (colonie de Nahal Heletz). Cette colonie est destinée à être établie au cœur d'un site déclaré par l'UNESCO comme étant un site du patrimoine mondial en péril. Il est donc difficile d'affirmer que la préservation de la nature figure au premier rang des priorités des ministres. Enfin, il existe de nombreux cas où les implantations nuisent à de véritables réserves naturelles, mais les autorités ne s'empressent pas d'y remédier. En 2007, Peace Now a publié un rapport sur les colonies et les avant-postes qui empiètent sur les réserves naturelles.
Source originale: Peace Now
Traduit de l'anglais par GL pour Investig'Action