Par Mohamad Hasan Sweidan, le 28 septembre 2024
Le 26 septembre, l'armée israélienne a annoncé la fin d'un exercice simulant une opération terrestre au Liban, à plusieurs kilomètres de leur frontière commune. Ces deux derniers jours, plusieurs responsables militaires israéliens, dont le chef d'état-major Herzi Halevy et le commandant du Nord Uri Gordin, ont déclaré que l'armée d'occupation était prête à mener des opérations terrestres au Liban.
Mais comment Tel Aviv peut-il concevoir de manière réaliste l'envoi de troupes terrestres dans un pays qui a réussi, non pas une, mais deux fois, à expulser les forces d'occupation, pour engager le combat contre un adversaire - le groupe de résistance libanais Hezbollah - bien mieux armé et organisé que par le passé.
Caractéristiques de la stratégie israélienne jusqu'à présent
Depuis le début de la récente escalade avec le Liban, Israël semble mener sa guerre selon cinq axes simultanés.
- Premièrement, il cherche à frapper le système de commandement et de contrôle du Hezbollah, principalement par des assassinats ciblés contre les principaux chefs militaires de la résistance, la cible la plus récente étant le commandant de l'unité de drones Abou Saleh Sorour.
- Deuxièmement, elle cherche à frapper directement les capacités militaires du Hezbollah en s'appuyant sur une série de cibles établies par Tel-Aviv : lundi dernier, les Israéliens ont annoncé qu'ils avaient frappé avec succès 1 600 cibles militaires de la résistance, notamment des dépôts d'armes, des entrepôts de missiles et des rampes de lancement. Les Israéliens ont annoncé lundi dernier qu'ils avaient frappé avec succès 1 600 cibles militaires de la résistance, dont des dépôts d'armes, des entrepôts de missiles et des rampes de lancement.
- Troisièmement, Israël vise à exercer une pression interne libanaise sur le Hezbollah en nuisant à ses partisans et même à ses détracteurs. Tel-Aviv a intensifié ses attaques sanglantes contre les populations et les zones civiles au cours des deux dernières semaines, tuant plus de 728 civils, en blessant des milliers et déplaçant près de 390 000 personnes, selon les données officielles du gouvernement libanais.
- Quatrièmement, une tentative d'influencer l'environnement global libanais pour qu'il se retourne contre la résistance par le biais de campagnes médiatiques systématiques - en coopération avec les médias libanais et les personnalités qui reprennent les récits d'intimidation d'Israël afin d'apprivoiser et de freiner les actions du Hezbollah.
- La cinquième et dernière piste, à ce jour, est la menace croissante et la préparation d'une invasion terrestre israélienne du Liban - même limitée - dans le but de confirmer la supériorité israélienne sur le terrain en contrôlant les zones libanaises, même pour de courtes périodes.
Réactions du Hezbollah
Naturellement, la résistance a l'intention de contrecarrer les stratégies d'Israël par une série d'étapes interconnectées. Après chaque assassinat, le Hezbollah confirme que son système de commandement et de contrôle n'est pas affecté, puis lance une escalade contrôlée pour confirmer qu'il est prêt à faire face aux assauts de l'ennemi. C'est ce qui s'est passé le 24 septembre, lorsque le Hezbollah a lancé une frappe de plus de 300 missiles le lendemain de la campagne aérienne israélienne, essentiellement pour confirmer que ses capacités en matière de missiles restent opérationnelles.
Comme lors des confrontations passées entre Israël et le Hezbollah, la base de soutien de ce dernier reste largement cohérente et favorable aux plans d'escalade de la résistance. Séparer le Hezbollah de son environnement incubateur est une stratégie israélienne qui a échoué à plusieurs reprises, principalement parce que la base de la résistance est issue de cette même société.
Enfin, l'objectif d'Israël de retourner l'opinion publique libanaise contre la résistance n'a pas progressé à ce jour. Au contraire, les agressions israéliennes ont renforcé la cohésion nationale, en particulier après l' attaque terroriste par beepers de l'État d'occupation, sauf dans certains cas précis.
La cinquième voie : invasion terrestre du Liban
Ces derniers jours, les discussions sur la possibilité d'une incursion terrestre israélienne au Liban se sont nettement intensifiées. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est vanté de la poursuite des opérations militaires contre le Liban "à pleine puissance" pour s'assurer que le Hezbollah est "considérablement affaibli", et a rejeté les appels internationaux en faveur d'un cessez-le-feu immédiat.
Le chef d'état-major de l'armée a également demandé aux forces israéliennes de se préparer à une éventuelle attaque terrestre dans le but d'établir une zone tampon israélienne dans le sud du Liban. Sur le plan opérationnel, l'armée d'occupation se prépare à cette éventualité en organisant des entraînements et en appelant deux brigades de réserve sur le front nord.
Selon des sources occidentales et israéliennes, plusieurs scénarios existent pour une éventuelle invasion terrestre israélienne du Liban, chacun d'entre eux offrant des objectifs stratégiques et des risques divers :
- Le premier scénario prévoit une action terrestre limitée à l'intérieur du territoire libanais dans le but de frapper des cibles spécifiques du Hezbollah près de la frontière, telles que des sites de lancement de missiles, ou de nettoyer une zone afin d'empêcher la résistance de mener des attaques contre Israël. Il s'agirait d'une action à court terme destinée à faire pression sur la partie qui négocie un cessez-le-feu. À ce stade, si Tel-Aviv choisit l'option d'une opération terrestre, ce scénario sera le plus probable.
- Deuxièmement, une incursion terrestre limitée aurait pour but de pousser les forces de résistance à se retirer de la zone frontalière, en particulier pour réduire la portée des missiles guidés antichars dont dispose le Hezbollah. Les commandants militaires israéliens ont indiqué que cette option servirait à établir une "zone de sécurité" s'étendant sur 8 à 10 kilomètres à l'intérieur du territoire libanais. Ce scénario augmente considérablement la probabilité d'une prolongation des combats et d'une multiplication des pertes humaines et militaires pour les Israéliens.
- Troisièmement, une invasion terrestre complète du Liban - le scénario le plus extrême - aurait pour but de détruire les capacités du Hezbollah. À l'heure actuelle, ce scénario reste très improbable en raison de son niveau de risque extrêmement élevé et parce que l'objectif à court terme de Tel-Aviv n'est pas de détruire le Hezbollah, mais plutôt de modifier les menaces qui pèsent sur la sécurité à sa frontière avec le Liban.
Où attaquer ?
Une attaque terrestre israélienne - limitée ou étendue - devrait se concentrer sur des zones géographiques spécifiques du Liban, principalement au sud, où Tel-Aviv entend créer une zone tampon exempte de Hezbollah, ou dans la région de la Bekaa, qui borde la frontière syrienne. Israël envisage un scénario similaire au statu quo qui prévalait dans le sud du Liban dans les années 1990, où il maintenait une zone de sécurité pour limiter l'accès du Hezbollah à la frontière - avant d'être éliminé par les commandos de la résistance en 2000.
Inversement, une action terrestre israélienne limitée dans la Bekaa permettrait à Israël d'influer sur les voies d'approvisionnement en armes et en logistique du Hezbollah depuis la Syrie et de les réduire, soit en coupant les voies terrestres entre le Liban et la Syrie, soit en interrompant les lignes d'approvisionnement entre la Bekaa et le sud. Le travail préparatoire consistera à poursuivre les frappes aériennes israéliennes dans la Bekaa, qui ont notamment ciblé les quatre principaux postes-frontières avec la Syrie : Al-Arrayedh, Mutariba, Saleh et Qabsh.
La plupart des observateurs occidentaux ne sont pas optimistes quant aux chances de l'armée israélienne de mener des opérations terrestres au Liban, étant donné les capacités renforcées et perfectionnées du Hezbollah pour faire face à une telle action. Dans un article du Washington Post, l'écrivain Max Boot affirme que cette option folle "serait un nouveau bourbier pour Israël". Du point de vue de Tel-Aviv, le meilleur scénario possible impliquerait que sa campagne aérienne parvienne à stopper le front libanais de soutien à Gaza, et permette aux colons israéliens déplacés de rentrer chez eux dans le nord d'Israël.
Mais comme aucune résolution imminente du conflit avec le Liban n'est probable - compte tenu du refus de Netanyahu d'envisager un cessez-le-feu dans le nord, et encore moins à Gaza - la possibilité d'une action terrestre israélienne au Liban se précise, malgré les risques considérables encourus par l'armée d'occupation. Tel Aviv sait très bien que sa supériorité aérienne n'a d'égal que l'avantage terrestre du Hezbollah, comme en témoignent ses récentes batailles avec la résistance libanaise, au cours desquelles Israël a déjà perdu la face.