Par Jeremy Scahill et Sharif Abdel Kouddous
Violations du cessez-le-feu par Israël à Gaza : le silence des médias
Alors que le génocide à Gaza semble sur le point de reprendre, galvanisé par l'hubris criminelle de Trump, il est indispensable de contrebalancer le récit dominant, largement acquis à la propagande israélienne, en donnant la parole aux Palestiniens à Gaza et à leurs représentants. Rappelons que l'unilatéralisme post-7 octobre confine à la complicité de crime de guerre & de crime contre l'humanité. (Alain Marshal)
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Mardi, des responsables du Hamas ont remis aux médiateurs un rapport de deux pages [intégralement traduit ci-dessous ; rappelons que même les instances internationales reconnaissent les données du Hamas comme fiables] énumérant un large éventail de violations israéliennes du cessez-le-feu à Gaza depuis l'entrée en vigueur de l'accord le 19 janvier. Parmi ces violations figurent le meurtre de civils, des incursions terrestres et aériennes répétées, le passage à tabac et l'humiliation de captifs palestiniens lors de leur libération, la déportation forcée de certains d'entre eux et le blocage de l'aide humanitaire. Drop Site News a obtenu une copie du rapport remis aux médiateurs du Qatar et de l'Égypte.
« Le Hamas s'engage à respecter l'accord de cessez-le-feu si l'occupation en fait de même », a déclaré le mouvement dans un communiqué. « Nous confirmons que l'occupation n'a pas respecté ses engagements et qu'elle porte l'entière responsabilité des complications et des retards. »
Cette déclaration intervient en réponse aux accusations du président américain Donald Trump et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui affirment que le Hamas a violé l'accord et menacent de reprendre totalement la guerre. Or, ce sont les violations quasi quotidiennes de l'accord par Israël qui ont poussé le Hamas à annoncer le report de la prochaine libération de captifs israéliens.
Lundi, Abu Obeida, porte-parole des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, a annoncé que la prochaine libération de trois prisonniers israéliens, prévue pour samedi, était « reportée indéfiniment ». Il a invoqué « les retards dans l'autorisation du retour des Palestiniens déplacés vers le nord de Gaza, leur ciblage par des frappes aériennes et des tirs à travers plusieurs zones de la bande de Gaza, ainsi que le refus de faciliter l'entrée de l'aide humanitaire alors que cela était convenu ».
Peu après, le Hamas a publié un communiqué réaffirmant qu'Israël violait l'accord en bloquant l'aide, en attaquant les civils et en restreignant la circulation dans Gaza, avertissant que la prochaine libération de captifs serait reportée jusqu'à ce qu'Israël se conforme aux termes de l'accord. « En publiant cette déclaration cinq jours avant la remise des prisonniers, le Hamas entend donner aux médiateurs suffisamment de temps pour faire pression sur l'occupation afin qu'elle respecte ses obligations », précise le communiqué.
Trois responsables israéliens et deux médiateurs, s'exprimant anonymement auprès du New York Times, ont confirmé qu'Israël n'avait pas rempli ses obligations en matière d'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza. Ce fait est mentionné dans le neuvième paragraphe de l'article du Times. [En France, l' AFP, Le Monde, etc., donnent la parole à Trump et aux Israéliens, mais sans évoquer les violations substantielles et répétées du cessez-le-feu par Israël, invisibilisant ainsi le récit palestinien, de sorte que c'est une fois de plus l'occupant qui apparait en état de « légitime défense »…].
En réponse, le président Trump a déclaré lundi à la presse que le cessez-le-feu devrait être annulé si le Hamas ne libérait pas tous les captifs restants à Gaza d'ici samedi midi, avertissant que « l'enfer va éclater ». Mardi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a renforcé les propos de M. Trump. « Si le Hamas ne rend pas nos otages d'ici samedi midi, a déclaré Netanyahou dans une déclaration vidéo, le cessez-le-feu prendra fin et les forces de défense israéliennes reprendront les combats intenses jusqu'à ce que le Hamas soit définitivement vaincu. » Netanyahou aurait ordonné à l'armée d'augmenter ses effectifs dans et autour de Gaza afin de se préparer à « tous les scénarios » en cas de non-libération des captifs. Il n'a pas été immédiatement précisé s'il faisait référence aux trois Israéliens dont la libération était initialement prévue samedi, à l'ensemble des captifs restants ou à tous les Israéliens vivants dont la libération est prévue dans la phase 1.
Le document de deux pages soumis mardi par le Hamas aux médiateurs répartit les violations en cinq catégories distinctes : violations sur le terrain, prisonniers, aide humanitaire, refus de fournitures essentielles et violations politiques.
Israël a violé l'accord de cessez-le-feu de manière répétée depuis son entrée en vigueur, ciblant presque quotidiennement des Palestiniens à Gaza. Le document recense 269 « violations sur le terrain » commises par l'armée israélienne, y compris 26 Palestiniens tués et 59 blessés. Le nombre de morts semble être largement sous-estimé par rapport au bilan officiel établi par le ministère de la Santé de Gaza. Son directeur général, le Dr Monir al-Barsh, a annoncé séparément mardi que 92 Palestiniens avaient été tués et 822 blessés dans des « frappes directes » menées par l'armée israélienne depuis le 19 janvier, date d'entrée en vigueur du cessez-le-feu.
Le rapport fait également état d'incursions terrestres répétées dans la bande de Gaza au-delà de la zone tampon désignée, en particulier dans le corridor de Philadelphie, une bande de terre de 14 kilomètres longeant la frontière égyptienne. Ces incursions « se sont accompagnées de tirs et ont entraîné la mort de civils ainsi que la destruction de maisons », indique le rapport.
Il accuse en outre les autorités israéliennes d'avoir soumis des prisonniers palestiniens à des passages à tabac et à des humiliations lors de leur libération, d'avoir déporté de force des prisonniers libérés vers Gaza sans leur consentement ni coordination, d'avoir empêché les familles des prisonniers déportés de quitter la Cisjordanie pour les rejoindre et d'avoir retardé la libération des prisonniers de plusieurs heures.
Le rapport indique également que moins de 25 camions de carburant par jour ont été autorisés à entrer à Gaza, soit la moitié des 50 camions prévus dans l'accord. L'entrée de carburant commercial a été totalement bloquée, précise le rapport, en violation de l'accord.
Un peu plus de 53 000 tentes ont été autorisées à entrer dans la bande de Gaza, sur les 200 000 allouées, et aucune unité de logement mobile sur les 60 000 convenues. De même, les machines lourdes nécessaires à l'enlèvement des débris massifs et à la récupération des corps ont été bloquées, seules quatre ayant été autorisées à entrer.
Israël a également bloqué l'entrée des fournitures indispensables à la réparation et au fonctionnement de la centrale électrique et du réseau électrique, selon le rapport. Aucune fourniture médicale ni ambulance n'a été autorisée à entrer, et aucun équipement destiné aux équipes de défense civile n'a été permis, ajoute le rapport. Pendant ce temps, les banques n'ont pas été autorisées à recevoir des liquidités pour pallier une grave pénurie de devises.
Le rapport se termine sur les « violations politiques », critiquant les déclarations du « Premier ministre israélien et des ministres appelant ouvertement à l'expulsion de la population de Gaza, envoyant un message clair selon lequel l'occupation ne souhaite pas honorer l'accord et cherche à mettre en œuvre le plan de Trump visant à déplacer les habitants de Gaza. » Il dénonce également le « retard délibéré » dans l'ouverture des négociations sur la phase 2 du cessez-le-feu et « l'introduction de conditions impossibles ». [Note : selon plusieurs rapports de la presse israélienne, Netanyahou n'aurait jamais eu l'intention d'aller au-delà de la première phase de l'accord, ayant de toute façon l'intention de reprendre le génocide dès que possible et de déporter la population de Gaza ; ainsi, il ne s'agirait que d'un prétexte, docilement validé par les médias occidentaux, à l'instar des 40 bébés décapités et autres mensonges sur le 7 octobre]
Jeremy Scahill
Article original en anglais : Hamas Report to Mediators Accuses Israel of Pervasive Gaza Ceasefire Violations, Drop Site News, 11 février 2025
Traduction et notes entre crochets : Alain Marshal pour son blog
Image en vedette : Capture d'écran. Soldats israéliens à la frontière entre Israël et Gaza, le 11 février 2025. Photo par Amir Levy/Getty Images.
La source originale de cet article est Drop Site News
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