Netanyahu bloque la restitution de plus de 600 prisonniers palestiniens pour une prétendue cérémonie "dégradante"
Par Qassam Muaddi, le 23 février 2025
Suite à une cérémonie de remise de captifs israéliens à Gaza, au cours de laquelle un soldat israélien a embrassé le front de deux combattants du Hamas, Netanyahu, indigné, a fait suspendre la libération de centaines de prisonniers palestiniens.
Israël a annoncé qu'il suspend la libération de plus de 600 prisonniers palestiniens prévue hier dans le cadre du septième échange de prisonniers entre le Hamas et Israël.
Samedi, le Hamas a libéré six prisonniers israéliens et les corps de quatre Israéliens tués à Gaza. Pendant ce temps, les services pénitentiaires israéliens ont transféré des dizaines de prisonniers palestiniens au centre de détention d'Ofer, à l'ouest de Ramallah, afin de les libérer en Cisjordanie. Des familles palestiniennes sont venues de toute la Cisjordanie à Ramallah pour accueillir leurs proches, certaines arrivant aux premières heures de la matinée pour éviter d'être bloquées par les checkpoints israéliens. À Gaza, des familles se sont rassemblées à Khan Younis pour accueillir quelque 300 prisonniers palestiniens censés être libérés dans Gaza.
Après la libération des prisonniers israéliens samedi matin, et après que l'armée israélienne a annoncé les avoir accueillis via la Croix-Rouge internationale, l'administration pénitentiaire israélienne a déclaré ne pas avoir reçu d'instructions de la part du gouvernement israélien pour libérer les prisonniers palestiniens. En fin d'après-midi, les médias israéliens ont rapporté que la libération a été suspendue jusqu'à l'issue de la réunion du cabinet d'Israël, prolongeant ainsi l'attente des familles palestiniennes jusque tard dans la nuit.
Passé minuit, le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé la suspension de la libération des Palestiniens jusqu'à ce qu'Israël reçoive des garanties que les prisonniers israéliens encore détenus seraient libérés "sans rituels dégradants" - en référence aux cérémonies de restitution organisées par le Hamas tout au long de la première phase du cessez-le-feu, au cours desquelles les prisonniers israéliens ont souvent été pris en photo sur une tribune et ont reçu des souvenirs de la part des Brigades Qassam, la branche armée du Hamas.
Le Hamas a déclaré dans un communiqué que la décision de Netanyahu de suspendre la libération des prisonniers palestiniens se fonde sur des "prétextes fallacieux", insistant sur le fait que les cérémonies ne dégradent ni n'insultent les captifs israéliens, mais traduisent au contraire le "traitement humain" qui leur a été réservé. Le Hamas a ajouté que
"la véritable atteinte à la dignité humaine est la maltraitance et l'humiliation dont ont été victimes les prisonniers palestiniens".
Prétextes fallacieux, politique de deux poids, deux mesures
Les captifs israéliens ont été libérés lors de cérémonies organisées comprenant la remise de "certificats de libération" et des séances de photos. Les otages apparaissent généralement sur une tribune d'où ils peuvent s'exprimer devant la foule, généralement devant une grande bannière portant des messages politiques en arabe, en hébreu et en anglais, ainsi que des portraits de dirigeants du Hamas assassinés.
Bien que ces opérations du Hamas aient lieu depuis des semaines, la décision de Netanyahu de suspendre la libération des prisonniers palestiniens, pour ces cérémonies prétendument "dégradantes", a été prise à la suite d'un épisode devenu viral lors de la cérémonie de samedi, au cours duquel l'un des otages israéliens, un soldat, a embrassé deux combattants du Hamas sur le front avant de se retourner pour sourire, faire un signe de la main et envoyer un baiser à la foule alors qu'il était sur l'estrade.
Alors que les médias israéliens ont rapporté que le soldat avait été contraint d'embrasser les combattants du Hamas sur la tête, d'autres ont dénoncé notamment la remise des trois dépouilles de la famille Bibas, au cours de laquelle les trois cercueils ont été amenés sur scène avant d'être remis aux équipes de la Croix-Rouge. Les commentateurs israéliens ont estimé que cette restitution était offensante pour les défunts.
Vendredi, l'institut médico-légal israélien d'Abou Kabir a annoncé que l'un des trois corps libérés n'était pas celui de la mère, Shiri Bibas, Israël accusant le Hamas d'avoir violé l'accord en remettant le corps d'une "femme palestinienne" à sa place. Le Hamas a admis la possibilité d'une erreur - citant la mort des Bibas lors d'une frappe aérienne parmi de nombreux autres Palestiniens, entraînant une erreur d'identification - et a remis le corps de Shiri Bibas à la Croix-Rouge un peu plus tard dans la journée de vendredi, sans cérémonie publique.
M. Netanyahu s'est ensuite engagé à "faire payer le Hamas" pour avoir remis la mauvaise dépouille à la Croix-Rouge. Israël a accusé le Hamas d'avoir tué la famille Bibas, tandis que le Hamas souligne qu'elle a été mortellement touchée par une frappe aérienne israélienne.
Les critiques israéliennes concernant les cérémonies de restitution "dégradantes" contrastent fortement avec les modalités de libération des prisonniers palestiniens au cours du cessez-le-feu, notamment la remise en liberté de prisonniers présentant des ecchymoses sur le corps et le passage à tabac de certains prisonniers devant des membres de la Croix-Rouge avant leur remise en liberté, selon certains d'entre eux.
Les prisonniers palestiniens ont également été contraints de porter des bracelets et des sweat-shirts portant des inscriptions de menaces et de vengeance du "peuple éternel", sans que cela n'ait suscité la même indignation dans les médias occidentaux ou israéliens. Lors de la libération du sixième groupe de prisonniers palestiniens la semaine dernière, l'administration pénitentiaire israélienne a pris des photos des prisonniers palestiniens avant leur libération, agenouillés et vêtus de sweat-shirts portant la phrase "Ni pardon, ni oubli" et une étoile de David.
Quatre des Palestiniens libérés la semaine dernière ont été transférés à l'hôpital de Ramallah en raison de leur piètre état de santé, tandis que l'un d'entre eux, Ameer Abu Raddaha, avait tellement maigri que les membres de sa propre famille ne l'ont pas reconnu.
Suspendre la libération des prisonniers : une tentative de bloquer la deuxième phase du cessez-le-feu
La suspension du processus de libération des prisonniers palestiniens concerne le septième des huit échanges de prisonniers prévus dans le cadre de la première phase de l'accord de cessez-le-feu. Le Hamas a libéré tous les prisonniers israéliens vivants prévus lors de la première phase. Selon le gouvernement israélien, 60 prisonniers israéliens sont encore en vie à Gaza et leur libération est attendue au cours de la deuxième phase du cessez-le-feu. Cette seconde phase doit également inclure des négociations sur le point final de la guerre et le retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza.
Les pourparlers sur la deuxième phase devaient commencer le seizième jour du cessez-le-feu, il y a trois semaines. Netanyahu a différé l'envoi d'une équipe de négociation au Caire jusqu'à sa dernière visite à Washington et sa rencontre avec le président américain Donald Trump. L' appel de Trump au déplacement des Palestiniens de Gaza a conforté l'attitude des alliés d'extrême droite de Netanyahu, en particulier son ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui n'a cessé d'appeler à la reprise de la guerre contre Gaza après la fin de la première phase de l'accord de cessez-le-feu.
M. Smotrich a constamment brandi la menace d'une démission du gouvernement de M. Netanyahu si Israël ne poursuit pas la guerre à Gaza, position partagée par plusieurs ministres du cabinet israélien qui s'opposent à la seconde phase de l'accord de cessez-le-feu. Les médias israéliens ont suggéré que ces ministres font pression sur Netanyahu pour suspendre la libération de Palestiniens dans l'espoir d'éviter le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu.
Netanyahu a donc suspendu la libération de plus de 600 prisonniers contre l'avis des services de sécurité israéliens, a rapporté Axios. Selon Channel 12 en Israël, les responsables des secteurs de l'armée et de la sécurité ont conseillé à Netanyahu de libérer les Palestiniens, mais à l'issue de la réunion de Netanyahu avec les leaders politiques et les membres de son cabinet, il a décidé de suspendre l'opération.
Alors qu'il ne reste qu'une semaine avant l'expiration de la première phase de l'accord de cessez-le-feu, les chances de parvenir à un accord final s'amenuisent. En début de semaine, l'envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a rencontré le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, chargé de mener les négociations sur la deuxième phase, ainsi que le Premier ministre qatari, Muhammad bin Abdulrahman al-Thani, qui assure la médiation des pourparlers au nom du Qatar.
Israël exige la fin de la gouvernance du Hamas sur Gaza pour en finir avec la guerre, tandis que le Hamas accuse Netanyahu de recourir à des stratagèmes pour poursuivre l'agression du peuple palestiniens. Le Hamas insiste sur la nécessité de conclure la paix, procéder au retrait total d'Israël de la bande de Gaza, et de démarrer la reconstruction de Gaza.