
Par Robert Inlakesh, le 18 avril 2025
Une opération militaire américaine méconnue, menée au Yémen par l'administration Biden, a déplacé 531 000 personnes, selon les rapports de l'équipe nationale yéménite pour les relations extérieures.
En 2024, alors que tous les regards étaient tournés vers Gaza, le président Joe Biden a lancé une campagne de bombardements au Yémen qui a déplacé plus de 531 000 personnes.
Près de 40 000 personnes ont été chassées de leurs foyers par les seules bombes américaines.
Cette opération, baptisée " Opération Prosperity Guardian", vous est peut-être totalement inconnue.
Elle n'a fait l'objet d'aucun vote au Congrès ni d'aucune conférence de presse à la Maison Blanche. Et pourtant, à la fin de l'année, les avions de combat américains ont frappé des écoles, des mosquées, des fermes, des ports et des camions-citernes à travers le Yémen, provoquant un désastre humanitaire qui a rivalisé avec les pires années de la guerre menée par l'Arabie saoudite.
Deux rapports publiés par l'équipe nationale yéménite pour les relations extérieures (NTFG), examinés par MintPress News, ont révélé des statistiques stupéfiantes sur les conséquences de la dernière campagne militaire de Biden contre cette nation arabe déchirée par la guerre.
Le président Biden, dans son premier discours sur la politique étrangère en 2021, a déclaré que mettre fin à la guerre "catastrophique" au Yémen serait une priorité absolue. À cette date, la guerre soutenue par les États-Unis, principalement menée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, avait déjà fait près de 400 000 morts depuis son déclenchement en 2015 sous l'administration de Barack Obama.
En octobre 2023, le gouvernement dirigé par Ansar Allah à Sanaa a commencé à intervenir dans la guerre de Gaza, après la campagne de bombardements israéliens qui a tué des milliers de civils palestiniens. Après avoir lancé des missiles, le groupe a imposé un blocus dans la mer Rouge aux navires liés à Israël. Plutôt que de poursuivre les négociations, la Maison Blanche a réagi en renforçant son intervention militaire en soutien à Israël.
En décembre 2023, le secrétaire à la Défense de l'époque, Lloyd Austin, a annoncé le lancement d'une opération navale multinationale baptisée "Operation Prosperity Guardian". Dans le cadre de cette campagne, l'administration Biden a lancé des frappes aériennes contre Ansar Allah au Yémen sans l'approbation du Congrès ni mandat populaire.
Selon le premier rapport du NTFG, l'opération menée par les États-Unis, parallèlement aux frappes aériennes israéliennes qui ont suivi, a aggravé la crise humanitaire au Yémen, faisant passer le nombre de civils nécessitant une aide d'urgence de 18,2 millions à 19,5 millions pour la seule année 2024.
En d'autres termes, l'effort de guerre financé par les contribuables américains a plongé 1,3 million de personnes supplémentaires dans la misère l'année dernière.
Le rapport note également que des responsables de l'ONU
"ont mis en garde contre les menaces des États-Unis, du Royaume-Uni et d'Israël de perturber l'aéroport international de Sanaa et les ports de Hodeidah afin d'entraver et de suspendre l'aide humanitaire internationale au Yémen, d'autant que ces infrastructures vitales sont des sites humanitaires essentiels".
Cette mise en garde souligne ce qui semble être une punition collective intentionnelle du peuple yéménite. Près de 80 % des denrées alimentaires du pays sont importées.
Parmi les sites endommagés ou détruits en décembre 2024, on peut citer :
- 23 établissements commerciaux
- Huit stations-service
- Deux structures touristiques
- Six écoles
- Six mosquées
- 45 routes et ponts
- Six réservoirs et réseaux d'eau
- Cinq ports maritimes
- Quatre fermes
- 13 camions de distribution de nourriture
- Quatre camions-citernes
- 37 champs agricoles
Le deuxième rapport du NTFG s'est concentré sur les déplacements internes et les conséquences humanitaires. Selon les statistiques de l'ONU citées dans le rapport, 531 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du Yémen durant l'année 2024, dont au moins 38 129 ont été déplacées de force par les frappes militaires.
Au cours du dernier mois de la présidence de Biden, les États-Unis et leurs alliés ont pris pour cible un nombre alarmant de sites civils. Le rapport indique :
"Des frappes aériennes ont visé des centrales électriques dans la capitale (Sanaa) et à Hodeidah, incendiant des équipements essentiels à la production d'électricité et privant les civils d'électricité. En plus de paralyser l'approvisionnement en électricité du Yémen, la coalition américano-britannico-sioniste a lancé des attaques contre des ports clés de la mer Rouge à Hodeidah, notamment les ports d'Al-Salif, de Hodeidah et de Ras Issa. Ces frappes ont fait plusieurs morts et blessés parmi les dockers, perturbant le commerce vital et les voies d'approvisionnement humanitaire".
Bien que l'administration Trump ait intensifié la guerre depuis son entrée en fonction, la campagne militaire américaine au Yémen dure maintenant depuis plus d'une décennie. En effet, jusqu'à l'assaut d'Israël sur Gaza, elle était largement considérée comme la pire catastrophe humanitaire causée par l'homme au monde.
Sous Biden, Ansar Allah a été désignée comme une organisation "terroriste mondiale expressément désignée". L'administration Trump a depuis remplacé cette étiquette par la désignation plus sévère d'" organisation terroriste étrangère".
Cette nouvelle classification entrave considérablement la capacité des groupes humanitaires à acheminer l'aide, criminalisant de fait les opérations de secours dans de vastes zones du nord du Yémen.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Robert Inlakesh est analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires basé à Londres. Il a vécu et travaillé comme reporter dans les territoires palestiniens occupés et anime l'émission « Palestine Files ». Il est le réalisateur de « Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe » (Le vol du siècle : la catastrophe palestino-israélienne sous Trump) et le directeur de « Palestine Files ». Suivez-le sur Twitter/X @falasteen47.