Par Ian Proud, le 14 mai 2025
Zelensky ferait mieux de cesser de jouer la comédie devant la presse internationale dans l'espoir que la Russie annule.
Alors que nous nous préparons aux premières discussions directes entre la Russie et l'Ukraine depuis l'échec des pourparlers d'Istanbul en mars 2022, un bras de fer complexe est en cours.
Sans surprise, selon moi, le président Poutine a ignoré l'ultimatum lancé à la Russie par la coalition des volontaires, qui lui demandait d'instaurer un cessez-le-feu inconditionnel pendant trente jours sous peine de nouvelles sanctions massives. Il a préféré proposer ce que les Américains réclament depuis l'arrivée au pouvoir de Trump, à savoir des pourparlers bilatéraux directs avec l'Ukraine à Istanbul le jeudi 15 mai.
Je soutiens depuis longtemps que la seule issue à la guerre en Ukraine passe par la négociation. Les deux parties ont proposé des compromis lors du premier cycle de négociations à Istanbul en mars 2022. Toute nouvelle négociation exigerera des compromis de part et d'autre, mais à cette différence près qu'aujourd'hui, la Russie a beaucoup plus d'atouts en main qu'en 2022.
Dans ce contexte, le président Zelensky a appelé le président Poutine à le rencontrer en personne à Istanbul jeudi. De mon point de vue, il semble s'agir d'une tentative de faire échouer les négociations - au cas où Poutine ne se présente pas.
Habituellement, lorsque des chefs d'État se rencontrent, les responsables ont déjà négocié longuement au préalable. Les dirigeants peuvent alors se présenter et soit signer le document, soit aborder les questions les plus épineuses en tête-à-tête. Nous sommes aujourd'hui mardi 13 mai. Il est tout simplement impossible que les responsables russes et ukrainiens aient mis en place le cadre d'un accord que les deux dirigeants pourraient signer jeudi à Istanbul.
Même si Poutine se présentait jeudi, Zelensky n'annoncera pas unilatéralement que l'Ukraine renonce à ses ambitions d'adhésion à l'OTAN avant même que les négociations aient commencé. Que l'on soit d'accord ou non, il est évident que c'est là l'une des principales "causes profondes" de la guerre pour la Russie. Le nouveau ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, a récemment réaffirmé que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN est irréversible, même si l'administration Trump n'est pas d'accord.
Il faudra du temps pour rédiger une formulation acceptable pour les deux parties au conflit concernant les aspirations de l'Ukraine à rejoindre l'OTAN. Et il y a une longue liste d'autres points devant être abordés, notamment l'axe de contrôle, le rôle des forces militaires d'autres États, le retour des enfants ukrainiens, la protection des langues minoritaires, etc.
Toutes les déclarations de Zelensky depuis le début de la guerre ont mis l'accent sur la nécessité pour l'Occident d'exercer une pression accrue sur la Russie afin de garantir la victoire finale. Zelensky rencontrera(it) Poutine à Istanbul sans les félicitations hypocrites dont il fait l'objet dans les capitales occidentales, et sans joker dans sa manche.
Pour autant, j'estime qu'une rencontre est nécessaire. L'image de ces deux dirigeants en temps de guerre se rencontrant à Istanbul, aussi gênante et inconfortable soit-elle, pourrait être profondément symbolique et annoncer la reprise tant attendue des pourparlers de paix entre les responsables. Ils pourraient convenir, de vive voix, de maintenir un cessez-le-feu tant que ces pourparlers auront cours.
Mais aucun dirigeant n'aime se rendre à une réunion internationale sans avoir préparé le terrain. L'inimitié entre Poutine et Zelensky est profonde, pour des raisons évidentes. Compte tenu du penchant de Zelensky pour les coups médiatiques, la partie russe voudra s'assurer que le scénario de la réunion et les résultats attendus - aussi limités soient-ils - soient sans surprise.
Poutine sait que s'il ne se rend pas à Istanbul, Zelensky appellera à des sanctions massives sur la scène internationale. Mais s'il rencontre Zelensky et qu'un accord global n'est pas conclu sur place, ce qui semble franchement impossible, les mêmes appels aux sanctions massives contre la Russie seront renouvelés.
Bien sûr, Poutine sait aussi que l'Europe ne peut mettre en place de nouvelles sanctions suffisamment lourdes pour changer la donne à ce stade avancé du processus, après avoir épuisé la plupart des options depuis 2014. Le jour de la Victoire, la Grande-Bretagne a annoncé unilatéralement le "plus grand ensemble de sanctions jamais pris" contre la flotte fantôme de pétroliers russes. L'idée que des épaves impropres à la navigation transportent du pétrole russe illicite vers la Grande-Bretagne est évidemment fantaisiste. Mais en tout état de cause, avec le prix mondial du pétrole désormais proche du plafond fixé par le G7 pour le pétrole russe, l'idée d'une flotte fantôme livrant du pétrole au prix du marché est dépassée. Le train de sanctions adopté en février par la Grande-Bretagne à l'encontre de 107 personnes et entités a été qualifié de plus important depuis 2022. Soyons clairs, le plus important train de sanctions contre la Russie a été imposé en février 2022, et tout ce qui a été fait depuis lors n'a eu qu'un effet marginal.
Mais là n'est pas vraiment le problème. En tentant de provoquer une confrontation à Istanbul, Zelensky souhaite peut-être continuer à présenter la Russie comme l'agresseur et faire pression pour obtenir davantage d'aide militaire, après avoir réclamé trois millions d'obus d'artillerie supplémentaires lors de son récent voyage à Prague. Cependant, après avoir déjà coûté la vie à plus d'un million de personnes, cette guerre doit vraiment prendre fin.
Boris Johnson a eu tort, en mars 2022, de dissuader Zelensky d'accepter le premier accord de paix d'Istanbul, précisément parce qu'il n'était pas en mesure de tenir la promesse faite de soutenir l'Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Même si la Grande-Bretagne continue d'injecter 4,5 milliards de livres sterling par an dans l'aide militaire à l'Ukraine, cette somme est dérisoire comparée à l'aide gracieuse offerte par les États-Unis sous Joe Biden.
Trump n'offre désormais rien de plus que de piller les ressources de l'Ukraine pour que Kiev puisse acheter des armes américaines, et l'Europe ne peut se permettre de combler la différence aussi longtemps qu'il le faudrait. L'Ukraine continue de subir des pertes sur le champ de bataille et, apparemment, traite désormais ses soldats traumatisés à la kétamine pour les aider à faire face au syndrome de stress post-traumatique.
Malgré les risques considérables liés à l'inflation et aux taux d'intérêt élevés dus aux dépenses budgétaires colossales consacrées à son économie de guerre, la Russie continue d'afficher une croissance respectable. L'Europe ne peut en dire autant.
Pour l'instant, le président Poutine garde ses cartouches sans réagir aux coups médiatiques incessants de Zelensky. De toute évidence, l'initiative russe d'un deuxième cycle de négociations de paix à Istanbul à partir de jeudi est essentielle pour rapprocher les deux parties d'un cessez-le-feu qui aurait dû être conclu il y a plus de trois ans. Peu importe que les deux dirigeants se rencontrent au début ou à la fin de ces négociations, mais qu'ils se mettent enfin au travail et engagent le dialogue.
Traduit par Spirit of Free Speech