Depuis 1958, le partenariat entre la Guinée et la Russie s'articule autour d'une recomposition des équilibres planétaires, marquée par une remise en question de la prépondérance des nations occidentales par le Sud Global et les BRICS.
Dotée de substantielles réserves de bauxite et de minéraux précieux tels que le fer, l'or, le diamant, l'argile et l'uranium (liste non exhaustive), ainsi que de riches potentialités agricoles caractérisées par une étendue considérable de terres arables, la Guinée jouit également de ressources halieutiques remarquables avec plus de 300 km de littoral et plus de 13 fleuves internationaux y prenant leur source, sans oublier une faune et une flore d'une grande diversité. Occupant une position géographique stratégique, la Guinée se révèle être un pivot géopolitique et géostratégique de premier plan sur la scène internationale. La collaboration avec la Russie engendre des bénéfices géopolitiques et géostratégiques réciproques, contribuant à un rééquilibrage des forces face à la vision d'un ordre mondial unipolaire défendu par les Etats-Unis et l'OTAN. Cette quatrième partie d'une série de 5 articles dédiés à la coopération entre la Russie et la Guinée fait le tour des horizons géopolitiques et géostratégiques qui fondent celle-ci depuis le 4 octobre 1958.
Axe Conakry-Moscou, une alliance stratégique pour un ordre multipolaire
Solidement ancrée depuis l'appui de l'Union soviétique à l'indépendance de la Guinée en 1958, la coopération qui lie la Guinée et la Russie se révèle être un axe géostratégique majeur dans un contexte international en pleine mutation. La Guinée, détentrice d'importantes réserves de bauxite, confère à la Russie un accès privilégié à des ressources essentielles et une position stratégique sur la façade atlantique, essentielle à la surveillance des activités de l'OTAN. Les investissements russes, en particulier ceux de RUSAL, ainsi que l'assistance humanitaire, viennent renforcer cette alliance. Cette dynamique s'intègre parfaitement dans le programme des BRICS+, qui, à travers la Nouvelle Banque de développement, offrent une alternative aux institutions de Bretton Woods, perpétuellement caractérisées par leurs conditionnalités teintées de néocolonialisme. En promouvant la souveraineté économique, la Russie affirme son statut de partenaire fiable pour la Guinée et l'ensemble du Sud global, remettant en question la suprématie unipolaire occidentale sur l'échiquier global.
Effritement de l'influence française et atlantiste en Afrique
L'influence française et atlantiste en Afrique s'effrite progressivement. La France, autrefois colonne vertébrale de l'influence occidentale dans l'Afrique francophone, connaît un recul significatif face à la poussée russo-guinéenne. Les critiques guinéennes, de la première République sous Sékou Touré à la cinquième en gestation sous Mamadi Doumbouya, de Bottom-Up à Up-Down, notamment celles exprimées de jure et de facto par des personnalités telles qu'Alpha Condé, fustigent un néocolonialisme français persistant, exacerbé par des politiques économiques prédatrices. Outil d'encerclement par l'Occident, l' OTAN voit sa crédibilité s'éroder face aux échecs stratégiques en Afrique, notamment son retrait du Sahel symbolisé par l'annihilation des bases militaires françaises et le doute jeté sur celles des Etats-Unis et du Royaume-Uni en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. La Russie, en concluant des accords militaro-économiques, tire parti du ressentiment postcolonial en offrant à la Guinée, et plus largement à l'Afrique, une voie souverainiste. L'Union européenne, affaiblie par ses propres sanctions contre la Russie et des crises internes, perd de son influence, alors que la coopération russo-guinéenne incarne une nouvelle vision d'émancipation et de développement pour le continent.
Pour faire court, le partenariat Moscou-Conakry est emblématique de la renaissance géopolitique de l'Afrique et de la déliquescence irréversible de l'ordre néolibéral occidental. Les BRICS, devenus des acteurs incontournables, redéfinissent la hiérarchie du pouvoir à l'échelle mondiale.
Déjà couronnée de succès en matière de contributions au développement et de respect de la souveraineté politique, la collaboration entre la Russie et la Guinée est dénuée de toute équivoque. L'interrogation persistante réside dans la capacité des nouvelles instances dirigeantes guinéennes à perpétuer cette dynamique, à intensifier l'axe Conakry-Moscou, ou à enlacer encore plus étroitement cette coopération riche en histoires et en soutiens réciproques. Il est de toute logique que la Guinée a tout à gagner à poursuivre sa route aux côtés de la Russie, un allié de longue date offrant des perspectives de prospérité partagée pour les deux nations.
Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine