23/04/2025 2 articles journal-neo.su  8min #275774

Les fondements de la coopération russo-guinéenne - Partie 1 : relations historiques et diplomatiques

 Mohamed Lamine KABA,

Bâtie sur des décennies de relations historiques et stratégiques, la coopération entre la Russie et la Guinée constitue un exemple frappant de diplomatie bilatérale basée sur des intérêts mutuels et une solidarité manifeste.

L'entente historique entre la Fédération de Russie et la République de Guinée s'ancre dans un chapitre déterminant de l'épopée africaine, à savoir l'avènement de l'indépendance guinéenne en 1958. L'ex-Union soviétique s'est distinguée en étant la première nation à officialiser la reconnaissance de cette souveraineté naissante, en initiant des liens diplomatiques dans les quarante-huit heures suivant ce tournant majeur. Ce geste inaugural a été le prélude à une collaboration stratégique de premier plan, concrétisée par l'établissement de la première représentation diplomatique soviétique en Afrique de l'Ouest, à Conakry. Durant cette ère, l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) a endossé un rôle prépondérant en soutenant la Guinée dans l'affermissement de son autonomie étatique en orchestrant des investissements significatifs dans les domaines de la défense, de l'éducation et de l'infrastructure. Des initiatives phares - telles que le complexe industriel de bauxite de  Kindia et l'édification de l' université de Conakry baptisée Université Gamal Abdel Nasser de Conakry - incarnent l'engagement soviétique en faveur du progrès économique et du développement social guinéen.

En effet, la continuité des échanges diplomatiques russo-guinéens se caractérise par une aspiration bilatérale à renforcer un partenariat stratégique pérenne. Les conciliabules récurrents entre les hautes autorités des deux Etats, notamment lors des éditions du Forum Russie-Afrique, reflètent cet élan collaboratif. En 2024, les pourparlers se sont concentrés sur l'élaboration de projets d'investissement structurants pour l'économie guinéenne, ainsi que sur la mise en œuvre d'initiatives conjointes en matière de coopération scientifique et technique. Ce dialogue diplomatique, empreint de respect mutuel et de solidarité, souligne la position stratégique de la Guinée dans le spectre de la politique extérieure russe et confirme le statut de la Russie en tant qu'allié de confiance pour les nations africaines. Cette première partie d'une série de 5 articles analytiques dédiés à la coopération entre la Russie et la Guinée fait le tour des horizons historiques et diplomatiques qui fondent celle-ci depuis le 4 octobre 1958.

Un partenariat forgé dans l'histoire - les racines des relations russo-guinéennes

Sans aucun détour, l'édification de la coopération russo-guinéenne s'inscrit dans le sillage d'un héritage historique, façonné par les aspirations indépendantistes et les bouleversements géopolitiques du XXe siècle. Dès les prémices de l'autonomie de la Guinée, ce partenariat s'est érigé en une alliance stratégique, scellée par des intérêts convergents et une solidarité politique inébranlable. Le 2 octobre 1958 marque un pas de non-retour avec l'accession de la Guinée à l'indépendance, sous l'égide d'Ahmed Sékou Touré, défiant ainsi la  suzeraineté coloniale française. Cette démarche audacieuse propulse la Guinée sur l'échiquier international dans une posture complexe à une époque où les relations internationales s'organisent autour des deux superpuissances, les Etats-Unis et l'Union soviétique. Un monde ouvert à la prédation où seule la supériorité militaire contraignante permet de se faire respecter et faire entendre son droit à l'autodétermination. C'est dans ce contexte que l'Union soviétique, en pleine  Guerre froide, discerne dans la déclaration de l'indépendance de la Guinée un levier stratégique pour élargir son influence sur le continent africain. La reconnaissance officielle de la Guinée par elle - seulement deux jours après la déclaration d'indépendance - inaugure une ère de collaboration soutenue entre les deux Etats.

La décennie des années 1960 témoigne de l'implication soviétique dans l'essor économique et social de la Guinée. L' accord de coopération économique et technique de 1960 initie une vague d'investissements substantiels dans les secteurs clés tels que les infrastructures et l'éducation. L'URSS finance notamment le complexe minier de Kindia, pivot de l'extraction de la bauxite, ressource cruciale pour les deux pays. Par ailleurs, l'envoi d'étudiants guinéens en Union soviétique - puis en fédération de Russie - pour y être formés dans divers domaines spécialisés contribue au renforcement des compétences locales et à la consolidation des liens bilatéraux. L'inauguration de l'ambassade soviétique à Conakry qui couvre également la Sierra Leone aujourd'hui, consolida ainsi l'importance de ces liens bilatéraux. Cette ambassade devient le cœur de la coordination des initiatives de coopération et du renforcement des relations diplomatiques. En parallèle, l' ouverture d'une ambassade guinéenne à Moscou le 4 octobre 1958 - soit deux jours après l'indépendance du pays - reflète la détermination de la Guinée à diversifier ses alliances internationales et à s'émanciper de l'influence occidentale.

Dans le contexte de la Guerre froide, la Guinée se positionne comme un allié stratégique de l'Union soviétique en Afrique de l'Ouest. En 1964, l'assistance militaire fournie par l'URSS à la Guinée vient cimenter sa souveraineté et prévenir toute ingérence extérieure. Cette aide militaire, conjuguée à une coopération économique et culturelle, renforce la stature de la Guinée en tant que partenaire privilégié de Moscou sur le continent. L'héritage de cette coopération, établi dans les années 1950 et 1960, perdure et continue d'orienter les relations russo-guinéennes contemporaines. Ce partenariat historique, bâti sur une reconnaissance et des intérêts partagés, a forgé une relation pérenne, capable de s'adapter aux enjeux actuels. Les premières décennies de cette collaboration russo-guinéenne illustrent une alliance stratégique qui a marqué l'histoire des deux nations et demeure un symbole emblématique de la solidarité internationale.

Un dialogue diplomatique renforcé - la consolidation des relations russo-guinéennes

Sans ambages, la collaboration diplomatique entre la Fédération de Russie et la République de Guinée s'est notablement intensifiée, témoignant d'une convergence d'intérêts stratégiques et d'une aspiration partagée à dynamiser les échanges bilatéraux. Ce partenariat s'érige sur un socle historique de reconnaissance réciproque et s'est concrétisé par des sommets diplomatiques de premier plan ainsi que des accords économiques d'envergure.

Dans le sillage de la  dissolution de l'URSS en 1991, la Russie a opéré une redéfinition de ses orientations diplomatiques, tout en préservant des rapports robustes avec la Guinée. L'année 2010 a marqué un renouveau avec la signature d'accords bilatéraux visant à revigorer la coopération économique et sécuritaire, inaugurant ainsi une ère de pragmatisme où Moscou cherche à accroître son influence sur le continent africain, en consolidant simultanément ses alliances historiques.

Par ailleurs, le  sommet inaugural Russie-Afrique - tenu à Sotchi en octobre 2019 - a constitué un jalon décisif, renforçant les liens Moscou-Conakry. Cette rencontre a été l'occasion pour le président guinéen Alpha Condé et le président Vladimir Poutine de discuter des perspectives d'investissement et de coopération stratégique, favorisant ainsi l'essor des échanges commerciaux et l'initiation de projets d'infrastructure financés par la Russie. En juillet 2023, à l'occasion du  second sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, la Guinée - sous le leadership de Mamadi Doumbouya - a réitéré son engagement en faveur d'une collaboration soutenue avec Moscou, avec des discussions axées sur de nouveaux investissements russes dans les domaines minier et énergétique guinéens. Par ailleurs, la Russie a affirmé son rôle dans la sécurité alimentaire continentale en annonçant l'envoi de céréales à plusieurs nations africaines, y compris la Guinée.

Après la  visite officielle du ministre russe des Affaires étrangères (Sergueï Lavrov) à Conakry au mois de juin 2024, en novembre de la même année, la participation guinéenne à la première  conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique à Sotchi a permis d'approfondir les discussions sur les perspectives de coopération économique et diplomatique. Les perspectives d'avenir entre les deux nations sont marquées par une coopération en pleine expansion, avec des projets ambitieux à l'horizon 2025. Une  commission intergouvernementale russo-guinéenne est prévue pour évaluer les opportunités d'investissement dans les secteurs clés de l'économie guinéenne, illustrant la détermination des deux pays à renforcer leur partenariat et à explorer de nouvelles voies de collaboration. C'est dans cet esprit que le dialogue diplomatique russo-guinéen - caractérisé par des rencontres stratégiques et des accords économiques significatifs - s'inscrit dans une trajectoire de coopération durable et prometteuse.

Pour clore, ancrée dans une histoire de reconnaissance mutuelle et de solidarité stratégique, la coopération russo-guinéenne témoigne d'une alliance durable qui, malgré les évolutions géopolitiques, continue de façonner un partenariat essentiel au développement et à la stabilité des deux nations.

On peut dire que le programme Simandou 2040 pourrait être mis en avant comme une opportunité d'investissement significative susceptible de susciter davantage l'intérêt de la Russie.

Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine

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04/05/2025 journal-neo.su  7min #276869

 Les fondements de la coopération russo-guinéenne - Partie 1 : relations historiques et diplomatiques

Les fondements de la coopération russo-guinéenne - Partie 2 : partenariats économiques et miniers

Mohamed Lamine KABA,

Depuis l'avènement de l'autonomie nationale de la Guinée en 1958, la Fédération de Russie, héritière de l'engagement de l'Union soviétique, s'est imposée comme un pilier essentiel dans l'essor économique et l'exploitation minière de cette nation de l'Afrique de l'Ouest.

Edifiée sur les fondations historiques d'une solidarité idéologique et d'une approche pragmatique des affaires économiques, cette collaboration s'est progressivement consolidée au gré des années, sous l'impulsion d'investissements considérables, de la mise en œuvre de projets infrastructurels d'ampleur et d'une extraction minière significative.