Par Robert Inlakesh
Alors que les Émirats arabes unis se présentent comme un artisan de la paix et un adversaire du soi-disant « radicalisme islamique », ils sont actuellement impliqués dans des génocides à Gaza et au Soudan. Il est nécessaire de s'intéresser à ces deux conflits pour comprendre les objectifs du régime.
Les Émirats arabes unis se sont forgé une image d'innovateur, de bâtisseur et de pacificateur, une illusion soigneusement calibrée, aussi artificielle que les bâtiments qui fascinent les touristes à Dubaï. Mais derrière l'architecture et l'apparence somptueuse se cache un cœur pourri qui œuvre à la déstabilisation de la région.
Tout en prétendant s'opposer à « l'islam radical » et en payant de médiocres influenceurs pour attaquer des groupes comme les Frères musulmans, ils encouragent les idéologies extrémistes et soutiennent les groupes militants liés à Daech pour réaliser leurs ambitions régionales.
Malgré toutes les critiques que l'on peut formuler contre de groupes comme les Frères musulmans et contre le Qatar, ils n'ont rien à voir avec les calomnies largement diffusées par la propagande émiratie.
La raison pour laquelle les Émirats arabes unis s'attaquent à l'idéologie des groupes soit liés soit appartenant aux Frères musulmans n'a rien à voir avec leurs motivations religieuses, mais tout à voir avec l'opposition des Émirats à leur programme politique.
Le régime émirati craint tout mouvement islamique engagé politiquement capable de diriger avec succès un pays et d'organiser des institutions démocratiques, car c'est une dictature entièrement redevable à ses maîtres occidentaux, y compris Israël.
La raison pour laquelle les Émirats arabes unis se sentent terriblement menacés par la nature islamique de ces mouvements, est que l'islam est populaire, c'est la religion à laquelle adhère la majorité de la région sous une forme ou une autre.
Si un mouvement islamique anti-impérialiste réussissait à enclencher un processus démocratique, cela pourrait menacer leur pouvoir. Ils cherchent donc à saper, infiltrer et détruire ces mouvements partout où ils apparaissent, y compris dans la bande de Gaza.
Le Hamas, ou Mouvement de résistance islamique, est issu des Frères musulmans égyptiens. Ses origines remontent aux années 1970 et à la formation du mouvement social/civil connu sous le nom de Mujamma al-Islamiyya dans la bande de Gaza, alors communément appelé les Frères musulmans, car il représentait la branche palestinienne du mouvement.
Par conséquent, le succès et la popularité du Hamas, considéré par les Émiratis comme faisant partie d'un ensemble plus large de mouvements politiques islamiques, sont interprétés comme une menace pour leur domination dans la région.
Pour empêcher le développement d'un leadership politique islamique à visée démocratique, les Émirats arabes unis se sont engagés dans des affrontements militaires et des campagnes de propagande intensives.
Sur le front de la propagande, ils sont rejoints par d'autres dirigeants du Golfe qui ont leurs propres agendas et qui non seulement financent directement la propagande anti-Hamas ou anti-Frères musulmans, mais alimentent également les divisions religieuses.
L'un des moyens les plus puissants de propagande visant à semer la division consiste à « travailler » les musulmans eux-mêmes, en particulier la majorité sunnite de la région.
Pendant qu'ils intensifient leur rhétorique sectaire contre les chiites, ils s'efforcent de pacifier la population sunnite, de la dissuader de s'engager dans des luttes anti-impérialistes et anti-occupation, ou de rediriger sa colère vers ses coreligionnaires musulmans.
Ils y parviennent en attisant les divisions entre les principales écoles de pensée sunnites et en employant leurs propagandistes madkhali pour dissuader toute opposition aux dirigeants dits musulmans.
Sans entrer dans le détail de la pensée madkhaliste, elle a ses particularités comme chaque groupe de musulmans ; il s'agit d'un groupe de musulmans salafistes qui se soumettent totalement à leurs dirigeants et justifient leurs actions, même quand elles sont interdites par l'islam.
L'objectif principal ici est de financer et d'alimenter les divisions au sein du monde musulman, en canalisant la haine pour provoquer des débats autour de toute question susceptible de détourner l'attention de ce qu'Israël, les États-Unis et leurs alliés font dans la région.
Une autre tactique majeure employée ici consiste à déclarer infidèle (takfir) ou à discréditer tout groupe musulman qui se range du côté de l' Iran, du Hezbollah, d' Ansarallah ou de tout autre groupe chiite.
Une fois encore, les arguments utilisés dans ces campagnes de propagande n'ont aucun rapport avec les mouvements d'opposition qu'elles ciblent ; il s'agit de campagnes de calomnies bien financées, conçues à des fins politiques pour saper la résistance à l'impérialisme, à l'occupation et au génocide.
C'est là que nous pouvons commencer à nous intéresser à Gaza, puis au Soudan.
Les Émirats arabes unis prétendent s'opposer au soi-disant « radicalisme islamique », pourtant on les accuse aujourd'hui de soutenir les gangs liés à Daech qui opèrent dans la partie de la bande de Gaza occupée par Israël.
Non seulement ils sont accusés de coordonner directement leurs actions avec ces milices – composées de salafistes radicaux liés à Daech et à Al-Qaïda, de trafiquants de drogue et de meurtriers –, mais il y a des preuves que les membres de ces escadrons de la mort circulent dans des véhicules immatriculés aux Émirats arabes unis.
Pour nuire au Hamas, les Émirats arabes unis n'hésitent pas à soutenir les groupes qui collaborent avec Israël et qui comptent dans leurs rangs des éléments proches de Daech et d'Al-Qaïda.
Pour en revenir au type de propagande visant à semer la division que les Émiratis encouragent, Ghassan Duhine, membre éminent de la milice dite « Forces populaires » soutenue par Israël à Gaza, a ouvertement cité les fatwas de Daech déclarant les membres du Hamas apostats afin de justifier leur assassinat. L'EI a officiellement déclaré la guerre au Hamas en 2018.
Par ailleurs, les Émirats arabes unis soutiennent depuis longtemps les Forces de soutien rapide (RSF) au Soudan, le groupe actuellement accusé de génocide, qui a refait la Une des journaux après avoir pris le contrôle d'Al-Fasher et d'autres zones du nord du Darfour, entraînant le meurtre d'environ 527 personnes, dont des civils massacrés alors qu'ils s'étaient réfugiés dans des camps de réfugiés.
Le chef des RSF, Mohamed Hamdan Dagalo (Hemedti), collabore depuis longtemps avec les Émiratis, et il a même été souligné précédemment que sa page Facebook officielle était contrôlée depuis les Émirats arabes unis.
Sans entrer dans toutes les complexités de la guerre civile soudanaise, Hemedti est un seigneur de guerre qui détient depuis longtemps le pouvoir sur la majorité des mines d'or du Soudan, et massacre quiconque ose se mettre en travers de son chemin.
Ses forces ont également été accusées par l'ONU et d'éminentes organisations de défense des droits humains de violences sexuelles massives, y compris des formes horribles de viol.
Hemedti a en outre bénéficié de technologies susceptibles de changer le cours de la bataille grâce à ses contacts au sein du Mossad israélien.
Bien que des violations des droits humains aient été documentées tant du côté de l'armée soudanaise que du côté de la RSF, il ne fait aucun doute que ce sont les forces de Hemedti qui ont le plus de sang sur les mains et qui commettent les crimes les plus horribles répertoriés dans ce conflit.
Les Émirats arabes unis ne sont pas seulement l'un des nombreux acteurs impliqués au Soudan, ils sont le principal soutien de la RSF. Selon une information exclusive publiée mardi par The Guardian, des armes britanniques vendues aux Émirats arabes unis auraient même été utilisées par la RSF pour perpétrer son génocide.
Bien que les États-Unis aient qualifié les horreurs commises au Soudan de génocide, aucune mesure n'a été prise contre les Émirats arabes unis pour leur rôle dans l'alimentation de la guerre sous l'administration Biden.
De même, les Émirats arabes unis ont été impliqués dans d'innombrables crimes commis dans toute la Corne de l'Afrique et en Afrique du Nord, soutenant toute une série de groupes militants extrémistes accusés de cibler sans discernement des civils.
Bien que cela soit également dissimulé aux médias occidentaux, les Émirats arabes unis ont même utilisé des membres de la RSF soudanaise pour combattre en leur nom en tant que forces par procuration contre Ansarallah au Yémen, où ils ont été accusés d'avoir joué un rôle dans ce que beaucoup ont qualifié de génocide.
Il faut garder à l'esprit que près de 400 000 personnes ont été tuées au Yémen en raison du blocus inhumain et de la guerre d'agression menés par les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite.
Les Émiratis répandent une propagande selon laquelle l'armée soudanaise serait « islamiste », l'accusant d'appartenir aux Frères musulmans et la reliant à toutes sortes d'autres organisations.
Ansarallah au Yémen est également qualifié d'« islamiste », mais dans leur cas, ils sont accusés d'être des « mandataires iraniens ». En substance, cette ligne de propagande est typique de la Hasbara israélienne pour justifier les pires des crimes de guerre.
Tout au long du génocide de Gaza, les Émirats arabes unis ont été l'un des seuls pays à poursuivre leurs vols réguliers vers l'aéroport Ben Gourion et à transporter du matériel pour aider les Israéliens.
Les Émiratis ont également transformé Dubaï en un refuge pour les Israéliens, où les soldats impliqués dans le génocide peuvent faire la fête, consommer des stupéfiants, s'offrir les services d'escortes et vivre dans le luxe.
Les Émirats arabes unis n'ont jamais même demandé aux Israéliens de laisser entrer les camions d'aide humanitaire lorsqu'ils ont été bloqués pendant trois mois au début de l'année, par contre ils ont mis en scène les maigres aides qu'ils ont fournies pour montrer qu'ils aident la population.
Ils prétendent avoir joué un rôle clé dans la conclusion d'un cessez-le-feu, bien que cela ne soit étayé par aucune preuve, tout comme il n'y a aucune preuve qu'ils aient mis fin à l' annexion de la Cisjordanie lorsqu'ils ont normalisé leurs relations avec Israël.
Il serait erroné de penser que les Émiratis agissent de leur propre chef et de les considérer comme seuls responsables de leurs actes. Ce sont des dirigeants installés par l'Occident, qui travaillent pour l'Occident et sont utilisés comme des pions pour exécuter les ordres de leurs maîtres.
Si l'un des dirigeants des Émirats arabes unis s'opposait aux crimes commis par le régime, il sera assassiné et remplacé par un membre plus obéissant de la lignée dirigeante. Ce sont des otages, qui se font passer pour des dirigeants mais qui jouent simplement le rôle qu'on leur assigne dans le projet de déstabilisation de la région.
Robert Inlakes
Article original en anglais : The UAE's War on Muslims: From Sudan to the Gaza Genocide, The Palestine Chronicle, 30 octobre 2025.
Traduction : Dominique Muselet pour Chronique de Palestine
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Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe .
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La source originale de cet article est The Palestine Chronicle
Copyright © Robert Inlakesh, The Palestine Chronicle, 2025
Par Robert Inlakesh
