par Alfredo Jalife-Rahme
Si la Stratégie nationale de sécurité 2025 des États-Unis est honnête, le « corollaire Trump » n'a pas pour but de justifier d'éventuels changements de régime ou guerres en Amérique latine. Cependant, il pourrait servir à protéger les paradis fiscaux des Caraïbes, indispensables à l'économie US.

Au-delà du siège états-unien choquant pour bloquer la mer des Caraïbes, mené par le porte-avions le plus moderne du monde - du moins selon la propagande, car la Chine n'est pas en reste avec ses propres porte-avions modernes - l'USS Gerald Ford, au large des côtes vénézuéliennes et colombiennes, et compte tenu des réserves abondantes de pétrole et d'or du Venezuela (qui ont explosé depuis !), sans parler du conflit personnel entre Trump et le président colombien Petro, mon hypothèse de travail est que ce déploiement militaire colossal contribue également (voire constitue le principal facteur explicatif), à la protection des paradis fiscaux caribéens [1], en particulier les territoires britanniques des îles Caïmans et des îles Vierges, qui détiendraient 5 000 milliards de dollars d'actifs financiers de toutes sortes : des actifs relativement respectables, même s'ils échappent à l'impôt dans leurs pays d'origine, jusqu'aux activités véritablement immorales, comme le trafic de drogue orchestré par la kleptocratie politique (voir par exemple, les Panama Papers [2]).
Le problème controversé des bateaux de trafiquants de drogue, qui a fait plus de 80 victimes, est plus profond, car il révèle l'existence d'un corridor maritime bidirectionnel reliant la terre ferme - d'où qu'elle vienne - aux paradis fiscaux offshore de la mer des Caraïbes.
La mer des Caraïbes couvre une superficie de 2 754 000 kilomètres carrés : c'est la plus grande mer tropicale du monde et la deuxième plus grande de la planète après la mer des Philippines. Le Venezuela et la Colombie représentent à eux deux 74 % de sa superficie !
Venezuela (Superficie : 916 445 kilomètres carrés ; population : 26 458 850 habitants ; PIB nominal : 82 770 millions de dollars ; pouvoir d'achat du PIB : 234 340 millions de dollars) et Colombie (superficie : 1 141 748 kilomètres carrés ; population : 53 110 609 habitants ; PIB nominal : 438 120 millions de dollars ; pouvoir d'achat du PIB : 1 190 739 millions de dollars).
Les principaux paradis fiscaux des Caraïbes sont : 1. Les îles Caïman, territoire britannique d'outre-mer, le plus grand et le plus connu avec plus de 100 000 ociétés enregistrées ; 2. Les îles Vierges, territoire britannique d'outre-mer, leader mondial des sociétés transnationales (IBC : sociétés commerciales internationales) : plus de 400 000 actives ! Largement utilisées pour les sociétés holding ; c'est là, soit dit en passant, que Genaro García Luna, partisan de Krauze sous le président mexicain Calderón, et son prétendu « partenaire » Loretito (Carlos Loret de Mola), accusés de la même perfidie, ont blanchi de l'argent ; 3. Les Bahamas : pays indépendant ; très prisé des fonds d'investissement et des trusts ; 4. Les Bermudes - autre territoire britannique d'outre-mer : un centre majeur pour la réassurance et les fonds d'investissement [3].
L'OCDE et l'Union européenne surveillent de près les îles Caïman, les îles Vierges et les Bahamas en raison de l'importance de leurs actifs. Un sujet qui fait couler beaucoup d'encre !
Est-ce pour cela que le Royaume-Uni a pris ses distances avec le siège de Trump dans la mer des Caraïbes ?
Cependant, selon les données compilées par le Tax Justice Network (taxjustice.net) et l'OCDE, « environ 27 % du patrimoine privé de l'Amérique latine est détenu dans des paradis fiscaux des Caraïbes ». De plus, 25 % des fraudes fiscales commises par les sociétés transnationales transitent par la mer des Caraïbes !
Les deux enclaves britanniques à elles seules, les îles Caïman (4 billions de dollars) et les îles Vierges (1 billion de dollars), gèrent 5 billions de dollars sur les 6 billions de dollars totaux de la mer des Caraïbes.
Une étude de Merrill Lynch estime que les trois territoires britanniques des îles Caïmans, des îles Vierges et des Bermudes sont en tête avec des dépôts équivalents à un tiers des fortunes privées détenues dans la pléthore de paradis fiscaux à l'échelle mondiale.
Je laisse de côté la puanteur qui émane des cas bien connus au Panama et au Belize (à la frontière de Quintana Roo, près de Cancun).
Les actifs financiers détenus dans les paradis fiscaux des Caraïbes sont estimés à la somme stratosphérique de 6 000 milliards de dollars, tandis que la richesse totale détenue dans les paradis fiscaux mondiaux est estimée à 36 000 milliards de dollars, selon des rapports de diverses organisations internationales, un chiffre qui semble sous-estimé (car c'est l'argent de la drogue qui a sauvé les banques pendant la crise mondiale ! [4]).
Traduction
Maria Poumier
Source
La Jornada (Mexique)
Le plus important quotidien en langue espagnole au monde.
[1] « Detrás del Asedio de EU a Venezuela/Colombia : ¿Protección de las Finanzas de la Anglósfera en los "Paraísos Fiscales" del Caribe ? », Alfredo Jalife-Rahme, Substack, September 27, 2025.
[2] « Pandora Papers desnuda la putrefacción neoliberal en América Latina : Lasso, Piñera, Vargas Llosa », Alfredo Jalife-Rahme, La Jornada, 20 de octubre de 2021.
[3] « The world's Biggest enablers of corporate tax abuse », Corporate Tax Haven Index, Tax Justice Network.
[4] « ¡Dinero del narcotráfico salvó a los bancos durante la crisis global ! », Alfredo Jalife-Rahme, La Jornada, 16 de diciembre de 2009.