22/01/2010 socio13.wordpress.com  7 min #35479

Haïti, frappé par un énorme séisme, attend le jour pour compter ses morts

Où étaient les médecins cubains lorsque la terre a tremblé?

Pour terminer sur une note d'espoir et pour sauver le principe espérance sans lequel de communiste on devient nihiliste, voici ce reportage. Même au milieu d'une situation catastrophique, le Cubain ne se départit jamais de son goût de la plaisanterie, généreux, drôle et pas paranoïaque pour deux sous tel est le Cubain. Aucun peuple au monde serait à ce point dénué de chauvinisme alors que les Etats-Unis lui livrent depuis plus de cinquante ans une guerre injuste et terrible dans ses effets. Aucun peuple au monde est capable de tant d'amour et de partage alors qu'ils ont si peu, mais cette compassion est aussi fierté, combattivité . Et les femmes cubaines sont non seulement l'avenir mais déjà le présent. Ce reportage est comme de l'eau douce et apaisante qui coulerait sur les plaies et l'horreur, y compris celle d'une invasion à but humanitaire. Les Cubains viennent avec une pauvre trousse médicale aider et ils n'imposent rien. Voici donc ce reportage pour finir cette page terrible de ce janvier 2010, deux peuples pauvres, le cubain et le haïtien n'ont que l'honneur et la dignité à partager et leur goût de la vie, certains d'entre eux me font croire en l'humanité. Ils approchent de près une vision de l'être humain juste, les uns dans une société capables de les encourager et les autres dans un enfer organisé qui n'arrive pas à totalement les détruire. Comme l'a dit Ernst Bloch: « le pire des socialismes vaut mieux que le meilleur des capitalismes parce qu'il y reste le principe espérance », alors que dire quand le meilleur du socialisme rencontre le pire de l'impérialisme ?

Leticia Martinez Hernandez / Photos Juvenal Balan (envoyés spéciaux)

PORT-AU-PRINCE.-Lorsque que je demande comment les plus de 200 Cubains qui, à 16 h 53 ce jour fatidique du 12 janvier dernier, se trouvaient à Port-au-Prince ont pu survivre au séisme mortel, certains me répondent qu'il faut y voir la main de Dieu. D'autres, en souriant, me disent que c'est un hasard ou un coup de chance: «C'est comme ça quand on est né sous une bonne étoile...» Mais un fait demeure: la majorité d'entre eux n'en reviennent pas!

La docteure Madelaine ne quitte

jamais sa casquette avec le drapeau cubain.

Comme Idalmis, tous les Cubains qui étaient à Port-au-Prince le 12 janvier sont sains et saufs; ils ont tellement de choses à raconter.

Les histoires fusent de toutes parts, chacune plus spectaculaire que la précédente. Lorsque je crois entendre le témoignage le plus invraisemblable, quelqu'un se pointe et me dit : «Mais ça, c'est rien, écoute celle-ci...» Et chaque fois, je n'en reviens pas. Alors, je vais, moi aussi, tenter d'expliquer pourquoi nous n'avons perdu aucun de nos concitoyens lors de ce séisme. Il y a d'autres explications, je sais, mais voici la mienne, toute personnelle: Lorsqu'on répand le bien autour de soi, le mal ne peut nous atteindre. La mort ne peut venir couronner tant de sacrifices et tous ces espoirs que nos coopérants ont semés en Haïti.

Imaginez-vous en train de prendre votre douche et que la baignoire se mette soudainement à trembler. C'est ce qu'a vécu Raul, le professeur qui maintenant nous sert d'interprète auprès des Haïtiens ou qui nous guide dans les rues de Port-au-Prince, en nous trouvant un gîte où dormir ou une simple collation. Il va même jusqu'à nous suggérer quoi écrire dans cet article, comme pour démonter que le séisme, tout aussi puissant fut-il, n'est pas venu à bout de ses énergies.

Raul croit que c'est un miracle s'il est encore vivant. «J'ai senti que le sol se dérobait sous mes pieds, j'ai essayé de sortir de la salle de bains mais les secousses étaient si fortes que je ne pouvais avancer. Lorsque finalement j'ai réussi à le faire, la porte était coincée et je ne pouvais l'ouvrir. Ce furent des secondes d'horreur, j'ai pensé que jamais je m'en sortirais et que la pièce allait s'effondrer. Lorsque les secousses ont cessé, j'ai réussi à décoincer la porte, je me suis habillé et suis sorti à l'extérieur avec les autres camarades, pour demander de l'aide. On dit, dans les médias, que le tremblement de terre a duré une minute mais pour moi, il a duré 24 heures.»

Ariel Causa, qui est chargé des affaires consulaires à notre ambassade, rigole encore quand il pense à ce qu'il faisait au moment du tremblement de terre. On était en train de lui raser la tête! Il raconte qu'entre chaque réplique, on a continué à le raser, et lorsque le travail a été terminé, il a demandé comment était sa coupe de cheveu. On lui a répondu: «On dirait qu'on t'a rasé la tête pendant un tremblement de terre!»

Riselda Zayas, une infirmière originaire de Camagüey, l'a échappé belle. Elle raconte que ce jour-là, après avoir terminé son travail, elle est sortie pour aller acheter du pain, pour le déjeuner du lendemain, à la boulangerie la plus proche. Ce commerce est aujourd'hui en ruine. Elle en a encore les larmes aux yeux. Elle venait à peine de sortir de la boulangerie, dit-elle, que celle-ci s'est effondrée comme un château de cartes. La première chose qu'elle a faite, c'est de serrer dans ses bras une autre Cubaine qui se trouvait là, par hasard, jusqu'à ce que les secousses cessent. Toutes deux étaient saines et sauves.

Mais l'histoire la plus émouvante m'a été racontée par une autre compatriote, Idalmis Borrero, spécialistes en soins intensifs, une des premières, dans la résidence de la mission médicale, à soigner les Haïtiens qui y accouraient, paniqués. Cette femme, en apparence toute délicate, a véritablement des nerfs d'acier. Elle soignait, ce jour-là, un autre médecin cubain qui venait d'être opéré à un pied. Soudainement, l'armoire à pharmacie s'est brusquement effondrée à l'endroit même où elle se trouvait il y a quelques secondes. Ce local a été des plus durement touchés et ses structures ont été lourdement endommagées.

«Le patient que je soignais ne pouvait poser son pied sur le sol. Lorsque la terre a commencé à trembler, nous avons tenté de sortir de l'immeuble. Il nous fallait emprunter un long couloir mais les secousses étaient si fortes que nous étions projetés sur les deux côtés du mur. Nous avons finalement réussi à sortir et je l'ai installé au milieu de la cour de façon à ce qu'aucun débris ne puisse l'atteindre.
- Est-ce que tu as été blessée ou est-ce que la blessure de ton collègue médecin s'est aggravée?

«Non, il ne nous est rien arrivé et sa blessure n'a pas souffert.»

Mais l'aventure n'était pas terminée pour autant. Après avoir vécu un tel moment d'horreur et après avoir fait preuve d'un réel courage, cette Cubaine a commencé à soigner les dizaines d'Haïtiens qui accouraient, ensanglantés, avec leurs enfants dans les bras. Idalmis et le médecin cubain étaient les seuls, au moment du sinistre, à pouvoir donner les premiers soins à cet endroit. Et ils furent nombreux ceux qui vinrent, au cours de cette nuit d'horreur, y chercher secours. Aurait-il pu arriver quelque malheur à cette femme lors du tremblement de terre? Certainement pas, il y avait trop de vies à sauver.

Une semaine tout juste après le tremblement de terre dévastateur, le difficile travail humanitaire des médecins cubains dans la capitale haïtienne a dépassé les 13 418 consultations et 1 078 interventions chirurgicales, dont 550 de chirurgie majeure. Ils ont également pratiqué 38 accouchements.

En ce moment, deux hôpitaux de campagne cubains sont opérationnels dans le pays, dont un installé mardi à 60 km de Port-au-Prince, où 17 patients ont déjà été opérés.Les Cubains travaillent en collaboration avec les nicaraguéens, les espagnols, les canadiens entre autres, ils coordonnent leurs efforts. Officiellement, le ministre Bruno Rodriguez Parrillaa précisé que «403 collaborateurs cubains, dont 344 font partie du personnel médical et paramédical» sont aujourd'hui présents dans le pays dévasté. Il a annoncé qu'on a pu connaître la situation de ceux qui vivent dans la ville de Port-au-Prince. «Seulement deux sont légèrement blessés, les autres sont indemnes.»

«Nous sommes en train de vérifier la situation, a-t-il déclaré, et de compléter les informations sur les coopérants du reste du pays. Nous avons pu localiser la plupart d'entre eux et ils vont bien.»

Le ministre a ajouté que la brigade cubaine a pris en charge les victimes juste après le tremblement de terre. Il a indiqué que «deux hôpitaux de campagne ont été improvisés dans les centres d'hébergement de notre personnel médical».

Il a déclaré qu'on travaillait déjà à augmenter l'aide d'urgence à la nation soeur caribéenne, en envoyant une «certaine quantité de médicaments, du matériel sanitaire et un contingent supplémentaire de médecins».

«Notre ambassadeur et autres camarades qui travaillent à Port-au-Prince ont passé toute la nuit et la matinée à parcourir la ville et à contacter nos compatriotes là-bas, car les communications sont rompues», a déclaré Rodriguez Parrilla. De même, «l'équipe du ministère des Relations extérieures travaille intensément, en coordonnant la réponse de toutes nos institutions».

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