06/02/2010 socio13.wordpress.com  6min #36037

 Haïti : vers une nouvelle occupation américaine ?

Le jeu des etats unis en amérique latine par mark weisbrot

Mark Weisbrot
The Guardian

L'ingérence étasunienne dans la politique de Haïti et du Honduras est seulement l'exemple le plus récent d'une longue liste d'interventions en Amérique latine.

Quand j'écris sur la politique extérieure des Etats-Unis dans des pays comme Haïti ou le Honduras, mes lecteurs fréquemment mer font observer qu'il est difficile de croire que ces pays présentent une importance telle pour le gouvernement des Etats-Unis que celui-ci tente de contrôler leurs gouvernements. En quoi des pays si petits et pauvres avec des ressources naturelles et un marché sous développés auraient une quelconque importance pour les responsables politiques de Washington ?

Malheureusement oui, ça leur importe et ça leur importe même beaucoup. Haïti importe suffisamment pour destituer le Président Jean-Bertrand Aristide deux fois. La première fois, en 1991, fut clandestine. Nous avons su après les événements que les responsables du coup d'Etat furent financés par le CIA. En outre, Emmanuel Constant, le dirigeant des escadrons de la mort plus notoire en Haïti- qui tua un millier de partisans d'Aristide- a raconté au journaliste CBS que lui aussi fut financé par la CIA.

La participation des Etats-Unis au coup d'Etat de 2004 fut beaucoup plus évidente. Washington dirigea la suspension de quasiment toute l'aide internationale à Haïti, assurant l'éventuelle chute du gouvernement. Le New York Times a raconté que dans le même temps où le Département d'Etat insistait auprès d'Aristide pour qu'il aboutisse à un accord avec l'opposition politique (financée par des millions de dollars étasuniens)l'Institut International Républicain expliquait à l'opposition qu'elle devait refuser.

Au Honduras, l'été et l'automne derniers, le gouvernement des Etats-Unis a fait tout son possible pour que le reste de l'hémisphère ne soutienne pas une opposition politique effective au gouvernement putchiste hondurien.Par exemple, ils ont bloqué à l'intérieur de l'Organisation d'États Américains une mesure qui visait à ne pas reconnaître le résultat des élections célébrées sous la dictature. En même temps, le gouvernement d'Obama a publiquement feint d'être contre le coup d'Etat.

Du point de vue de relations publiques, cette stratégie a été seulement une réussite partielle. La majorité du public américain pense que le gouvernement d'Obama était contre le coup d'Etat; mais au début de novembre de l'année passée, sont apparus de nombreux rapports et des critiques éditoriales expliquant qu'Obama avait cédé sous la pression Républicaine et n'avait pas fait le nécessaire.

Mais c'était une interprétation fausse de ce qu'il était advenu dans la réalité: la pression Républicaine a simplement changé la stratégie médiatique du gouvernement, non sa stratégie politique. ceux qui ont suivi les faits de près depuis le commencement ont compris que la stratégie politique d'empêcher et de contrecarrer toute tentative pour rétablir le président élu démocratiquement et dans le même temps feindre que le retour à la démocratie était l'objectif poursuivi.

Les gouvernements de l'Amérique latine ont compris cette stratégie, y compris l'influent Bresil. Cela est important parce que cela démontre que le Département d'État était disposé à payer un grand prix politique pour aider la droite au Honduras. Par là, le Département d'État a démontré à la grande majorité des gouvernements de l'Amérique latine que sa politique dans l'hémisphère reste identique à celle du gouvernement de Bush ce qui n'est pas une conclusion très encourageante en matière diplomatique..

Pourquoiest-ce qu'il leur paraît si important de savoir qui gouverne ces pays pauvres ? N'importe quel bon joueur d'échecs le sait, les pions sont importants. La perte d'une paire de pions au début d'un jeu peut faire la différence entre la victoire et l'échec. Le gouvernement des États-Unis regarde ces pays à travers le prisme simple du pouvoir. Les gouvernements qui confortent au maximum le pouvoir des États-Unis dans le monde lui plaisent et pas ces gouvernements qui ont d'autres buts - même s'ils ne sont pas nécessairement contre ses intérêts.

Logiquement, les alliés les plus sûrs du gouvernement d'Obama dans l'hémisphère, bien que lui même ne soit pas de droite, sont les gouvernements de droite comme la Colombie ou le Panama. Ceci fonde la continuité d'une politique de contrôle. La victoire de la droite au Chili la semaine passée (la première fois que la droite a gagné une élection depuis demi-siècle) a été une victoire importante pour le gouvernement des États-Unis.

La défaite envisageable du Parti des Travailleurs de Lula da Silva dans les prochaines élections présidentielles au Brésil prendraient le sens d'une victoire encore plus importante pour le Département d'Etat. Même si les dirigeants étasuniens sous les gouvernements Bush et Obama ont maintenu une attitude amicale face au Brésil, il est clair qu'ils conservent un profond ressentiment face aux changements dans la politique extérieure du Brésil, changements qui ont aligné le pays sur d'autres gouvernements sociaux démocratiques, ainsi que pour ses positions indépendantes sur la question du Moyen-Orient, sur l'Iran et d'autres pays.

De fait, les États-Unis se sont mêlés de la politique brésilienne récemment. Par exemple, en 2005 ils ont organisé une conférence pour promouvoir un changement légal qui rendrait plus difficile aux législateurs de changer des partis politiques. Ce qui aurait fortifié l'opposition au gouvernement du Parti des Travailleurs (PT) de Lula puisque le PT impose une discipline de parti alors que beaucoup de partis adverses ne le font pas. Cette intervention du gouvernement des États-Unis a été seulement découverte l'année passée après une requête à travers la Loi d'Information Libre (Freedom of Information Act) faite à Washington.

Il y a beaucoup plus d'interventions aujourd'hui dans tout le continent que nous le savons. Les États-Unis ont été mêlés à la politique du Chili depuis les années 60, bien avant qu'ils aient organisé le coup contre la démocratie chilienne en 1973.

En Octobre 1970, le Président Richard Nixon disait en maudissant le gouvernement social démocrate du Président du Chili, Salvador Allende. : « ce fils de pute! » Nixon a dit le 15 octobre 1970. « Ce fils de pute de Allende - nous allons l'aplatir. » Deux semaines après il a commenté pourquoi : « La préoccupation principale avec le Chili porte sur le fait qu'Allende consolide son gouvernement, et que l'image qu'il donne au monde soit son succès ... Si nous permettons que des leaders potentiels de l'Amérique latine pensent qu'ils peuvent se comporter comme le Chili et les avoir ainsi ensemble, nous aurons des problèmes sérieux ... »

C'est l'autre raison pour laquelle les pions sont important. En outre, le cauchemar de Nixon s'est réalisé un quart de siècle après quand les pays, l'un après l'autre, ont élu des gouvernements indépendants de gauche que

Washington ne voulait pas. Les États-Unis ont fini « par » « perdre » la majorité de la région. Mais ils essaient de la récupérer, pays par pays.

Les plus petits pays pauvres et proches des États-Unis courent le plus grand risque. Le Honduras et la Haïti auront des élections démocratiques un jour, mais seulement quand diminuera l'influence de Washington sur leurs politiques.

——————————————————————————- Mark Weisbrot es codirector del Center for Economic and Policy Research (CEPR), en Washington, D.C. Obtuvo un doctorado en economía por la Universidad de Michigan. Es coautor, junto con Dean Baker, del libro Social Security: The Phony Crisis (University of Chicago Press, 2000), y ha escrito numerosos informes de investigación sobre política económica. Es también presidente de la organización Just Foreign Policy.

Fuente:  guardian.co.uk

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