23/09/2011 michelcollon.info  5min #57713

 Obama, l'État palestinien et la schizophrénie sioniste

État palestinien : « mister Magic » va-t-il enfin tomber le masque ?

Pierre Piccinin

Champion de la communication, le président états-unien Barack Obama, tout en menant une politique étrangère aux objectifs somme toute assez semblables à ceux de son prédécesseur, a su la couvrir d'un sourire charmeur et, distribuant les bonnes paroles, renverser l'image désastreuse héritée de George Bush Jr.

Dans son célèbre « Discours du Caire », le 4 juin 2009, il avait fustigé la colonisation européenne du Moyen-Orient, rappelé ses origines africaines, évoquant son père et les générations de Musulmans qu'avait comptées sa famille, vanté le message de paix exalté par le Coran et condamné l'occupation et la colonisation israéliennes en Palestine, les humiliations infligées à la population arabe et la violation des traités internationaux par l'État hébreux.

Peu après, Barack Obama avait remis le couvert, devant l'Assemblée générale des Nations unies cette fois, le 23 septembre 2010, réclamant la création d'un État palestinien pour 2011 et sa reconnaissance par l'ONU, dans les frontières de 1967, comme le prévoit la résolution du Conseil de sécurité 242, jamais respectée, ordonnant le retrait des forces israéliennes, c'est-à dire dans les limites préexistantes à la Guerre des six jours qui s'était conclue sur l'annexion par Israël de Jérusalem-Est et de toute la Cisjordanie.

De paroles en paroles, Mister Magic a ainsi conquis le cœur du monde musulman et gagné la confiance de la rue arabe, propulsant le soft-power états-unien dans le firmament étoilé du pays des contes des Mille et Une Nuits.

Hélas pour la Maison blanche, la réalité rattrape parfois la fiction...

Alors que s'ouvre la soixante-sixième assemblée générale de l'ONU, c'est précisément cette date du 23 septembre, tout juste un an plus tard, que le président de l'autorité palestinienne a choisie pour remettre au secrétaire général Ban Ki-moon la demande de la Palestine d'adhérer aux Nations Unies et le prier de la déposer devant le Conseil de sécurité, qui devra décider de la recevabilité de cette candidature.

Prenant le président Obama au mot, Mahmoud Abbas, lassé par plus de soixante ans d'occupation israélienne, après avoir bien voulu patienter toute une année encore, jour pour jour, sans voir se dessiner la moindre perspective d'un État palestinien (au contraire, la construction de colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie n'est jamais allée aussi bon train), semble ne plus hésiter à placer le président Obama dos au mur et l'État d'Israël face au jugement de la communauté internationale, dont plus de cent quarante pays (sur les cent nonante-trois membres que compte l'ONU) se sont déclarés favorables à la reconnaissance de la Palestine, parmi lesquels l'Inde, la Chine, le Brésil et la Russie...

Rien de compliqué dans le chef de cette initiative palestinienne : c'est à l'ONU qu'il revient de faire appliquer le droit international et, de même qu'Israël bénéficia de la reconnaissance de l'Assemblée générale en 1947 par le vote de la résolution 181, de même la Palestine attend son tour.

La probabilité d'une telle reconnaissance fait certainement grincer des dents à Tel-Aviv, qui n'a certainement pas l'intention de la respecter, au risque d'achever de ruiner le peu de sympathie qui lui reste dans l'opinion publique mondiale, encore sous le choc du massacre perpétré par les commandos israéliens lors de l'attaque, en eaux internationales, de la Flottille de la Paix, en mai 2010, qui s'était soldée par la mort de neuf civils et une cinquantaine de blessés par balles après que les soldats avaient ouvert le feu tous azimuts.

Mais elle a également abîmé l'éclatant sourire obamien, dont le maître, confronté à une situation cornélienne, en a déjà bien soupesé toutes les conséquences, tant pour la politique extérieure états-unienne que pour lui-même : s'il n'utilise pas le droit de veto dont disposent les États-Unis en tant que l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et ne bloque pas la reconnaissance d'un État de Palestine, Barack Obama plongera Israël, l'allié de toujours, dans une conjoncture impossible, a fortiori dans le contexte explosif du « Printemps arabe », et se mettra à dos le puissant lobby juif nord-américain, et ce à quelques mois des élections présidentielles auxquelles il compte bien briguer un second mandat. En revanche, s'il s'oppose à cette reconnaissance, le beau parleur tombe le masque et ruine trois années d'une fructueuse diplomatie au Moyen-Orient ; après la destruction de l'ambassade israélienne par la rue égyptienne, ce pourrait alors être le tour de celles des Etats-Unis, au Caire et ailleurs...

D'où cette suggestion de la Maison blanche au président Abbas, relayée par la France sarkozienne, le nouvel et fidèle allié, de renoncer à son projet et de se contenter d'un vote de l'Assemblée générale et d'une moitié de reconnaissance. La procédure, en effet, ne donnerait pas à la Palestine le statut de membre des Nations unies. Sauf si...

Sauf si, prétextant du danger que constituerait, à ce stade, le non-règlement de la question israélo-palestinienne, l'Assemblée générale déclenchait la procédure exceptionnelle appelée « Unité pour la Paix », en vertu de la résolution 377, selon laquelle l'Assemblée générale peut elle-même prendre les mesures qu'elle jugerait opportunes pour préserver la paix et la sécurité internationales, dans le cas où les membres permanents du Conseil de sécurité s'en montreraient incapables...

Comment Mister Magic, le « super-pro d' la com' », va-t-il faire pour se sortir de ses incohérences qui lui éclatent aujourd'hui au visage ? Tous les spectateurs, désormais, attendent de savoir s'il reste encore un lapin (ou un bon mot) dans le chapeau du président Obama.

Pierre PICCININ

Historien – Politologue (Bruxelles)

Source :  michelcollon.info

 michelcollon.info