22/10/2011  3min #58814

Lockerbie : doutes sur l'implication de la Libye

La justice écossaise a-t-elle jugé «le» vrai responsable de la tragédie de Lockerbie ? Le doute s'installe au Royaume-Uni. De nouveaux éléments du dossier et une révélation sensationnelle viennent tarauder le bien-fondé du verdict qui, en janvier 2001, a condamné le Libyen Abdel Basset Ali al-Megrahi à 27 ans de détention pour 270 meurtres : les 259 passagers et membres d'équipage du vol PanAm 103 et 11 résidents du village de Lockerbie, en Écosse.

Agent des services de sécurité du colonel Muammar al-Kadhafi, al-Megrahi n'a cessé de clamer son innocence. Il a été reconnu coupable, par une cour écossaise siégeant aux Pays-Bas, d'avoir disposé une radiocassette truffée d'explosif Semtex, activée par un détonateur sophistiqué, dans une valise introduite le 21 décembre 1988 dans la soute à bagages du Boeing 747 de la PanAm. L'avion, qui assurait la liaison Londres-New York, avait explosé au-dessus de la petite ville écossaise de Lockerbie, 38 minutes après le décollage.

L'expertise scientifique a tenu un rôle déterminant dans l'argumentation de l'accusation. Alan Feraday, l'un des quatre experts en explosifs commis par la justice, avait reconstitué la machine infernale dissimulée dans le bagage grâce à un fragment de circuit intégré de la radio cassette. Toutefois, «cette pièce à conviction, décisive, est la seule ayant été visiblement altérée» relève Jim Swire, père d'une victime et porte-parole des plaignants de Lockerbie. La compétence d'Alan Feraday, ancien employé du Royal Armaments Research and Development Establishment, est contestée par la justice elle-même. Sept ans avant le procès du drame de Lockerbie, le Lord Chief Justice (président de la Cour de cassation) avait tonné contre l'expert infondé, selon lui, à se présenter comme «un expert en électronique». Dans deux autres cas – le dernier en date, en juillet dernier – des condamnations prononcées sur la foi de ses expertises ont, aussi, été cassées.

La déclaration d'un policier écossais «de haut rang» – mais anonyme – ayant participé à l'enquête et, aujourd'hui, à la retraite, renforce la suspicion. Selon lui, et à l'appui du témoignage transmis par un ancien agent de la CIA aux avocats d'al-Megrahi, la centrale de renseignements américaine aurait «écrit le scénario» accablant la Libye dans l'attentat. L'indice identifié par Alan Feraday comme étant un élément du détonateur aurait, dit-il, été «fabriqué» et «planté» par des agents de la CIA qui enquêtaient sur la tragédie. Pourquoi l'ancien policier a-t-il tardé à se manifester ? Il avance d'une part «la peur d'être vilipendé en n'apparaissant pas solidaire». Il exprime, d'autre part, «la conviction», au moment où il s'est avisé du magouillage, que la perspective d'un procès était «rien moins qu'une certitude».

A la question de savoir pourquoi la CIA aurait induit sciemment les enquêteurs en erreur, le policier n'apporte pas de réponse. Mais, il est vrai que l'activité des agents américains soulève bien des questions. Ainsi, ils ont occupé le terrain de Lockerbie – avec préséance sur les inspecteurs écossais – dans la recherche d'indices. Ils ont récupéré la valise d'un des leurs, victime de la tragédie, ils l'ont vidée, avant de la restituer, dûment nettoyée, comme «preuve matérielle». Pourquoi la piste libyenne a-t-elle été privilégiée alors qu'une autre, crédible, conduisait au Front populaire de libération de la palestine-Commandement général d'Ahmed Djibril et à son commanditaire, l'Iran. Autant d'interrogations sans réponses, pour l'heure. La Commission de révision des affaires criminelles, saisie du cas d'al-Megrahi, pourrait, 17 ans après les faits, relancer l'enquête si elle devait conclure à l'iniquité du procès.

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