par Christian Graeff
Dans le flot des commentaires consensuels évoquant « la mort » du « tyran sanguinaire », une voix libre, soudain, tranche : celle de l'ancien ambassadeur de France à Tripoli Christian Graeff (à Tripoli de 1982 à 1985) interrogé au journal de la radio publique France culture. (*)
Entretien retranscrit presque mot à mot par Silvia Cattori (journal de France culture du 20 octobre à 18h00)
France culture : Après une guerre de huit mois, comment qualifiez-vous le rôle des Occidentaux dans la chute du régime Kadhafi ?
Christian Graeff : Mon interrogation ce soir est courte. Quand l'OTAN a-t-elle déjà tué un chef d'État ? Voilà. C'est ma question. Je fouille dans ma mémoire. Je ne trouve pas la réponse. Donc, pour moi, il y a un assassinat politique. Il y a des responsabilités internationales en cause. L'épilogue sera long. Moi, je ne le verrai pas je suis un vieil homme. Mais pour ce dont je puis juger, je suis sûr qu'il y a là matière à œuvre de justice. Parce qu'on a entendu tellement de mensonges. Il y a eu tellement de sophistication dans la médiatisation de la guerre emmenée par l'OTAN en Libye au-delà, bien au-delà - oh combien au-delà - de la résolution 1793 des Nations unies, que les questions sortiront. Personne au monde n'est en état de les étouffer, ni en Europe ni aux États-Unis, encore moins en Israël.
France culture : Vous pensez que les État-Unis, la Grande Bretagne et la France ont envoyé des hommes au sol par exemple ?
Christian Graeff : Ecoutez, sur les détails techniques on en sait beaucoup ; on en sait plus ou moins selon les sources que l'on a. Les miennes de sources, les sources que j'ai, m'autorisent à dire que les interventions armées de l'Alliance, de l'OTAN, ont été considérables. Et les simulacres, n'est-ce pas, la couverture que l'on a cherché misérablement avec le Qatar et d'autres Émirats ou monarchies traditionnelles arabes sont dérisoires. C'est une rigolade.
Vous avez peut-être eu connaissance de l'ouvrage qui vient de sortir il y a quelques jours, de Dumas et Vergès, où ils accusent Sarkozy sous BHL. Voilà. Il y a là, de façon très polémique j'en conviens, mais autant politique que juridique... tout un argumentaire dont la CPI, peut être un jour, aura à connaître...
France culture : Dans le droit fil de ce que vous venez de dire, quelles sont ces questions, incontournables à vos yeux, qu'il va falloir se poser s'agissant du mandat de l'ONU que vous décrivez comme ayant été outrepassé ?
Christian Graeff : Le mandat...c'est très clair. Tout le monde le sait... on a fait une pirouette, on a cru tromper son monde et puis... on ne dupe pas en démocratie les esprits libres. Les esprits serfs c'est autre chose. Les médias sont au centre du débat. Dans ce débat national, dans ce débat culturel, civilisationnel, qui trompe qui ?
[:mmd]
mondialisation.ca