On oublie le référendum, on vote la confiance à Papandréou contre sa promesse de démission et l'on forme un gouvernement « d'union nationale », avec ces crevures de la droite grecque, pour mieux appliquer les potions empoisonnées de la dictature financière qui affame le peuple : voilà la lamentable issue vers laquelle on se dirige. Une vraie guignolade. Pour quelle situation ? Lisons ce qu'écrivait Le Figaro, peu suspect d'exagération gauchiste, à l'annonce du référendum de baudruche : « Le pays est paralysé depuis plus d'un mois. D'un côté l'ensemble de la classe politique demande des élections, de l'autre il y a la rue. Entre les grèves du zèle et ceux qui ralentissent l'activité, plus personne ne travaille», explique Giorgos Delastik, analyste politique. «Il faut y ajouter ceux qui n'ont plus les moyens de payer leurs factures, et la violence dans le comportement des gens qui n'ont plus rien à perdre.» En effet, pour la première fois depuis le retour de la démocratie en Grèce en 1974, le défilé de la fête nationale a été annulé dans quinze villes du pays. À Thessalonique, dans le nord du pays, des dizaines de Grecs ont jeté des oeufs et des projectiles sur les officiels incitant Carolos Papoulias, le président de la République à quitter les lieux. » Imagine-t-on que la capitulation déculottée de Papandréou va calmer la colère ?
Ecoutons la voix du grand Míkis Theodorákis (????? ??????????), le compositeur, penseur et homme politique qui fut « le porte-parole mondialement reconnu contre la Dictature des colonels grecs de 1967 à 1974″, comme le précise Wikipédia. Arnaud Montebourg a pris l'initiative de lire hier après-midi, devant l'Assemblée du Conseil Général de Saône-et-Loire, la Lettre ouverte aux peuples d'Europe du poète grec, sans aucun écho médiatique - nous le tenons simplement de sa page Facebook. Relayons, en publiant ce texte à la lucidité poignante : « Notre combat n'est pas seulement celui de la Grèce, il aspire à une Europe libre, indépendante et démocratique. Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu'ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. (...) Leurs programmes de «sauvetage de la Grèce» aident seulement les banques étrangères, celles précisément qui, par l'intermédiaire des politiciens et des gouvernements à leur solde, ont imposé le modèle politique qui a mené à la crise actuelle. Il n'y pas d'autre solution que de remplacer l'actuel modèle économique européen, conçu pour générer des dettes, et revenir à une politique de stimulation de la demande et du développement, à un protectionnisme doté d'un contrôle drastique de la Finance.
Si les Etats ne s'imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront, en même temps que la démocratie et tous les acquis de la civilisation européenne. La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd'hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu'elles ont elle-même générées sous forme de dettes. Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire fut le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d'Europe. (...) Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd'hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole [et italienne] sur l'autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. [C'est déjà notre tour !] Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l'Europe en la transformant en Tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. »