Par Peter Symonds
7 novembre 2011
Des articles parus dans les journaux britanniques le Telegraph et le Guardian du mercredi 2 novembre révèlent les préparatifs militaires des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour une attaque de l'Iran qui vont bien au-delà des scénarios de routine habituels.
Les fuites montrent que des préparatifs pour une nouvelle et dangereuse aventure militaire sont en cours en même temps que des discussions au sein du cabinet ministériel israélien et parmi les médias pour savoir s'il faut lancer unilatéralement des attaques aériennes contre les installations nucléaires iranien.
Les officiels et les ministres des trois pays ont nié ces rapports, mais ont répété la menace de longue date que "toutes les options restent sur la table". Tout ceci alors que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) doit remettre une nouvelle évaluation des programmes nucléaires de l'Iran, décrite au Guardian par un fonctionnaire occidental anonyme comme devant "changer la donne", et qui pourrait bien fournir le prétexte de la guerre. L'Iran, de son côté, a constamment affirmé n'avoir aucun projet de construction d'armes nucléaires.
Le Guardian a annoncé que : "le Ministère de la Défense [britannique] croit que les Etats-Unis pourraient décider d'accélérer leurs plans de frappe de missiles sur des installations iraniennes clé. Les officiels britanniques indiquent que si Washington va de l'avant ils rechercheront et recevront l'aide militaire britannique pour toute mission envisagée, malgré de profondes réserves au sein du gouvernement de coalition." Par anticipation, "les planificateurs militaires britanniques examinent où déployer au mieux les navires et les sous-marins de la Royal Navy, équipés de missiles de croisière Tomahawk, au cours des mois à venir."
Un article dans le Telegraph a confirmé que le Ministère de la Défense (MoD) avait indiqué la nécessité d'agir rapidement sur la base d'informations selon lesquelles l'Iran s'apprêtait à déplacer des technologies clé d'enrichissement d'uranium vers des installations profondément enterrées situées près de Qom. Les planificateurs du MoD ont dit au journal qu'il y avait une "fenêtre d'opportunité en train de se refermer" et que par conséquent, selon les déclaration de leur source, "Il faut y être à temps, car une fois que tout sera enterré, cela deviendra beaucoup plus difficile."
Des sources britanniques anonymes ont indiqué au Guardian que le Président américain Obama ne voulait pas "entreprendre une aventure militaire nouvelle et provocatrice avant l'élection présidentielle de novembre prochain. Mais ils ont averti que ces calculs pourraient changer à cause des craintes montantes alimentées par les renseignements recueillis par les agences occidentales." Un officiel de Whitehall [siège de l'amirauté britannique] a fait les remarques suivantes : "le président Obama a une grande décision à prendre dans les mois à venir parce qu'il ne voudra rien entreprendre juste avant l'élection."
Israël pourrait inciter Obama à plonger dans une nouvelle guerre en lançant ses propres frappes contre les installations nucléaires iraniennes, ou en menaçant de le faire. Vendredi dernier, le journaliste israélien renommé Nahum Barnea rapportait dans Yediot Aharonot, que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le Ministre de la défense Ehud Barack faisaient pression sur le cabinet ministériel intérieur [chargé de la sécurité] et sur les chefs israéliens de la sécurité pour qu'ils acceptent d'attaquer l'Iran. L'information a provoqué une réponse furieuse de Benny Begin, membre du cabinet intérieur, qui a dénoncé la discussion dans les médias comme étant "complètement irresponsable" car elle "entravait sévèrement la capacité du gouvernement à prendre des décisions" sur cette question.
Le gouvernement israélien a déjà fait des préparatifs avancés pour une attaque contre l'Iran. Le journal Ha'aretz a indiqué mardi que le ministère des Affaires étrangères israélien avait commencé une campagne diplomatique à la mi-septembre en insistant auprès de ses alliés pour dire qu'il ne restait plus beaucoup de temps pour mettre fin au programme nucléaire iranien par la pression diplomatique et les sanctions. Sur le front militaire, les avions militaires israéliens ont mené la semaine dernière un exercice à longue distance, du type nécessaire pour atteindre l'Iran, en utilisant une base de l'OTAN sur l'île italienne de Sardaigne. Mercredi, Israël a fait un tir d'essai d'un engin balistique à longue distance qui a aussi le potentiel de frapper l'Iran.
Ceux qui déclarent qu'Israël et ses alliés américains et européens ne se risqueraient pas à une attaque sur l'Iran, avec ses conséquences potentiellement catastrophiques, ignorent le fait que leurs agences de renseignements sont déjà engagées dans des activités qui sont équivalentes à des actes de guerre. Il est largement admis qu'Israël, avec l'assistance probable des Etats-Unis, était derrière l'opération de guerre électronique utilisant le virus informatique Stuxnet pour saboter les installations d'enrichissement de l'Iran et impliqué dans l'assassinat de plusieurs scientifiques nucléaires iraniens au cours de l'année passée.
Plus fondamentalement, les préparations pour la guerre contre l'Iran ne sont pas plus motivées par des inquiétudes sur son programme nucléaire que les invasions de l'Afghanistan et de l'Irak ne l'ont été par "le terrorisme" ou "les armes de destruction de masse", ou que le bombardement par l'OTAN de la Libye n'était destiné à protéger les populations libyennes. Les Etats-Unis se sont jetés de façon téméraire dans une guerre après l'autre au cours de la décennie passée, dans une tentative désespérée de compenser leur déclin économique en projetant leur hégémonie sur les régions riches en énergie du Moyen-Orient et de l'Asie centrale.
Les invasions néo-coloniales de l'Afghanistan et de l'Irak se sont toutes deux transformées en désastres qui, ainsi que les commentateurs américains l'ont souvent noté, n'ont fait que permettre d'améliorer la situation de l'Iran dans la région en supprimant deux régimes qui lui étaient hostiles. N'ayant pas réussi à conclure avec Bagdad un accord sur le statut de ses troupes, la position américaine sera encore plus affaiblie lorsqu'elle enlèvera ses dernières troupes d'Irak, vers la fin de l'année. Les perspectives ne sont pas meilleures en Afghanistan où les Etats-Unis et ses alliés se préparent au retrait de leurs forces combattantes d'ici à 2014.
Loin d'agir comme un frein, la crise économique mondiale qui s'aggrave pousse l'impérialisme américain à utiliser sa puissance militaire pour consolider ses intérêts économiques et stratégiques au dépens de ses principaux rivaux européens et asiatiques. C'est la logique tortueuse à l'oeuvre derrière la prise pour cible de Téhéran, considéré à Washington comme un obstacle majeur pour les ambitions américaines au Moyen-Orient et la raison principale de ses échecs en Irak et en Afghanistan. De plus, comme dans le cas de la Libye, une guerre menée par les Etats-Unis contre Téhéran saperait sérieusement les intérêts économiques considérables de la Chine et de la Russie en Iran, ainsi que leurs efforts pour forger des liens stratégiques plus étroits.
L'administration Obama est aussi poussée par la crise économique qui s'approfondit et les tensions de classe montant aux USA même, qui ont été révélées par l'éruption du mouvement de protestation anti-Wall Street. Malgré l'opposition populaire largement répandue à l'égard du militarisme et de la guerre qui s'est développée pendant la dernière décennie, l'aristocratie financière américaine est tout à fait disposée à prendre un autre pari irresponsable pour étayer ses intérêts au Moyen-Orient et comme moyen de détourner l'attention de la dévastation sociale produite par son programme d'austérité.
Les derniers rapports dans la presse britannique constituent l'avertissement le plus net qui soit à la classe ouvrière américaine et internationale. Alors que le capitalisme mondial va titubant d'une crise économique et politique à l'autre, la rivalité entre les principales puissances, pour les marchés, les ressources et l'obtention d'avantages stratégiques risque de plonger l'humanité dans un conflit catastrophique qui dévasterait la planète. La seule force sociale capable de mettre fin au danger de guerre mondiale est la classe ouvrière internationale et cela passe par une lutte unifiée pour abolir le système de profit et établir une économie socialiste planifiée à l'échelle mondiale. C'est la perspective du Comité international de la Quatrième Internationale et de ses sections dans chaque pays.
(Article original paru le 4 novembre 2011)