par Julien Teil
Ces derniers jours, nous avons assisté à une véritable insurrection des médias occidentaux, français en tête. Ces derniers estiment être en position de contester la légitimité des observateurs de la ligue arabe en Syrie. L'ensemble des relais auxquels ces médias font appels sont liés à la NED (National Endowment for Democracy). L'organisation fut créée en 1982 par Reagan et envisage d'utiliser le prétexte droits de l'homme afin de mieux dissimuler l'ingérence étasunienne.
La critique des médias occidentaux repose sur deux arguments principaux ::b]
- Les observateurs de la ligue arabe ne peuvent faire leur travail de façon exhaustive car le régime syrien cacherait les preuves de ses crimes en encadrant les observateurs.
- Le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi nommé à la tête des observateurs ne serait pas "crédible".
La première assertion doit être comprise par ce qu'elle souhaite dissimuler via une rhétorique douteuse
-Le régime syrien dissimule les preuves de ses crimes - comme le faisait prétendument le régime de Kadhafi, ce qui n'est toujours pas prouvé aujourd'hui.
-De plus, l'armée syrienne encadre de façon contraignante la liberté des observateurs. Il sera donc extrêmement difficile de produire des preuves.
-Il n'y aura donc pas de preuve solide:b] suite à cette mission, sinon le premier rapport présenté par Navi Pillay au conseil des droits de l'homme des Nations Unies, rapport si pauvre qu'il ne peut être considéré par un tribunal comme constituant des éléments solides à la charge du régime Syrien.
La seconde assertion - quant à elle - questionne la légitimité de la procédure d'observation de la Ligue Arabe.
Elle conteste en particulier la légitimité du général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi, chargé de conduire la mission d'observation.
Plus précisément, Marc Lavergne, coordinateur du groupe d'experts du Conseil de sécurité de l'ONU pour le Darfour en 2006, lui reproche de s'être opposé à une " enquête sur les crimes contre l'humanité qui se déroulaient au Darfour. On a donc là quelqu'un qui passe lui-même pour un tortionnaire aux yeux des opposant soudanais. " Il serait donc lui même lié à des actes abominables tels ceux dont on accuse le régime Syrien.
Mais là encore, [toujours pas de production de preuve.
Ces deux assertions reposent donc l'une sur l'autre sans que l'une d'elle ne puisse indépendamment se justifier par des faits matériels et des preuves documentées. Mais présentées ainsi, l'esprit ne pensera pas à questionner la véracité de la première accusation indépendamment de la seconde.
Procédons donc à l'inverse de cette logique et questionnons ces assertions sur le plan du droit international puisqu'il s'agit d'un conflit mais surtout sur le plan de la raison.
La charte des Nations-Unies entend limiter les souverainetés des États pour éviter les tensions internationales qui peuvent conduire à des conflits armés. Mais cette limitation ne permet en aucun cas l'ingérence. Or dans cette affaire, il est toujours question de commentaires sur l'exercice du pouvoir en Syrie, il s'agit donc bien de questionner et critiquer - voir contester- l'exercice de la souveraineté de la Syrie sur son propre territoire.
Ceci étant dit, observons maintenant les relais de ces assertions contre le régime Syrien.
- l'OSDH (Observatoire Syrien des Droits de l'Homme) n'est autre qu'une organisation financée par la National Endowment for Democracy - elle même dépendante du congrès des États-Unis. Or leurs constats sur les crimes du régime Syrien sont reproduits chaque jour dans les médias. L'organisation est basée à Londres comme l'étaient les 3 organisations de la NED dédiées à la Libye.
- Le Damascus Center for Human Rights Studies est présidé par Radwan Ziadeh. Son CV, impressionnant, nous en apprend beaucoup sur son engagement politique et ses activités personnelles au sein de la NED. L'organisation est financée par la FIDH. En outre, Radwan Ziadeh s'occupe des formalités diplomatiques entre le couple NED/FIDH et le conseil des droits de l'homme sur le dossier Syrien et cela par l'intermédiaire d'une autre organisation de la FIDH : le Cairo Institute for Human Rights.
- Axel Poniatowski est quand à lui chargé de "résoudre" le problème posé et inventé par ses alliés. C'est à dire : Brouiller les pistes en proposant le remplacement des observateurs de la Ligue Arabe par d'autres observateurs tout en contournant la possibilité d'une résolution pacifique du conflit en appelant à la saisine du Conseil de Sécurité.
Il estime dans un article du Monde que " Ce plan (l'envoi des observateurs arabes) est utile, Il doit maintenant faire l'objet d'une résolution en l'état au Conseil de sécurité des Nations unies. Cela rendra plus difficile l'opposition de la Chine et de la Russie. "
Axel Poniatowski est le Président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale depuis le 28 juin 2007. Mais il a aussi participé à la fondation de l 'International Movement of Parlementarians for Democracy, un programme du World Movement for Democracy de la NED. Ce programme fondé en 2003 avait alors réuni 24 parlementaires issus de 13 pays différents. Un autre français y participa : Jean Dominique Giuliani le président de la Fondation Robert Schuman pour l'Europe.
Conclusion : La National Endowment for Democracy dont la légitimité - quant à elle- peut être véritablement questionnée estime être en mesure de produire l'intégralité du discours accusateur à l'encontre du régime syrien ainsi que la solution adéquate en toute situation.
Pourtant
- La National Endowment for Democracy n'est pas une Organisation Non Gouvernementale (ONG) puisque son budget est voté par le congrès des États-Unis.
- L'organisation s'ingère illégalement dans la vie politique de nombreuses Nations : Russie, Venezuela, Libye, Myanmar, Syrie, République Démocratique du Congo, etc.
- L'organisation, malgré son discours accusateur, n'a pas produit, à ce jour, la moindre preuve sérieuse à l'encontre du régime Syrien.
En résumé, ceux qui entendent user du sophisme pour nous faire admettre l'impossibilité de produire des preuves sans saisine du conseil de sécurité - et donc sans prendre le risque d'annihiler toute possibilité de procédure d'observation - sont précisément ceux qui sont les moins légitimes pour commenter cette procédure. En effet, ils se placent de façon officielle en dehors du cadre du droit international ainsi qu'en position offensive, cette dernière étant en contradiction avec l'idée de résolution d'un conflit intraterritorial. De plus, le but affiché est de contourner les vétos Russes et Chinois soit de contester encore une fois l'exercice de la souveraineté de certaines Nations alors que celles-ci respectent les procédures internationales courantes dans le cas Syrien.
Julien Teil