Par Stéphanie Marthely-Allard
Le ministère des Affaires étrangères britannique vient de publier un rapport explosif de 46 pages intitulé "Enfants en détention militaire" (1) sur la manière dont Israël maltraite les enfants palestiniens. Ce rapport fait suite à une enquête menée par une délégation de 9 avocats britanniques mandatés par le très sérieux "Foreign & Commonwealth Office", le bureau des Affaires Etrangères et du Commonwealth britannique. En réponse aux accusations portées par ce terrible document, le porte-parole de l'ambassade d'Israël à Londres, Amir Ofek, a déclaré que "C'est la faute de l'Autorité palestinienne qui n'est pas capable d'empêcher ces enfants de commettre des délits, ce qui nous oblige à agir de la sorte"...
Dans une base militaire israélienne proche de Gaza. Des prisonniers palestiniens, les yeux bandés et les mains liées. Et un enfant au milieu... (photo A. COHEN / REUTERS)
La délégation dirigée par Sir Stephen Sedley, ancien juge à la Cour d'Appel, s'est rendue en Israël et en Cisjordanie du 10 au 17 septembre 2011. L'ancien juge rapporte que "tous les enfants palestiniens sont traités comme des terroristes potentiels" et qu'Israël viole sans cesse la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'Enfant" qui interdit les traitement cruels, inhumains et dégradants.
Durant 42 ans, les enfants palestiniens ont été emprisonné avec les adultes et ce n'est qu'en 2009 qu'apparait la "Military Juvenile Court". Quant aux améliorations prétendument apportées par Israël, "elles sont plus rhétoriques que réelles", ont estimé les rapporteurs.
En effet, dès 12 ans, on trouve des enfants avec chaînes en fer aux pieds, yeux bandés, mains ligotés dans le dos... Ils sont tirés de leurs lits en pleine nuit et jetés dans des véhicules militaires où ils ont maintenus à plat ventre. Le rapport parle de véritables "tortures" et raconte comment ces enfants subissent également l'isolement dans des cellules de prison, sans presque pouvoir voir leurs parents. "En détention, ils sont privés de sommeil, et maltraités verbalement et physiquement, contraints de signer des aveux qu'ils ne peuvent même pas lire", rapportent les 9 avocats britanniques. Et de rajouter : "Quelle ne fut pas notre choc d'assister à une audition préliminaire dans un tribunal militaire israélien, où un très jeune enfant fut amené revêtu d'un uniforme marron et enchaîné aux pieds", raconte Me Greg Davies.
Le gouvernement britannique a souligné qu'Israël va devoir changer ces méthodes. "Nous sommes préoccupés depuis un moment par ce problème et c'est pourquoi nous avons commandé et financé un rapport indépendant", a fait savoir le porte-parole du gouvernement. La société civile britannique est depuis longtemps mobilisée sur le sujet, le gouvernement ne pouvant faire autrement que reconnaître cet état de fait par ce rapport. Mais il est plus que probable que ce document ne soit suivi d'aucune avancée significative, comme cela a été le cas pour l'ensemble des autres rapports de part le monde traitant de ce terrible sujet.
Le rapport pointe, entre autre, la différence de traitement et de règles concernant les enfants selon qu'ils soient israéliens ou palestiniens :
- Les enfants israéliens doivent avoir accès à un avocat dans les 48h et ne peuvent pas être emprisonnés avant l'âge de 14 ans. Les parents peuvent les accompagner durant l'audition par les forces de l'ordre et la justice, il est possible de partiellement enregistrer les auditions et les enfants doivent être présentés à un juge dans un délai de 12 à 24h. Ils peuvent être incarcérés sans inculpation pendant 40 jours. La période maximale entre l'arrestation et le jugement final est de 6 mois. Les faits reprochés à ces enfants sont très graves.
- Pour les enfants palestiniens, ils peuvent être incarcérés dès l'âge de 12 ans et détenus 90 jours sans avocat. Durant leurs auditions par la police ou l'armée, aucun enregistrement audio-vidéo n'est possible, ni accompagnement des parents, ils ont jusqu'à 8 jours pour être présentés à un juge. Ils peuvent être incarcérés sans inculpation pendant 188 jours. La période maximale entre l'arrestation et le jugement final est de 24 mois. Les faits reprochés sont très arbitraires (3).
Il est estimé qu'entre 500 et 700 enfants palestiniens sont emprisonnés chaque année en Cisjordanie. Rien qu'en mai 2012, il était recensé pas moins de 234 enfants prisonniers en Israël (Sources Israëli Prison Service (IPS) et Israëli Army Temporary Detention Facilities). Ils ont droit à 45mn de visite de leurs proches parents tous les 15 jours. Un permis de visite peut être obtenu dans un délai allant de 2 semaines à 2 mois. Les juges militaires israéliens estiment que le risque de récidive est peu important et qu'au contraire, ce traitement leur donne "une bonne chance de mettre le mineur en dehors de toute mauvaise influence"...
Cette information doit être relayée un maximum afin que le monde entier sache quels traitements inhumains les enfants palestiniens subissent de la part de l'Etat israélien.
Quand aux adultes, c'est aussi barbare, un rapport vient de sortir sur le sujet et estime que 100% des prisonniers israéliens incarcérés dans les prisons israéliennes subissent des maltraitances psychologiques, physiques et des tortures entre les mains des soldats israéliens. Amnesty International vient d'appeler Israël (2) à libérer ou à juger de manière impartiale tous les Palestiniens emprisonnés sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux dans le cadre de la procédure dite de "détention administrative" qui permet de maintenir derrière les barreaux des suspects sans jugement pendant des périodes de six mois renouvelables.
Que fait la communauté internationale ? Rien de rien, si ce n'est de la poudre aux yeux merdiatiques, laissant Israël organiser un véritable apartheid.
(...)
(1) Rapport " Children in military custody ", juin 2012, 46 p., en anglais, format PDF.
(2) Rapport " Starved of Justice: Palestinians detained without trial by Israël ", Amnesty International, 6 juin 2012, 64 p., en anglais, format PDF.
(3) Rapport " Minor 'A' from Nabi Saleh - The Rights of Minors in Criminal Proceedings in the West Bank ", ACRI, 2012, 8 p., en anglais, format PDF.
Source : Mediapart