15/12/2014 mondialisation.ca  5min #93654

 South Stream et le nouveau coup de maître en Turquie de Vladimir Poutine

Quelles sont les conséquences de l'abandon de la construction du gazoduc South Stream ?

Par  Valentin Vasilescu

Le 3 décembre 2014, le Président Vladimir  Poutine  a annoncé que la Russie était contrainte d'abandonner la  construction  du  gazoduc South Stream qui devait approvisionner les Balkans et l'Europe centrale. La décision a été une conséquence de l'obstruction continue de l' Union européenne, Bruxelles forçant la Bulgarie à refuser d'autoriser le transit du  gazoduc  South Stream sur son territoire. Le rôle de l'Ukraine comme pays de transit a été réduit à zéro, la Russie ne livrant à l'Ukraine par pipeline que la quantité nécessaire à sa consommation intérieure.  Gazprom  permet à l'UE d'approvisionner l'Europe en gaz sur seulement deux pipelines du vaste réseau européen Droujba : North Stream et Blue Stream.

Le gazoduc North Stream transporte le gaz de la Russie à l'Allemagne sous la mer Baltique, en contournant la Pologne et les pays baltes. Sa construction a coûté 7,5 milliards de dollars et il a été mis en service en novembre 2011.

Le Blue Stream, long de 1,213 km, passe sous la Mer Noire et approvisionne la Turquie depuis 2003. Les États de l'Europe centrale et de l'Europe du sud-est, situés sur l'orientation stratégique du gazoduc ukrainien dans le cadre du gazoduc Fraternité (qui fermera) achèteront le gaz russe à la frontière de l'Union européenne, c'est-à-dire en Turquie, un pays qui n'est pas un membre de l'UE. La Slovaquie, la République tchèque, l' Autriche, la  Hongrie, la  Serbie, le Monténégro, la Bosnie, la Macédoine, la Croatie, la Slovénie, l'Italie, la Moldavie, la Roumanie et la Bulgarie sont dans cette situation.

Il est intéressant de noter que, au début de 2009, le Président Vladimir Poutine a proposé de permettre la construction du gazoduc de South Stream au président roumain Traian Basescu sur le territoire de la Roumanie, c'est-à-dire l'itinéraire le plus court de la mer Noire vers la Hongrie.

Dans le même temps, Poutine avait lancé une proposition: « J'ai une autre offre pour la Roumanie, une offre qu'il est difficile de refuser. S'il vous plaît transmettez-la au président Basescu. Nous sommes prêts à vendre directement à Romgaz tout le gaz russe nécessaire pour couvrir les besoins de l'Ukraine pendant un an, qu'il pourra ensuite revendre à l'Ukraine. C'est une bonne offre, non ? »

En raison du refus de ces propositions par le Président Traian Basescu, l'Europe centrale et l'Europe de l'est en supportent les conséquences aujourd'hui. Jusqu'à présent, la Roumanie recevrait le gaz russe d'un pipeline qui traverse le sud-est de l'Ukraine, à la jonction de Isaccea, dans le comté de Tulcea. Et la République de Moldavie, dépendante à 100 % du gaz russe, était alimentée par le biais du gazoduc ukrainien grâce à un raccord en Transnistrie. Désormais, elle recevra son gaz à partir de la Turquie et de la Bulgarie, et aura besoin d'un raccordement avec la Roumanie, qui, à son tour, recevra du gaz russe via la Bulgarie.

Dans ce contexte, les citoyens moldaves ont compliqué la situation avec le vote du 30 novembre 2014 pour l'élection au  Parlement  de Chisinau. Le paradoxe réside dans le fait que leur vote a permis aux trois partis pro- européens  (contre la Russie) qui sont au pouvoir (PDLM, DPM, PL) de former la nouvelle majorité parlementaire qui ne laisse aucune chance pour l'approvisionnement de la Moldavie en gaz russe.

La société Eustream, l'opérateur des gazoducs de la Slovaquie, a déclaré qu'elle allait construire un gazoduc à partir de la Slovaquie jusqu'à la frontière bulgaro-turque pour pouvoir satisfaire ses besoins en gaz russe, ainsi qu'en a décidé Bruxelles. Dans les termes les plus optimistes, cela signifie une dépense supplémentaire de 750 millions d'euros, la moitié du réseau, en tenant compte des lignes déjà existantes. Le reste sera construit par la Roumanie et la Bulgarie. Les travaux de construction vont prendre au moins trois ans.

La Russie orthodoxe a encouragé, dans les mouvements politiques du XIXe siècle, la libération des peuples orthodoxes des Balkans sous domination ottomane. La guerre russo-turque (1877-1878) a permis l' indépendance  de la Roumanie, la Serbie, le Monténégro et l'autonomie de la Bulgarie (sous la protection de la Russie). A cause des politiques des gouvernements des États de l'Europe du sud-est totalement inféodés aux intérêts de Bruxelles, en 2015 ces pays reviendront sous domination turque à travers la dépendance énergétique. Et la population de ces pays n'a aucune idée de ce qu'elle a perdu en étant, pour l'UE, la main qui a servi à frapper la Russie.

Valentin Vasilescu

Traduction du roumain : Avic - Réseau International

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