Par Jean-Michel Thénard
Lutter contre le terrorisme, c'est pourtant si simple, à entendre certains. Nicolas Dupont-Aignan propose « l'État d'urgence » à la sud-américaine, Éric Ciotti des « centres de rétention » pour « mettre hors d'état de nuire » les Français dont « la dangerosité est avérée ». Et une grande partie de la droite vante le Patriot Act, ce monument de l'arbitraire américain.
Un mois après le 11-Septembre, George Bush dotait son pays d'une législation d'exception qui devait être provisoire. Treize ans après, elle est toujours là. Quand l'exception devient la règle, le pire est toujours sûr. Les États-Unis se sont affranchis de la Convention de Genève en créant le statut de « combattant illégal », qui leur permet de détenir, sans limite et sans inculpation, à Guantanamo toute personne soupçonnée de projet terroriste. Ils ont laissé la CIA torturer, autorisé la NSA à écouter les communications de toute la planète, jusqu'à Angela Merkel, et à entrer et fouiller, sans le prévenir, dans les données informatiques (aussi bien que dans le domicile et l'intimité) de n'importe qui.
Quand Edward Snowden a dénoncé ces pratiques, l'Europe entière a applaudi. Aujourd'hui le Patriot Act devient la panacée à importer. « Il faudra, bien entendu, un Patriot Act à la française. Il faut une réponse ferme et globale. », explique Valérie Pécresse. « Est-ce que nous ne devons pas (...) revoir sur certains points l'équilibre entre la liberté de chacun, qui est essentielle, et l'efficacité de nos services de police ? » s'interroge Sarko. Dans le couple sécurité et liberté, la seconde est toujours sacrifiée quand la première est menacée.
Vite une nouvelle loi, alors qu'il y en a eu 15 depuis 1986, soit presque une tous les deux ans. ? La gauche en est déjà à sa deuxième depuis 2012. La dernière, adoptée le 13 novembre, interdit la sortie du territoire au candidat au djihad et crée un « délit d'entreprise terroriste individuelle ». Faut-il maintenant changer la Constitution pour interdire au djihadiste de rentrer en France et le déchoir de sa nationalité française, comme le propose Sarko ? Valls lui-même estime qu'« il sera sans doute nécessaire de prendre de nouvelles mesures. » Notamment pour « améliorer » le système d'écoutes administratives et judiciaires, qui doit être « plus performant ».
Entendez moins contraint par les juges et plus à la main des policiers. Un projet de loi sur le renseignement était prévu à la fin de l'année. Il sera peut-être accéléré pour renforcer les moyens de la DGSE et de la DGSI. L'idée testée à Fresnes d'isoler les islamistes radicaux en prison pourrait aussi avancer. « On ne va pas bâtir une législation dans la précipitation », promet Valls. Mais la précipitation guette, car le temps des attentats n'est pas celui de la loi.
Le Canard Enchaîné N° 4916 du 14 janvier 2015