01/02/2015 legrandsoir.info  3min #95192

 La Ligue des Droits de l'Homme met en garde contre la perte de libertés

Délit d'opinion en Europe ?

Catherine CARPENTIER

Avec le procès intenté à Turin contre l'écrivain italien Erri de Luca, le délit d'opinion, qu'on croyait depuis longtemps disparu en Europe, est rétabli.

En effet, pour avoir soutenu les actions de sabotage de l'association NO-TAV contre les chantiers de la future ligne à grande vitesse (LGV) Turin-Lyon lors d'un interview dans un journal américain et protesté contre l'occupation militaire du Val di Susa, l'écrivain italien risque jusqu'à cinq ans de prison. La phrase incriminée : « la LGV doit être sabotée et ces actes de sabotage sont nécessaires pour faire comprendre qu'il s'agit d'un chantier inutile et nocif ».

Suite au dépôt de plainte de la société franco-italienne Lyon-Turin-ferroviaire qui mène les travaux, Erri de Luca est poursuivi pour incitation à la violence par le parquet de Turin et appelé à comparaître mercredi 28 janvier.

Tout récemment, les responsables politiques européens tous bords confondus, dont le chef du gouvernement italien Renzi, ont eu beau jeu de défiler à Paris pour la liberté d'expression suite à l'attentat perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo. En réalité, ils ne se réclament de ce principe que pour récupérer le crédit d'image que cela engendre et servir leurs objectifs.

Erri de Luca revendique le droit de déclarer légitime la lutte des habitants de la vallée contre un projet sur-dimensionné, d'un coût exorbitant et comportant de gros risques de pollution.

Désormais, il ne suffit plus de poursuivre les opposants à de tels projets comme s'ils étaient des terroristes, il faut en plus faire taire toutes velléités d'opposition et de solidarité. L'ennemi à combattre devient donc la possibilité même de s'opposer, la liberté de dire non ou d'exprimer un désaccord, dès lors que des intérêts financiers sont en jeu.

Prenons le droit d'affirmer haut et fort ce que nous pensons, faisons front contre tous les dénis de liberté et de démocratie et avec Erri, défendons le droit à une parole libre et contraire.

On ne peut pas incriminer un écrivain pour ses mots !

La Parole contraire, dernier ouvrage de Erri de Luca, est édité chez Gallimard.

Bref rappel des faits antécédents à la mise en examen de Erri de Luca :

En mai 2013 à Chiomonte dans le val de Suse, une trentaine de manifestants avaient coupé le grillage du chantier militarisé et lancé des cocktails Molotov entraînant des dégâts matériels limités. Quatre militants italiens du mouvement No TAV ont été accusés d'avoir participé à l'action de sabotage.

Après des mois d'enquête, le parquet antiterroriste de Turin a ordonné leur arrestation et leur placement en prison de haute sécurité en décembre 2013. La qualification pénale retenue pour l'incendie de quelques machines était « attentat à finalité terroriste ».

Après un an de prison sous un régime ultra contraignant, le parquet de Turin a enfin rendu sa décision le 17 décembre 2014 : les quatre militants sont condamnés à 3 ans et demi de prison, mais relaxés pour les chefs d'inculpations « d'attentat à finalité terroriste » et de « transport d'armes de guerre ».

Lien pétition en italien :  Firme di adesione / Signatures for support

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