Par Amir M. Maasoumi
''Un enfant de 8 ans interpellé par la police française'' pour refuser "d'être Charlie"; Radio Canada (1)
Non. Moi non plus; Je ne suis ni Charlie, ni un Assassin hors-la-loi et sans foi!
Je refuse cette dichotomie artificielle, simpliste et réductrice.
Je refuse de prendre part à ce défoulement collectif, cette émotivité vengeresse et déshumanisante. À ce piège de rage dans impuissance qui fait sortir tout ce qui est de pire en nous et qui ne fait qu'engendrer plus de haine et de violence, à cette scandaleuse manipulation et récupération, je refuse, moi aussi, de dire oui.
Je suis « humain » et je m'efforce de le rester!
Je refuse de faire partie de ceux qui usent du terrorisme physique ou intellectuel, étatique ou morale pour réduire « l'autre » au silence, de bafouer sa liberté; pour polariser, diviser, semer la guerre et de barrer la route au dialogue entre les semblables égaux mais différents, un dialogue pour un vivre-ensemble harmonieux basé sur la solidarité, le respect, la compréhension et la tolérances fraternelle.
Je résiste face à ce spectacle honteux, cette ignoble et répétitive « live story » en hommage à la logique de barbarie; de riposte ''coup sur coup'' et de provocations '' de part et d'autre''.
Je refuse d'être la Charlie ou l'Assassin que cette hystérie généralisée et généralisante, sans nuance aucunes, cherche à nous imposer. Je refuse d'accepter cette polarisation voulant miroiter des unanimités campées dangereusement ambiguës et artificiellement entretenues; nourries largement par des médias-mensonges et en grande partie par ceux qui « savent », dans le but de manier les esprits, d'ajouter aux désarrois et de détourner les attentions de la grande majorité déjà désorientée dans leurs misères quotidiennes... À toutes ces mascarades « en direct » sur le fond d'ignorance, d'impuissance, d'arrogance, de double discours et de vengeance aveugle, je refuse de m'associer.
Je dénonce dans cette manifestation d'indignation et de détresse la rebuffade obstinée de toute compréhension en coupant consciemment ou pas, un événement tragique de son « contexte ». Ce refus entêté de reconnaître le fait que ce que Charlie Hebdo faisait (et continu à le faire) loin d'être ''innocent et neutre', était d'abord et avant tout de prendre et de défendre des positions ''tranchées'' non pas dans le vide, mais dans un espace sociopolitique hautement chargé; dans un climat de tensions, une conjecture précise de guerres de reconquête néocoloniales, des crises économiques systémiques et le racisme ouvert qui en découle, de stigmatisation et d'exclusion, d'inégalité sociale, d'islamophobie, de la haine et des rapports historiques inégaux des forces... Dans ces moments sombres et décisifs, je ne serai jamais Der Stürmer *. Je refuse donc d'appliquer la règle du ''deux poids deux mesures'' et ainsi de renoncer à mon humanité juste, responsable et solidaire; aux valeurs qui me distinguent de ceux que je condamne, je dénonce.
Je refuse de m'identifier à ce viol collectif et consensuel de la décence, à cette sélectivité honteusement arbitraire, cette orgie de « white power » organisé sous le prétexte fallacieux de la défense d'une conception mythique et idéalisée d'une sorte de ''liberté d'expression sans balise et en dehors de tous contextes'' (qui n'a d'ailleurs jamais existé concrètement), mais au fond, pour soulager les instincts les plus obscurs, les complexes, phobies et ressentiments refoulés...
Je m'insurge contre ces «exceptionnalistes » pour qui le « sang de l'un » est plus « coloré » et précieux que ce de l'autre, à ceux pour qui des milliers, voire millions victimes innocents sont souvent des insignifiants « dommages collatéraux », et à leur opposé, à ceux que l'essence de leur « foi » est la « loi » de la haine et du sang, et non pas la « voie » de l'amour, de la célébration de vie et de la joie. À tous ces intransigeants apôtres de violences multiformes, chacun avec leurs ''intouchables sacrés'', à ces « suprématistes », ces intégristes archaïque et moderne qui nient aux autres ce qu'ils exigent pour eux-mêmes, je refuse de céder.
Devant l'exaltation, le relâchement des « troupeaux » déchainés; frustrés de conditions insupportables de leurs propres « étables étouffantes », la « raison » ne peut rien! Tout « raisonnement » est vain devant ces malheureux désespérés qui s'insurgent contre de mauvaises cibles, qui s'illusionnent en cherchant de bouc-émissaires pour se ''libérer'' de leur insoutenable l'état d'être et de mal-être. De ''raisonner'' est dément devant ces emportés par « l'anorexie sociale », incapables de voir, de percevoir telle quelle la réalité, leur propre réalité...!
À cette heure grave où tout débat posé et rationnel semble impossible, évacué, inutile, je refuse de me faire prendre entre les lames, de même "nature" mais opposés, de ciseaux avec une coté, ces manipulateurs des discours modernes surgis du fin fond des siècles de barbaries et dans le pôle opposé, ceux de leurs adversaire; « ces hypocrites qui ne manqueront pas d'exploiter un drame pour ensuite tenter de limiter la liberté d'expression et d'abolir d'autres droits chèrement acquis » justement au nom de les défendre, sous prétexte d' assurer notre ''sécurité''. Face aux rivalités entre ces deux « frères ennemis malintentionnés et impitoyables» qui se ressemblent à tout point dans l'inhumanité et dans l'objectif, je résiste et je m'indigne!
Je refuse de joindre les rangs de ceux qui prétextent les ''menaces terroristes'' pour faire éloge de la confrontation ouverte, la répression et l'État policier, la militarisation de l'espace public... dans le but de tracer la voie de la guerre permanente, tuer la paix sociale, la paix tout court! Ceux qui n'adhèrent à aucuns principes et n'offrent aucune autre solution que la vengeance, la violence dans toutes ses manifestations et formes.
Je me révolte face à autant de témérité qu'en fin de compte pompe de l'eau au moulin des ''prometteurs et profiteurs'' d'industries de la mort, de la guerre et de la ''sécurité'' au détriment de la ''vie'', de liberté et des intérêts communs. Je m'insurge devant autant d'inconscience qui sert uniquement les profits des complexes militaires o surveillances; les seuls gagnants de cette délirante polarisation tout-azimut.
Je refuse d'endosser la parade et les hypocrisies surréalistes de ces dirigeants, ces prédateurs de tout ce qui est du vrai journalisme, des médis libres et du véritables ''liberté d'expression''. Je refuse de me laisser impressionner par larmes de crocodile de ces faiseurs d'opinions donc les plupart sont, au même tire que les pluparts de leurs pots politiciens et technocrates, des apologistes de la guère; notoires criminels de guère et des complices de crime contre la paix et l'humanité. À toutes ces hystéries collectives qui accentuent la méfiance envers toutes différences au service de la peur; au lieu de miser sur la convergence et la responsabilité dans le respect et l'intérêt de tous, à cette comédie répétée devenue tristement tragique, je ris amèrement, mais sans indifférence....
Sidéré par toutes ces médiocrités conformistes, cet absence de courage en dépits des gesticulations ''héroïques'' de tous bords et de tous parts, je refuse de participer à ce sinistre choral, ces hymnes et ces fanfares à la gloire des va-t-en-guerres afin d'accentuer davantage la fracture et de huiler les machines de conflits, d'aiguiser les esprits guerriers.
En tant que « membre de la famille humaine » d'abord, et ensuite, comme un « musulman », je condamne ces monstres de « Frankenstein » qu'on a crées, formés, financés, armées et soutenus depuis plus de trois décennies, et cela comme une partie de la stratégie de déstabilisation et de domination impériale dans le but de vendre des armes, de justifier les guerres d'agressions, de l'occupation, du pillage des ressources, de la destruction de plus d'une dizaine de pays musulmans, de massacres des centaines de milliers des civiles d'innocents, de la création des millions de réfugiés et déplacés...
j'ai crié depuis longtemps sur tous les toits, je disais et répétais entres autres que, ces « djihadistes » qu'on a appelés insidieusement des « combattants de la liberté, des rebelles etc. », retourneront un jour contre leurs « créateurs/protecteurs » et certains, reviendrons chez eux, d'où on les a lâchés, en nous faisant « goûter » à la même soupe qu'on a impunément et depuis longtemps « cuisinée et servie » aux autres!
Avons-nous oublié que Ben-Laden fut « l'agent de liaison » de la CIA à l'époque que le Président Reagan recevait les Talibans à la Maison-Blanche comme des « résistants et libérateurs »? Plus récent encore, pouvons-nous nier notre responsabilité directe dans la formation et la légitimation de ces « bandits/égorgeurs » syriens et de leur « brigade des djihadistes internationale » qu'on a soutenue et tolérée, qu'on a présenté au monde, pendant quatre ans durant, comme des « révolutionnaires modérés anti-Assad»? Sans parlé de notre téméraire crime de se ranger à leur coté, de les aider dans la destruction et dans le mis-au -feu de la Lybie; un pays souverain, membre de l'ONU pour un autre projet du ''changement du régime'' illégal et immorale?
Comme musulman, je n'ai pas besoin de me justifier aucunement ni de présenter des ''excuses'' pour des crimes de quelques individus sans foi ni loi. Je reconnais cependant, la « part de responsabilités des musulmans et des sociétés musulmanes » dans l'apparition et la propagation de cet intégrisme violent, réactionnaire et archaïque. Cette « anomalie » barbare (qui n'est pas propre à l'islam ni aux musulmans) dénuée de toute spiritualité, humanité, valeurs, conscience et civilité, en rupture totale avec l'Islam, avec ses traditions, valeurs et ses fondements. Ce symptôme de passage obligé de la « Tradition » à la « Modernité » déjà vu et tragiquement vécu en Occident même et durant plusieurs siècles sanglantes. Ce phénomène macabre dont ses premières victimes sont de loin et les plus nombreuses, les musulmans de même que l'islam lui-même. Et qui se base sur une lecture «fossilisée, barbare, désertique, austère et sanguinaire» de l'Islam mais surtout, prend ses racines dans un contexte de la domination coloniale, de crise structurelle, de transition, de perte de repère, de désespoir et de détresse de même que de déstabilisations et de chaos voulus, provoqués et entretenus. Cette abomination d'intégrisme qui est une « réalité sociale complexe » et doit être retenu, combattue. Mais pour cela, il faudrait le comprendre d'abord, d'identifier ses ''causes'' profondes à la fois dans le monde musulman qu'ici, chez nous, et surtout, d'éviter de répéter les graves erreurs du passé qui ne font qu'aggraver la situation, de le renforcer. Au lieu de tenter de ''profiter'' des potentiels destructeurs de ce « sous-produit de l'Islam et des sociétés musulmanes en temps de crises » pour l'instrumentaliser; comme le font les forces les plus réactionnaires et antidémocratiques au Moyen-Orient et d'ailleurs, pourtant tous nos « protégés » et « alliés » occidentaux.
L'heure est grave, donc il est préférable, pour le moment, d'appeler à un temps de « silence ». Dans cette circonstance, il faudrait s'arrêter un peu afin de reconnecter à notre conscience. Pour Retrouver notre « humanité » confisquée, piétinée et mise de côté en attendant que les poussières aveuglantes de passage des troupeaux que n'épargnent rien ni personne sous ses sabots, s'estompe... Ravage! Les énormes et irréparables dommages à notre « humanité » étaient déjà accomplis, et ils continus. Hélas! On ne peut rien dans de telles situations devenues plus tragiques que « l'événement » qui l'a déclenché. Un appel à la ''résistance et mobilisation générale'' face à toutes ces ''attaques généralisées contre notre humanité, contre les conditions de notre humanité'' devrait cependant suivre cette période ''d'accalmie'', de réflexion et de prise de conscience...
Le sage Roumi disait :
'' Je suis ce "muet" qui a vu des épouvantables "songes".
Incapable d'en parler et le monde ''sourd '' de m'entendre!''
Mais en attendant qu'on entend enfin la raison, qu'on agisse en conséquence et ensemble, qu'on forme solidairement le ''Front commun de la résistance'' de tous les gens de conscience; au-delà de toute différence et référence ethniques, raciale, nationale, culturelle, religieuse et autres... contre ces ''fascismes de nouveaux types '' qui nous guettent tous, et en dépit de cette sombre circonstance, je sais, j'insiste, je répéter et le signe que: Je ne peux jamais être ni Charlie ni un Assassin. Je veux rester humain. Et je continu de combattre pour mon humanité, pour l'humanité!
Amir M. Maasoumi
* I am Der Sturmer? : ''La publication Der Stürmer, éditée par Julius Streicher, très connue pour ces caricatures obscènes antisémites durant des années 40 de 20 ème siècle....'' normanfinkelstein.com
L'auteur intellectuel irano-québécois, œuvre depuis plus de 30 ans pour la paix et le dialogue interculturel et interreligieux au niveau local, national et international. Il a participé entres-autres, en 2013 et 2014 aux deux Missions internationales humanitaires pour la paix en Syrie accompagnée de Mairead Maguire; lauréate de Prix Nobel de la paix.
(1) Voir également l'article publié par Mondialisation.ca : De l'hystérie collective des adultes au mot d'un enfant de 8 ans traité comme un... terroriste, 30 janvier 2015.