16/02/2015 mondialisation.ca  7min #95659

 Ukraine: Vladimir Poutine s'entretient avec Barack Obama

Contre qui Obama s'apprête-t-il à faire la guerre en Europe ?

Par  Nikolai Bobkin

La Maison-Blanche travaille actuellement à l'élaboration du budget pour l'année fiscale 2016 qui commence le 1er octobre 2015. La première ébauche de budget s'élève à 1800 milliards de dollars.Le Pentagone a déclaré que ce budget « ne sera efficace que si les Américains se sentent en sécurité à la maison et aussi à l'étranger, » ajoutant que « les événements géopolitiques de l'année passée n'ont fait que renforcer leur besoin d'une augmentation, contrairement aux dispositions actuelles. » Plusieurs milliards de dollars sont alloués à la stratégie de sécurité nationale du Président...

L'augmentation des dépenses se monterait à 38 milliards pour le programme de Défense, faisait ainsi grimper le montant total du budget militaire à la somme record de 561 milliards de dollars. Mais qui menace vraiment les USA ? Qui Obama s'apprête-t-il à aller combattre durant la dernière année de sa présidence avant son départ en 2016 ? Habituellement, les présidents US au cours de leur 2e mandat sont surnommés les lame ducks (canards boiteux). En l'occurrence, les Américains ont commencé très tôt à utiliser ce surnom pour Barack Obama. L'Amérique ne l'aime pas ; les récents sondages montrent que le nombre d'Américains qui pensent qu'Obama peut être utile à leur pays est en forte diminution. Le niveau d'impopularité d'Obama atteint des niveaux records. Le sondage indique que seuls 44% des Américains soutiennent Obama. La plupart pensent que le président montre des signes de fatigue. Ils pensent aussi qu'il n'a pas de vision claire à long terme. Le Président n'est pas désorienté pour autant. Il affirme avoir largement de quoi faire dans les deux ans qui viennent, et explique que c'est un grand honneur d'être responsable de la plus formidable organisation au monde, à savoir, le gouvernement américain, son armée, et toutes les bonnes choses que les USA font dans le monde entier. En réalité, la liste de toutes ces bonnes choses résonne plus comme une liste de menaces que les États-Unis représentent pour le reste du monde.

Indépendamment de ce budget, Obama demande également 51 milliards de dollars pour financer les opérations liées aux conflits en Irak et en Syrie, ainsi que pour assurer la continuité de la présence militaire américaine en Afghanistan. Pour la première fois, l'ébauche de budget inclut aussi un poste dédié aux dépenses destinées à exercer des pressions sur la Russie. Le ministre russe des Affaires étrangères a déclaré que « Washington a annoncé la proposition par l'Administration Obama d'un budget pour 2016 incluant un montant de 640 millions de dollars pour l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, dans un but bien précis : "des activités pour contenir la pression russe."  Si les États-Unis ont ajouté ce poste spécial pour une confrontation avec la Russie dans leur budget, c'est que la situation a fondamentalement changé. Nous n'avons jamais douté des velléités de confrontation de la part de la Maison-Blanche, qui joue actuellement au jeu inutile et vain des sanctions économiques. Mais ils envisagent maintenant des mesures financières subversives contre la Russie, ce qui ne fait qu'exacerber les tensions. Ces mesures montrent clairement que les États-Unis poursuivent des objectifs géopolitiques destinés à empêcher le processus naturel d'intégration au sein de l'ancienne URSS, et à séparer la Russie de l'Ukraine et des pays voisins. De notre point de vue, il parait clair que les initiatives de Washington conduisent les relations USA-Russie vers le mur, et que désormais, trouver un autre chemin prendra beaucoup de temps. Mais c'est le choix de l'administration US, et ils devront en supporter l'entière responsabilité. »

Comment Washington a-t-il prévu de protéger la sécurité de ses alliés et partenaires européens contre l' « agressivité de la Russie » ? Les USA ont prévu de fournir 51 millions de $ d'aide à la Géorgie et la Moldavie pour qu'ils fassent front devant la pression et l'agression de la Russie (aucun détail sur la façon dont cette somme sera répartie entre les deux pays). L'aide à l'Ukraine, destinée de la même façon à « contenir les actes d'agression de la Russie, » se monte à 117 millions de dollars. Kiev doit encore se débrouiller jusqu'à 2016. Le pays est au bord de la faillite, et n'a plus aucune marge de manoeuvre financière. Dans une interview donnée au journal allemand Die Welt, le président Poroshenko a admis que chaque jour de guerre coûtait entre 5 et 7 millions d'euros. Si Kiev continue à combattre contre son propre peuple pour servir les intérêts américains, les 117 millions de dollars ne paieront que 17 à 20 jours de combat. C'est la raison pour laquelle le président Poroshenko panique et entreprend tous ces voyages dans les pays occidentaux pour serrer des mains et demander des armes.

Le Président Petro Poroshenko a indiqué que les événements récents devraient encourager l'ORAN à « fournir davantage d'aide à l'Ukraine, y compris par l'approvisionnement en armements sophistiqués, pour lui permettre de se protéger et se défendre contre l'agresseur. » Jusqu'à aujourd'hui, l'administration US a refusé de fournir à Kiev des armes létales. (*)

Ashton B. Carter, le candidat du président Obama pour le poste de Secrétaire à la Défense, a expliqué au Sénat durant l'audition pour sa nomination qu'il envisageait d'augmenter l'assistance militaire américaine à l'Ukraine. « Nous devons aider l'Ukraine à se défendre, » a dit Carter en réponse aux questions du sénateur républicain de l'Arizona, John McCain, le président du comité qui soutient l'idée de fournir à l'Ukraine des armes léthales. « Je suis favorable à l'idée de leur donner des armes, y compris des armes léthales. »

La vision exposée par le candidat au poste de secrétaire à la Défense a provoqué un intense débat dans les capitales européennes. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier a annoncé que la fourniture d'armes léthales ne ferait qu'augmenter le nombre de victimes. « Il n'y a pas de solution militaire à ce conflit - je parle de cela et de nos amis américains qui envisagent l'envoi d'armes. Cela va conduire tout au plus à davantage de morts, » a expliqué le ministre allemand. La fourniture d'armes américaines aux USA conduirait à une escalade de la violence et à une détérioration ultérieure des relations USA-Russie.

Il y a tout juste un an, il était impossible d'imaginer que les Américains transformeraient l'Ukraine en une ligne de front où ils provoqueraient une guerre civile comme ils l'ont fait déjà en Irak, en Syrie et en Afghanistan. À l'inverse d'autres crises organisées par Washington ces 25 dernières années, celle en Ukraine a été provoquée par Washington à la frontière avec la Russie. Elle est utilisée pour une confrontation avec Moscou et sert de prétexte à l'augmentation du budget militaire. Les États-Unis ont prévu de dépenser 789 millions de $ pour renforcer la présence de l'OTAN et de ses partenaires en Europe. Cet argent sera dépensé pour des exercices de l'OTAN ainsi qu'en armement et en équipements. L'Europe devra dépenser encore plus dans le même domaine. Ashton Carter a rappelé que l'Europe était de la plus haute importance pour les États-Unis, et a demandé [aux pays] de l'OTAN d'augmenter leurs dépenses militaires : « Ils doivent dépenser plus pour leur propre défense, car leur défense, c'est aussi la nôtre, » a commenté Carter lors de son audition devant la Commission sénatoriale des armées. Une formule bien familière. Les Américains ont toujours préféré faire payer leurs alliés pour leurs propres objectifs géopolitiques, et laisser aux autres le soin de combattre à leur place.

Le secrétaire de l'OTAN, le général Jens Stoltenberg (ci-dessus)  est fier de voir  que les activités de l'OTAN ont été multipliées par cinq depuis le début de la crise ukrainienne il y a un an, mais tout cela ne nous amène pas vers une solution au conflit. La résolution pacifique de cette confrontation ne pourra se faire qu'au travers du dialogue, et non par des menaces contre la Russie ou par l'extension de l'OTAN toujours plus vers l'Est.

Nikolai Bobkin

Source :  Strategic-Culture  - 12 fév. 2015

Traduction : Christophe pour  ilFattoQuotidiano.fr


Note de la traduction : (*) Lire à ce propos l'article de Finian Cunningham :  L'OTAN est déjà en guerre en Ukraine... mais elle est en train de perdre

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