Le ministère de l'intérieur a expliqué les raisons du blocage d'Islamic-News, ordonné aux FAI sans le moindre contrôle judiciaire. Le site est accusé d'avoir commenté l'an dernier dans un article des extraits d'un discours du calife autoproclamé de l'Etat Islamique, et d'avoir permis à ses lecteurs de l'écouter.
On sait désormais pourquoi Islamic-News.info, qui se défend de toute apologie du terrorisme, a été bloqué sur ordre du ministère de l'intérieur, sans passer par une action judiciaire. Dans un article publié mercredi soir, Le Monde (qui lui-même constate que le site "ne fait effectivement aucune apologie ouverte du terrorisme") révèle que les services de l'Etat ont exigé des FAI qu'ils bloquent l'accès à l'ensemble du média couvrant l'actualité du monde islamique parce qu'il "reproduit - sans le mettre en perspective - un discours d'Al-Baghdadi dans lequel le leader de l'EI invite à « déclencher les volcans du djihad partout », et héberge le fichier audio de ce discours in extenso".
L'article du 13 novembre 2014 encore visible en cache Google faisait effectivement une explication de texte du discours audio de 17 minutes d'Abu Bakr al-Baghdâdi, pour en analyser dans un premier temps les motivations politiques et le contexte militaire, avant d'en citer des extraits sans livrer de commentaire particulier. A aucun moment il n'en fait l'apologie. "Ce message audio se caractérise par la virulence des attaques contre la coalition arabo-occidentale", et "ne laisse aucun doute sur les futures intentions de l'organisation", écrivait simplement l'auteur d'Islamic-News.
De son côté, Arrêt sur Images constate également que "le rédacteur ne commente ni favorablement, ni défavorablement les déclarations d'Al-Baghdadi".
COUPABLE D'ETRE UN BLOG
Le principal tort d'Islamic News semble donc d'avoir permis à ses lecteurs d'écouter le discours d'un ennemi de la France dans son intégralité, pour se faire une idée par eux-mêmes. Car pour le reste, l'article n'est en rien différent (et sans doute même plus instructif) que l'article du Huffington Post publié le lendemain, titré "Que faut-il retenir du dernier discours du chef de l'EI, Al Baghdadi ?". En revanche les extraits choisis n'étaient pas toujours les mêmes, d'où l'intérêt de pouvoir écouter le discours en intégralité, lorsque l'on veut s'informer par soi-même.
Cet article était-il suffisant pour affirmer comme l'a fait le ministère de l'intérieur que le site faisait "l'apologie du terrorisme" ou "provoque à des actes de terrorisme" ? Probablement pas. "Contacté par Le Monde, le ministère de l'intérieur précise que cette citation intégrale ne relève pas de la liberté de la presse, mais de l'apologie du terrorisme, a fortiori pour un site qui n'est pas reconnu comme un organe de presse", écrit le quotidien. On s'étouffe, sachant que la cour de cassation est très claire sur le fait que le droit de la presse s'applique fort heureusement aux blogs amateurs, même anonymes (c'est également l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, consultée mais très souvent ignorée).
"Beauvau rappelle toutefois que le responsable d'Islamic-news.info dispose d'un droit de recours, une possibilité qu'aucun des cinq sites bloqués vendredi n'a encore fait valoir jusqu'ici. Les quatre autres sites hébergeant des contenus à la teneur djihadiste bien plus évidente, il serait bien improbable qu'ils en usent", ajoute le quotidien.
Un média ainsi censuré a donc le droit de contester sa censure, et il faudrait s'en contenter aux yeux du ministère de l'intérieur. Mais comme l'écrit le créateur d'Islamic-News, "le mal est déjà fait". "L'étiquette du « terrorisme » a été déposée et personne ne pourra l'enlever même pas la décision d'un juge. La page Facebook a été supprimée sans aucune raison. Mon compte Facebook personnel est vide, je n'ai jamais rien publié et pourtant il a été supprimé."
Une certaine idée de l'état de droit. Qui n'est pas la nôtre.