par Benjamin Dangl
Hommage au célèbre écrivain décédé le 13 avril 2015.
Le monde a perdu un de ses grands écrivains hier. L'auteur uruguayen Eduardo Galeano est mort à 74 ans à Montevideo. Il a laissé une œuvre magique derrière lui, et son influence s'étend sur tout son continent.
Pendant la crise économique argentine de 2001-2002, les paroles de Galeano ont circulé dans les rues de leur propre chef, accompagnant chaque manifestation, chaque meeting. Les usines ont été occupées par les travailleurs, des assemblées de quartier se sont mises en place, et, pendant un moment, les paroles et les actes révolutionnaire ont remplacé un système néolibéral pourri. La vision complètement opposée que Galeano offrait du monde a propulsé de nouveaux rêves dans l'atmosphère saturée de gaz lacrymogène.
Dans les rues de La Paz, en Bolivie, des copies piratées du best seller de Galeano : Les Veines ouvertes de l'Amérique latine* sont encore vendues partout. Là aussi, l'alchimie historique de Galeano, ajoutée à la flamme des nombreux mouvements et soulèvements où les mineurs des veines ouvertes du pays ont jeté de la dynamite sur les politiciens de droite, et au souvenir des 500 ans de colonisation, continue de vivre.
Tout en haut des routes de montagne sinueuses du Chiapas, après avoir passé les points de contrôle de l'armée mexicaine, on trouve la communauté zapatiste autonome d'Oventic. Un jour, il y a quelques années, la voix familière de Galeano récitant des contes pour enfants a plané sur la brumeuse terre autonome à travers des haut-parleurs.
Au Forum social mondial de Porto Alegre, au Brésil, Galeano est entré dans une tente étouffante où des centaines de personnes s'étaient rassemblées pour l'entendre parler du mouvement uruguayen pour le droit à l'eau dans lequel les gens avaient « voté contre la peur », pour arrêter la privatisation. Ce qui m'a le plus marqué dans cette conférence, c'est la manière dont il a fait rire la foule à maintes reprises.
Et une nuit au Paraguay où, dans l'air saturé par l'odeur des bouses de vache et des pesticides, des petits fermiers, assiégés par les cultures toxiques de soja, se sont réunis pour raconter des histoires de résistance, histoires qu'ils reliaient aux récits de Galeano dénonçant le pillage de l'Amérique latine ainsi qu'aux luttes contre la cupidité des puissants qui duraient depuis des siècles.
La petite montagne de livres et d'articles que Galeano a laissée derrière lui, est une parole d'espoir, elle nous apprend à nous rebeller contre le monde tel qu'il est sans cesser de l'aimer, à comprendre le passé tout en se construisant le meilleur avenir possible.
« Elle est à l'horizon, » a écrit Galeano en parlant de l'utopie. « Je fais deux pas, elle recule de deux pas. Je fais dix pas et l'horizon est instantanément à dix pas devant. Je peux marcher aussi longtemps que je veux, je ne l'atteindrai jamais. A quoi sert donc l'utopie ? A cela précisément : à vous faire marcher. »
Note :
* mediapart.fr..
Traduction : Dominique Muselet
Voir en ligne : legrandsoir.info
Benjamin Dangl a travaillé comme journaliste dans toute l'Amérique latine, couvrant les mouvements sociaux et la politique dans ce continent pendant plus d'une décennie. Il est l'auteur des livres : Danse avec de la Dynamite : les mouvements sociaux et États en Amérique latine et Le Prix du feu : guerres pour les ressources et mouvements sociaux en Bolivie. Dangl prépare actuellement une thèse de doctorat en histoire de l'Amérique latine à l'Université McGill, et il est rédacteur en chef de UpsideDownWorld.org, un site Web consacré aux luttes militantes et à la politique e l'Amérique latine, et de TowardFreedom.com, une perspective progressiste sur les événements mondiaux. Twitter : twitter.com Email : BenDangl (at) gmail (point) com