Caleb IRRI
Ce n'est pas une petite histoire que ce coronavirus : il est les symptôme évident du dysfonctionnement de nos sociétés, le signal d'alarme que quelque chose de pourri est en train de détruire l'Humanité dans tous ses sens.
Dès le départ il y a eu un manque d'informations et de crédibilité des informations en provenance de la Chine. Lorsque le confinement a été imposé là-bas, ici on ne prenait le confinement que comme une preuve supplémentaire du caractère autoritaire des Chinois. Pensant avec la prétention habituelle des « Occidentaux » que si toutefois le virus passait par chez nous, on l'arrêterait bien vite.
Du coup, c'est dans une impréparation totale que le Covid-19 s'est propagé partout, présenté par nos gouvernants et tous les experts médiatiques habituels comme une « petite grippe » dont on faisait toute une histoire. Il nous semblait tout de même que la Chine en faisait un peu trop. En pensant plus ou moins secrètement que la dictature avait une vertu non négligeable, celle de nous protéger, nous les démocrates. Nos gouvernants l'assuraient alors : le virus ne passerait pas par nous.
Sauf que le travail des politiques n'est pas de savoir mais d'avoir l'air de savoir. Et c'est comme cela que même une fois en Italie le gouvernement français ne semble pas avoir pris la mesure de la gravité de la crise. Et on s'apercevra vite qu'en fait de préparation il n'y avait rien, ou si peu : nous n'étions tout simplement pas prêts. Pas assez de masques, pas assez de tests, pas assez de gels hydro-alcooliques, pas assez de respirateurs, pas assez de lits, pas assez de personnel, pas assez d'établissements.... Aujourd'hui les pays payent leurs politiques d'austérité, qui ont pelé les services publics jusqu'à l'os (surtout l'hôpital, de manière particulièrement brutale et systématique), rendant les services de santé exsangues pour le jour où une crise comme celle qui nous occupe aujourd'hui arriverait. Ce n'est pourtant pas faute d'en avoir prévenu tous les gouvernements successifs !
A cette crise de l'hôpital (baisse des effectifs, rémunération, mépris, formation, retraites, statut de la fonction publique, répression policière) a succédé le problème du timing et de la communication, avec des injonctions contradictoires au fur et à mesure que les jours passaient, et que les mauvaises nouvelles arrivaient d'Italie et d'ailleurs. On a accusé de ne pas être disciplinés les citoyens qui ont fait exactement ce qu'on leur disait de faire, et ils ont été voter malgré la crainte qu'on pouvait déjà sentir ici en France. Les médias ont comme à leur habitude relayé la parole gouvernementale sur toutes les chaînes et à toutes les heures, jusqu'au constat suivant : il fallait se confiner au plus vite. Plus d'une semaine après l'Italie, la France a cessé de faire la maline. Après avoir bien sûr dit non plus « Au revoir » mais « Adieu » à la solidarité européenne (ce n'est pas la plus grosse surprise de cette affaire). Peu à peu chacun s'est retiré chez soi avec les siens, et sauve qui peut, on ferme les frontières (tiens je croyais que c'était impossible ?). On se rue dans les magasins, on se bat pour du papier toilette, on fait de grandes annonces et de grandes promesses. Et nous n'avons toujours ni masques ni gel, ni pour les soignantes ni pour les EHPADs, ni pour les policiers ni pour les caissières.
Aujourd'hui les masques (ceux qui restaient) tombent en effet un par un : des pays volent les (vrais) masques de leurs alliés, d'autres veulent se réserver un vaccin, d'autres encore voudraient interdire de s'intéresser à un médicament potentiellement efficace. Des conflits d'intérêt apparaissent entre les labos en Chine, le mari de l'ex-ministre de la santé, et puis il y a les fake-news et les mensonges éhontés sur le port des masques et la prévoyance du gouvernement.
L'état d'urgence sanitaire, les drones, et les amendes disproportionnées (comme s'ils comptaient dessus pour rattraper les pertes économiques ?) ont fini de saboter ce qu'il restait de raison dans ce gouvernement. Comme on pouvait bien sûr le craindre des lois scélérates sont adoptées sans aucun contrôle ou presque, et on se prépare à détruire ce qui reste de droits sociaux en France (35 heures, congés payés, heures supplémentaires) pour l'après-crise, car le confinement généralisé de la population entraînera inévitablement des catastrophes économiques majeures, après n'avoir fait que vaciller - provisoirement - la bourse (doit-on s'en réjouir ?) ?
Bien sûr nous ne nions pas ici l'intérêt de mesures fortes et contraignantes si elles sont vraiment provisoires et proportionnées, notamment en regard de ce qu'on exigera des riches pour participer à l'effort de reprise général. Mais l'expérience ne permet pas d'en être absolument certain.
Toujours est-il que nous ne sommes plus aujourd'hui - et pour combien de temps ? - en démocratie en France, cela selon les critères du président lui-même. Le peuple accepte pour le moment cette situation car elle est de force majeure, mais il ne faut pas croire que cela suffira à éteindre les colères qui se font jour petit à petit.
Le fait que les « riches et puissants » de ce pays aient accès à des tests et des médicaments dont le peuple est dans son ensemble privé contribue à faire monter l'incompréhension et le mécontentement. S'il s'avérait que nous avions sous la main un médicament susceptible de fonctionner et que nous ne l'utilisions que pour certains ou pas à bon escient - le tout pour des raisons obscures et à éclaircir - alors le « crime contre l'Humanité » pourrait remplacer « la non-assistance à personne en danger »dans l'intitulé des plaintes qui seront déposées ultérieurement. Tandis que les soignants n'ont toujours pas assez de masques, que les chiffres de contamination sont biaisés par le manque de tests, et qu'on meurt en silence dans les EHPADs dont les morts ne sont pas comptabilisés sur l'épidémie. Pourtant, comme on ne meurt pas du froid en France mais de la misère, il est certain que si nous avions eu des masques, des respirateurs, des lits et des personnels en suffisance la crise ne serait pas la même.
Toute la communication de ce gouvernement est une catastrophe dont on se servira sans doute plus tard dans les écoles pour savoir ce qu'il ne faut pas faire. Je sais bien que cette situation ne doit pas être facile à gérer mais l'amateurisme est ici poussé à son paroxysme.
En revanche question politique ils sont quand même forts : après nous avoir saoulé avec la réforme du chômage qui était si bonne qu'il a fallu en décaler l'application en catastrophe (elle écrasait comme on le disait depuis le début les plus fragiles), ils ont réussi à enterrer la réforme des retraites sans avoir à s'humilier encore plus suite aux nombreuses preuves flagrantes de leur incompétence sur ce projet. Au moins ici tout le monde s'en sort bien. Ou à peu près. D'ailleurs, ils vont avoir du mal à appliquer la réforme du chômage après l'hécatombe des faillites qui suivront le confinement, et à relancer celle des retraites compte-tenu de l'abaissement presque obligé de l'espérance de vie moyenne en France et en Europe suite au virus. Ils ne pourront plus dire qu'on doit travailler plus longtemps avant longtemps !
Maintenant la crise finira bien par passer, et il est certain qu'il faudra d'une manière ou d'une autre tirer les conséquences de ce qui peut sembler un des premiers signes tangibles de l'effondrement qui vient.
Certains veulent croire que les questions que cette crise posent sur le système mondialisé capitaliste vont faire peur à nos gouvernants et aux riches, et qu'ils vont de ce fait se préparer au changement de modèle de production, d'échange et de consommation. Et que la question écologique qui lui est attachée sera enfin réellement prise en compte : c'est à mon avis se tromper lourdement. Et plutôt deux fois qu'une. D'une part le système ne sera pas modifié, et d'une autre ce n'est pas la démocratie qui en sortira vainqueur. En réalité les riches qui déjà font sécession vont se barricader plus qu'avant encore : ils auront en plus des jets privés des petites structures privées dans lesquelles ils auront masques, respirateurs, meilleurs médecins et chloroquine à gogo.
Pour les pauvres, ils vont devoir bosser plus et plus dur, se taper les futurs virus et se contenter des masques en sopalin. Par contre ils oublieront vite, comme c'est le cas dans la plupart des pays pauvres, les contraintes écologiques ou biologiques : les gens vont logiquement se jeter sur le moment qui vient, car lorsqu'on vit au jour le jour, on ne se préoccupe pas de savoir si la semaine suivante l'air des riches sera plus pur que la semaine précédente. Il faut juste travailler pour manger, manger pour travailler.
En réalité le monde de demain, sans une prise de conscience massive de la part des citoyens (et non pas des gouvernants qui sont sans doute définitivement perdus), nous allons tout droit vers un système féodal dans lequel des Etats et des Entreprises permettront un niveau de vie formidable à une élite plus petite encore que celle d'hier et d'autrefois, avec une armée d'esclaves aisément remplaçables pour les servir. Il va falloir nous aussi faire sécession, sans faux espoir ni regret, avec des risques mais aussi de la responsabilité. Nous empêcher de vivre pour ne pas mourir est une idée qui n'a pas d'avenir.
Caleb Irri