«Soufflante générale» pour l’exécutif ? Selon Le Canard enchaîné, le président de la République aurait piqué une grosse colère et étrillé ses ministres après les dégradations commises par des casseurs à Paris en marge de l’acte 18 des Gilets Jaunes.
«Incapables», «dilettantes»… À en croire les informations du Canard enchaîné publié ce 20 mars, Emmanuel Macron se serait emporté face à ses ministres le 16 mars après que d’importants dégâts matériels ont été infligés à l’avenue des Champs-Elysées à Paris en marge de la manifestation des Gilets Jaunes.
«Selon ses proches, il était littéralement furibard», annonce le palmipède qui précise, sarcastique : «Pas seulement pour avoir été privé d’une journée de ski supplémentaire.» Le journal continue : «Le chef de l’Etat, déchaîné devant ses conseillers, s’en est pris à un peu tout le monde, aux “incapables”, comme aux “dilettantes”. A commencer par le Premier ministre et son copain de l’Intérieur.»
Le Canard enchaîné rapporte en effet les propos très durs qu’aurait supposément tenus Emmanuel Macron aussi bien à l’égard de ses équipes qu’à l’adresse du mouvement des Gilets Jaunes, visiblement conscient du poids des mots et du choc des photos : «Entre les images du ski, celles de la boîte de nuit (dont Castaner a été le héros) et celles de Paris qui brûle, le choc des images est désastreux […] Nous ne sommes plus face à un mouvement social, mais devant un mouvement de destruction sociale […] Ce sont des bandes de voyous et de factieux.»
Selon les informations du Canard enchaîné, après avoir écouté les explications de son Premier ministre, de ses chefs de police et de ses ministres de l’Intérieur et de la Justice, Emmanuel Macron aurait lâché cette «soufflante générale» : «Vous n’avez rien d’autre à me proposer qu’un dispositif conçu en décembre que vous avez négligé d’appliquer aujourd’hui. Je vous conseille de vous mettre sérieusement au travail.»
Depuis cette «soufflante» consécutive aux débordements constaté le 16 mars à Paris, une nouvelle avait transpiré dans la presse dès le 17 mars faisant savoir que Christophe Castaner se serait sévèrement fait «remonter les bretelles» par le président de la République après l’acte 18, mais le ministre de l’Intérieur s’est visiblement senti obligé de démentir cette information au micro de France Inter le 19 mars : «J’ai échangé avec Emmanuel Macron samedi toute la journée, je l’ai vu samedi soir, j’ai échangé avec lui à plusieurs reprises dimanche, je l’ai encore vu hier. À aucun moment je ne me suis fait engueuler.»
Et d’assurer qu’à aucun moment, il n’avait envisagé sa démission. Même son de cloche pour Edouard Philippe qui a également affirmé sur France 2 le 18 mars que sa propre démission n’avait pas non plus été envisagée.
Les grands noms de la Préfecture de police de Paris, eux, ont été rayés et remplacés : le préfet Michel Delpuech a été remplacé, ainsi que le Directeur de l’ordre public et de la circulation, Alain Gibelin et le Directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, Frédéric Dupuch. Le directeur de cabinet du préfet Delpuech, le préfet Pierre Gaudin doit également quitter ses fonctions.
Devant les sénateurs le 19 mars Christophe Castaner a expliqué que ces limogeages en cascade tenaient notamment à un «changement de doctrine d’usage des LBD [lanceurs de balles de défense]» qui aurait été décidé «au sein de la préfecture de Paris sans l’assentiment du gouvernement.»
Interrogé quelques heures plus tôt sur France Inter, le ministre de l’Intérieur avait assuré qu’il fallait «une nouvelle équipe managériale» à la tête de la police de la capitale pour appliquer des consignes de fermeté renforcées.
Des parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale ont pour leur part estimé que les préfets et cadres supérieurs de la police parisienne remplacés avaient, à leur sens, servi de «fusibles». Le porte-parole de l’association policière UPNI, interrogé le 19 mars par RT France a livré une analyse similaire : «Le préfet Delpuech est la victime expiatoire de l’acte 18 des Gilets Jaunes. Ce n’est qu’un fusible et son limogeage ne changera rien.» Et de préciser : «Quant au remplacement du DSPAP [Frédéric Dupuch], cela donne l’impression d’une chasse aux sorcières, doublée d’une mise au pas. […] La destruction de la Préfecture de police de Paris est dans les tuyaux depuis de nombreuses années et plusieurs pouvoirs s’y sont essayés.»
En tout état de cause, l’acte 18 devrait quoiqu’il en soit avoir marqué un tournant dans la gestion du maintien de l’ordre et l’acte 19 des Gilets Jaunes prévu le 23 mars pourrait être géré d’une façon différente par la hiérarchie policière. La doctrine en la matière pourrait ainsi évoluer vers une philosophie de contact avec des unités anticasseurs. Par ailleurs, des hypothèses telles qu’un système de marquage des manifestants, ou l’usage de drones, ont été évoquées. La sanctuarisation de certains secteurs de la capitale qui avait déjà été mise en place autour des lieux de pouvoir (Elysée, Matignon et Assemblée nationale, notamment) pourrait être étendue à d’autres zones de Paris, telles que l’avenue des Champs-Elysées.
Source : RT