Par Alejandro López
13 avril 2020
Au mépris des scientifiques et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et le gouvernement de coalition de la pseudo-gauche Podemos, vont obliger les travailleurs des industries non essentielles à reprendre le travail le lundi 13 avril. Avec le soutien des syndicats, le PSOE et Podemos propagent en effet la maladie mortelle COVID-19. Comme la plupart des lieux de travail ne disposent toujours pas de mesures de sécurité élémentaire, ils sacrifient inutilement d'innombrables milliers de vies simplement pour augmenter les bénéfices des entreprises.
Pendant 10 jours à compter du 30 mars, Madrid a interdit le travail non essentiel et, exceptionnellement, a forcé les employeurs à continuer de payer les travailleurs dans les secteurs non essentiels pendant qu'ils restaient confinés à la maison. Selon les termes de cet accord réactionnaire, les syndicats se sont engagés auprès des entreprises à obliger les travailleurs à effectuer des heures supplémentaires non rémunérées et à renoncer aux jours de vacances pour rembourser ces salaires. Maintenant, ce dispositif est en cours de suppression.
Les travailleurs de la production et du bâtiment, principalement, seront contraints de retourner au travail. Les magasins, restaurants (excepté la livraison à domicile) et les établissements de loisirs resteront fermés.
Jeudi, au Parlement, le premier ministre Pedro Sánchez a menti, affirmant que cette décision avait été prise «sur la base de la science». Il a ajouté: «Quoi de mieux, rester à la maison jusqu'en mai ou juin? Il y a des divergences lorsque vous en parlez avec des épidémiologistes et des scientifiques». Il a également affirmé que «l'hibernation économique» est «très grave pour notre tissu industriel et économique».
En fait, le PSOE et Podemos n'avaient même pas pris la peine de vérifier auprès du comité scientifique de leur gouvernement, qui s'oppose à cette politique imprudente. Antoni Trilla, épidémiologiste et membre du comité scientifique, a déclaré à El País qu'ils n'avaient pas été consultés et qu'à son avis, «il serait judicieux» de maintenir l'isolement total.
De même, le directeur régional de l'OMS pour l'Europe, Hans Kluge, a déclaré mercredi: «Ce n'est pas le moment d'assouplir les mesures.»
L'argument du gouvernement pour mettre fin au confinement est basé sur des mensonges et des affirmations scientifiquement infondées. Le premier mensonge est que la pandémie est désormais maitrisée en Espagne. En fait, des milliers de personnes continuent de contracter la maladie chaque jour. Avec plus de 15.800 décès, l'Espagne a le troisième bilan de COVID-19 en importance dans le monde, après les États-Unis et l'Italie. Avec 157.053 cas confirmés d'infection, 605 patients sont décédés vendredi et 3831 nouveaux cas ont été détectés.
Cependant, même des sources progouvernementales admettent que les chiffres officiels sous-estiment fortement la pandémie, car beaucoup de personnes meurent à la maison ou dans des maisons de retraite. Le quotidien pro-PSOE El País a avoué: «Le nombre de cas ne reflète pas le nombre réel d'infections dans le pays, qui est inconnu, ni tous les décès causés par le coronavirus. On ne sait même pas ce que le nombre d'admissions en soins intensifs veut réellement dire.»
El País a également indiqué que le gouvernement PSOE-Podemos envisage de s'appuyer sur le développement d'une «immunité collective» contre le virus au sein de la population espagnole. Selon l'administration espagnole de santé publique, cela nécessiterait qu'au moins 60 pour cent de la population espagnole (28 millions de personnes) attrapent la COVID-19 et deviennent immunisés, les empêchant de la propager davantage. Cela submergerait les hôpitaux espagnols, déjà débordés alors qu'il y a 157.000 cas. De plus, il n'y a pas encore de preuve concluante que les personnes infectées par la COVID-19 sont à l'abri d'une nouvelle infection.
Les syndicats sont pleinement complices de la formulation de cette politique avec Podemos et le PSOE. Vendredi, la ministre du Travail de Podemos, Yolanda Díaz, a rencontré les dirigeants des deux plus grands syndicats espagnols, Unai Sordo des commissions des travailleurs staliniens (CCOO) et Pepe Álvarez de l'Union générale du travail (UGT) sociale-démocrate.
Díaz a qualifié ce sommet de «réunion très productive... il est essentiel que les travailleurs et les entreprises bénéficient de tout le soutien du gouvernement pour les phases suivantes». Les chefs syndicaux ont cyniquement affirmé que leur priorité était de préserver la santé - tout en s'efforçant de renvoyer des millions de travailleurs au travail sans aucune garantie pour la santé et sécurité! Sordo a affirmé que la reprise du travail «devrait être subordonnée à la santé et à la sécurité des travailleurs».
Ce sont aussi des mensonges, car le gouvernement PSOE-Podemos n'a pas de protocole de santé ou de sécurité en place. Le ministre de la Santé, Salvador Illa, a déclaré vendredi que les travailleurs devraient pratiquer la distanciation sociale au travail, utiliser des masques et éviter les transports en commun, si possible. Cependant, ce n'est pas possible, car il y a toujours des pénuries désastreuses d'équipements de protection de base (masques, gants, gels pour les mains, kits de test), et aucun plan convenu pour garantir que les travailleurs puissent maintenir une distanciation sociale sur les lieux de travail industriels.
Les mesures politiquement criminelles du gouvernement espagnol font partie de l'appel de «retour au travail» des marchés financiers et des classes dirigeantes, ordonnant à des dizaines de millions de travailleurs de risquer de contracter une maladie mortelle afin de continuer à assurer des bénéfices à l'aristocratie financière.
En Italie, le pays avec le plus grand nombre de morts de COVID-19, le premier ministre Giuseppe Conte a annoncé vendredi, après des discussions avec les syndicats italiens, que les entreprises commenceraient à rouvrir le 14 avril. Des centaines d'universitaires ont signé une lettre dans le quotidien financier italien Il Sole -24 Ore, dénonçant les consignes d'isolement à domicile: «Les conséquences sociales et économiques risquent de produire des dommages irréversibles, probablement plus graves que ceux causés par le virus lui-même.» En Autriche, le gouvernement permettra aux petits magasins de reprendre leurs activités après Pâques, tandis que la République tchèque prévoit de lever une interdiction de voyager.
Aux États-Unis, le président Donald Trump est le plus ardent défenseur de la réouverture prématurée des entreprises, déclarant cette semaine qu'il serait «agréable de pouvoir ouvrir avec un gros boum, et je pense que nous le ferons bientôt. Je dirais que nous sommes en avance sur le calendrier. »
Une telle politique criminelle crée les conditions d'un affrontement entre la classe ouvrière et l'aristocratie financière profondément corrompue qui a une portée internationale. C'est une vague de grèves sauvages et de débrayages de travailleurs qui a forcé la fermeture d'usines et de bureaux et l'adoption limitée de consignes d'isolement en Espagne, en Italie et aux États-Unis. Selon une enquête en ligne du quotidien barcelonais La Vanguardia, 80 pour cent des personnes en Espagne soutiennent la poursuite du confinement.
Un premier avant-goût de ce que prépare l'aristocratie financière est survenu il y a deux semaines, lorsque le gouvernement Podemos-PSOE a supervisé l'envoi de policiers pour attaquer des métallurgistes en grève qui protestaient contre la reprise de travail aux postes dangereux et non essentiels au Pays basque espagnol.
Vendredi, une travailleuse automobile Renault en Espagne, Miryam Largo, a déclaré à Europa Press que le gouvernement PSOE-Podemos et les syndicats les envoyaient à «l'abattoir». Elle a ajouté: «Nous nous opposerons totalement à ces directives alors que les mesures de confinement se poursuivent et il n'y a aucune indication claire d'une maîtrise de la pandémie de la part de l'OMS.»
Pour s'opposer à la campagne de l'élite dirigeante pour les ramener au travail, les travailleurs ont besoin de nouveaux moyens de lutte, de comités d'action indépendants des syndicats et d'une nouvelle perspective politique.
Le bilan de Podemos a justifié l'opposition de principe du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) aux partis populistes de pseudo-gauche comme Podemos. Ces éléments ne sont pas «de gauche», mais représentent des couches profondément corrompues de la classe moyenne aisée, qui cherchent à préserver leur position en défendant la richesse de l'aristocratie financière. Les syndicats agissent quant à eux comme les principaux agents des capitalistes pour renvoyer les travailleurs au travail malgré la pandémie.
La pandémie pose des tâches urgentes à la classe ouvrière. Tous les postes de travail non essentiels doivent être mis à l'arrêt, et les travailleurs et les travailleurs indépendants rémunérés d'un salaire intégral. Dans des secteurs essentiels comme les soins de santé, l'alimentation et les transports, des mesures d'urgence doivent être mises en œuvre pour garantir la sécurité des travailleurs, y compris la production en série des équipements de sécurité nécessaires. Et une campagne au niveau international doit être coordonnée et organisée pour lutter contre la propagation de la COVID-19 dans le monde.
La lutte pour de telles politiques essentielles amènera la classe ouvrière à une confrontation directe avec Podemos et des partis similaires à l'échelle internationale, posant aux travailleurs la question de la lutte pour le pouvoir politique d'État et mettre en œuvre des politiques socialistes contre la pandémie. La question critique à laquelle est confrontée l'avant-garde des travailleurs en Espagne et dans tous les pays est la construction de sections du CIQI pour que la classe ouvrière se rallie à ce programme.
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(Article paru en anglais le 11 avril 2020)