France-Soir
Le président russe Vladimir Poutine prononce son discours virtuellement, lors du sommet des BRICS 2023 au Sandton Convention Center à Johannesburg, le 23 août 2023.
GIANLUIGI GUERCIA / POOL / AFP
GÉOPOLITIQUE - La dédollarisation, le multilatéralisme ou encore l'adhésion de nouveaux membres ont été les principaux sujets abordés au sommet des BRICS, bloc politique et économique composé de cinq pays "émergents" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Réunis à Johannesburg du 22 au 24 août 2023, les chefs d'État présents se sont accordés hier, mercredi 23 août 2023, pour ouvrir cette organisation à de nouveaux pays. Absent de la plus grande ville sud-africaine, le président russe Vladimir Poutine a prononcé un discours d'ouverture en visioconférence. Il a de nouveau dénoncé les sanctions "illégales" et le gel "illégitime" des avoirs par les États-Unis tandis que son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, a exprimé son inquiétude "quant à l'utilisation croissante des systèmes de paiement internationaux dans les conflits géopolitiques". La Chine, par la voix de son président Xi Jinping, a appelé à "œuvrer en faveur du multilatéralisme".
Si le terme BRIC (pour Brésil, Russie, Inde et Chine) est apparu en 2001, cette alliance politique et économique s'est formée en 2009, au lendemain de la crise financière de 2008. L'hôte de ce 15e sommet, c'est-à-dire l'Afrique du Sud, n'a rejoint le bloc qu'en 2011, renommé "BRICS" à l'occasion. Représentant 31,5% du PIB mondial - devant le G7 qui représente 30% - et 41% de la population mondiale, ce bloc entend constituer une alternative à "l'hégémonie occidentale", sur le plan géopolitique, économique et même financier en prônant une monnaie commune.
Un "ordre mondial multipolaire"
Vladimir Poutine, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, a dépêché son ministre des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, pour le représenter au sommet. Dans son discours d'ouverture, prononcé par visioconférence, il a fustigé les pays occidentaux, l'ONU et son rôle dans la crise des céréales tout en soulignant l'importance des BRICS sur la scène mondiale.
"Les pays [du bloc] défendent la formation d'un ordre mondial multipolaire équitable, dans lequel chaque nation a droit à son propre modèle de développement", a-t-il déclaré. Un modèle opposé à "la volonté de certains pays de maintenir leur hégémonie néocoloniale, qui a conduit à une crise en Ukraine". Une guerre que le président russe a qualifiée de "cruelle", et à laquelle Moscou "veut y mettre fin".
Poutine, qui a une nouvelle fois dénoncé les "sanctions illégitimes et le gel illégal des avoirs" par les États-Unis, est revenu sur l'accord des céréales, expiré à la mi-juillet. "La Russie est délibérément entravée dans l'approvisionnement en céréales et en engrais à l'étranger (...) Cela s'est clairement manifesté dans la mise en œuvre du soi-disant accord sur les céréales, conclu avec la participation du secrétariat de l'ONU", a-t-il martelé. Après avoir exprimé sa "reconnaissance" aux membres des BRICS "qui tentent de parvenir à un règlement juste par des moyens pacifiques", le chef du Kremlin a salué le projet de cette alliance de créer des itinéraires de transport transcontinentaux. Un projet que la Russie, prochaine présidente des BRICS et hôte de son 16e sommet en 2024 à Kazan, devra réaliser.
Cyril Ramaphosa a fait part, dans son discours d'ouverture, de son inquiétude quant "à l'utilisation croissante des systèmes de paiement internationaux comme moyen de pression dans les conflits géopolitiques". Une attitude qui favorise la dédollarisation, particulièrement dans les échanges, opérés en monnaies locales, entre les BRICS et leurs États voisins.
"L'inquiétude" du président sud-africain fait suite à l'exclusion en 2022 de la Russie par l'Occident du système de paiement " Swift" en guise de sanction. Washington utilise également sa devise pour faire pression sur la Russie, en gelant plus de 330 milliards de dollars de sa banque centrale. Selon le Fonds monétaire international, 70% du commerce mondial se fait en dollar américain, qui représente environ 57% des réserves de change mondiales.
À propos des BRICS, le président sud-africain a rappelé que cette alliance "défend les intérêts du Sud et ses membres souhaitent élargir l'interaction avec tous les pays qui s'efforcent d'instaurer un ordre mondial plus inclusif. Le sommet des BRICS est conçu pour servir la cause de la paix et du progrès", a-t-il ajouté.
"Accord" pour l'adhésion de nouveaux membres
Mercredi, sa ministre des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a annoncé un "accord" sur la question de l'élargissement des BRICS. "Nous avons adopté un document qui définit les lignes directrices, les principes et les processus d'examen des pays qui souhaitent devenir membres", a-t-elle annoncé. Pour son président, "un BRICS élargi représentera un groupe diversifié de nations dotées de systèmes politiques différents et partageant le même désir d'un ordre mondial plus équilibré".
Une quarantaine de pays, dont l'Argentine, l'Égypte, l'Algérie ou encore l'Iran et l'Afghanistan ont exprimé leur intérêt à rejoindre cette alliance. Leur adhésion est une nécessité pour le président chinois Xi Jinping. "Les BRICS doivent œuvrer en faveur du multilatéralisme et ne pas créer de petits blocs. Nous devons intégrer davantage de pays dans la famille", a-t-il affirmé. Si Prétoria est préoccupée par l'utilisation des instruments financiers à des fins de pression, Pékin plaide ouvertement pour le développement "d'instruments financiers" propres aux BRICS. Le président chinois a également annoncé la création prochaine par ce bloc d'un institut de recherche sur l'intelligence artificielle (IA).
Présent au sommet, le président brésilien Lula estime pour sa part que "le G7 ne devrait plus exister". Les BRICS, "très forts, politiquement et financièrement", se veulent une alternative qui incarne "un multilatéralisme inclusif". Favorable à l'admission de nouveaux pays, le chef de l'État brésilien a néanmoins insisté sur la satisfaction "des exigences que nous allons discuter à Johannesburg". Celles-ci n'ont pas encore été officiellement détaillées.
Selon plusieurs médias, l'Inde, représentée par son Premier ministre Narendra Modi, et le Brésil restent tout de même sur la défensive quant à de nouvelles adhésions, craignant une perte d'influence au sein du bloc.
Dénoncés sans jamais être nommément cités, tant pour leur devise, leurs sanctions contre Moscou ou leur domination, les États-Unis ont affirmé ne pas voir dans les BRICS de futurs "rivaux géopolitiques". Washington espère maintenir ses "solides relations" avec le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud.