30/12/2016 arretsurinfo.ch  13min #122945

 Quand Internet arrive à la croisée des chemins en matière de liberté d'expression

« Fausses informations » : l'arbuste russe qui cache la forêt israélienne

Tout le cinéma autour du fait qu'Internet serait submergé de « fausses informations » est actuellement entretenu par les pseudo-médias « mainstream », médias qui sont pourtant experts en informations nauséabondes.

Le nom de Judith Miller vous rappelle quelque chose ? Les cris d'orfraie du Congrès américain, qui serait furieux parce qu'on lui aurait menti, ne manquent pas de piquant quand on sait que c'est précisément le gouvernement fédéral qui répand de fausses informations, en collusion avec les médias, pour déclencher des guerres depuis le conflit hispano-américain de 1898, si ce n'est depuis plus longtemps encore.

La saga des fausses informations vise à discréditer Donald Trump, haï des médias principalement parce qu'ils ne sont pas parvenus à le comprendre, ou à comprendre les Américains qui ont voté pour lui aux dernières élections. Quand vous avez tort, vous recherchez un bouc émissaire. Alors, vous diffusez de « fausses informations » pour vous exonérer de votre incapacité à appréhender de simples vérités. Pour ce faire, l'évidence que les médias pilonnaient Donald Trump à la moindre occasion a été en quelque sorte délibérément façonnée en un discours selon lequel ce serait Trump qui  s'attaquerait aux médias. Ce discours suggérait qu'il ne s'agissait que d'autodéfense de la part des Rachel Maddow et consorts. Pourtant, quiconque a vu ne serait-ce qu'une petite partie de tout ce méli-mélo n'a pas manqué de remarquer que c'était le candidat Républicain qui était attaqué de la droite comme de la gauche du spectre médiatico-politique.

On assiste également à la promotion de certains discours secondaires, tels que cet argument largement diffusé selon lequel Hillary Clinton était en quelque sorte la victime des journalistes, en particulier à cause de ragots émanant largement de Moscou en vue non seulement d'influencer les élections, mais de renverser les  institutions démocratiques des États-Unis. Je remarque que si le président Vladimir Poutine avait réellement un objectif aussi ridicule, il n'aurait même pas à lever le petit doigt. Notre propre monde politique bipolaire, les Démocrates et les Républicains, a déjà fait le plus gros du travail en séparant d'une manière constante le peuple américain de l'élite censée le représenter et le servir.

D'autre part, l'autre aspect des lamentations des médias mainstream passé relativement inaperçu est celui qu'ils choisissent de taire. En ce moment, il est quasiment obligatoire d'éreinter la Russie et Poutine à chaque occasion, même si Moscou est militairement trop faible et pauvre pour se permettre d'affronter une puissance mondiale comme les États-Unis. Plutôt que de rechercher une nouvelle Guerre froide, Washington ferait mieux de s'attacher à coopérer avec la Russie, afin que leurs désaccords dans des régions du monde de moindre importance ne dégénèrent pas en conflit nucléaire. En fait, les actions des Russes à leur propre porte en Europe de l'Est ne menacent pas les États-Unis ni aucun de leurs intérêts vitaux. Moscou ne les menace pas non plus dans son intervention au Moyen-Orient pour le compte du gouvernement syrien. Le fait que la Russie soit constamment décrite comme une menace dans ces régions est largement le fait des médias, des comités démocrates et républicains et de la Maison Blanche. Le candidat Donald Trump semble avoir reconnu ce fait avant de prêter une oreille à Michael Flynn, qui a un point de vue assez différent. Espérons que l'ancien Trump gardera le cap.

Jeter le blâme sur la Russie, qui a de bonnes raisons d'être suspicieuse vis-à-vis des intentions de Washington, est particulièrement pratique. En effet, la multitude d'intérêts qui se disputent en-deçà du Beltway ont besoin d'un ennemi suffisamment important pour continuer à faire les poches des contribuables et alimenter les comptes bancaires des escrocs de K-Street et de Capitol Hill. On décrit souvent les néoconservateurs comme des idéologues. En réalité, ils sont plus soucieux d'argent et de pouvoir que de la promotion de leur propre vision du changement de régime mondial.

Toutefois, un autre pays a joué un rôle dans les élections américaines, mis en danger la vie des Étatsuniens vivant ou travaillant à l'étranger et corrompu les appareils législatifs et exécutifs des États-Unis. Ce pays a profité de cette corruption pour impulser une législation favorable à lui-même, promu des guerres inutiles et impossibles à gagner, et enfin, volé la technologie et les secrets militaires des États-Unis. Sa facilité d'accès aux médias mainstream pour répandre sa propre propagande lui assure une couverture pour ses actes, tout cela et bien d'autres choses, au travers d'un lobby intérieur puissant et bien financé qui, curieusement, n'est pas tenu de répondre de ses actes conformément à la loi FARA (Foreign Agents Registration Act) de 1938, bien qu'œuvrant manifestement pour le compte d'un gouvernement étranger. Ce pays, c'est bien entendu Israël.

Cette évaluation d'Israël et de ses méfaits concernant ce que la plupart des Étatsuniens considéreraient comme l'intérêt national n'est jamais mentionnée nulle part, montrant une fois de plus que ce qui n'est pas écrit est tout aussi important que ce qui l'est. J'aimerais relever que ce qui s'est produit récemment sous nos yeux à propos d'Israël ne semble pas digne d'être imprimé et n'apparaîtra jamais dans un éditorial qui ne lui serait pas favorable. Cette semaine encore, le Sénat a voté une  loi de sensibilisation à l'antisémitisme et, par 99 voix à zéro, a  renouvelé et renforcé les sanctions contre l'Iran, ce qui risque de réduire à néant l'accord de non-prolifération nucléaire signé avec ce pays il y a un an.

La loi de sensibilisation à l'antisémitisme vise à donner au ministère de l'Éducation le droit d'enquêter sur tout « incident anti-juif » dans les universités étatsuniennes. De tels « incidents » ne se limitent pas au fanatisme religieux : parmi les exemples cités dans le texte de la loi figurent la critique envers Israël et les affirmations selon lesquelles l'Holocauste serait une « exagération ». C'est une attaque mal déguisée contre le mouvement du BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), non violent, qui ne critique nullement les juifs du point de vue religieux ou ethnique, et qui est d'ailleurs soutenu par de nombreux juifs étatsuniens préoccupés par le régime d'apartheid d'Israël.

La loi contre l'antisémitisme fait des juifs et des intérêts juifs une classe protégée par la loi, à l'abri de toute critique. Dans la pratique, la « libre expression » signifie que vous pouvez en toute tranquillité brûler le drapeau étatsunien, porter les attaques verbales les plus basses contre le christianisme ou blâmer le gouvernement de Washington. Par contre, la moindre critique d'Israël ne saurait être tolérée si vous ne tenez pas à tomber entre les griffes du système juridique. Cette loi est une étape majeure dans la conversion de toute expression de l'opposition aux actes d'Israël en crime de haine. Elle est similaire à une législation punitive qui a été votée dans trente-deux États ainsi qu'au Canada. Fortement soutenue par le lobby israélien, qui l'a probablement élaborée lui-même, elle vise à recourir à la loi pour délégitimer et éliminer toute opposition à la politique de l'État d'Israël.

Cette loi vise clairement à limiter les droits que confère le Premier amendement s'ils sont perçus comme affectant des sensibilités juives définies en termes très larges, et cela devrait suffire pour s'y opposer. Cependant, elle est largement approuvée au Congrès, contrôlé dans les faits par le lobby israélien. Le fait que cette législation ne soit pas condamnée, ou même simplement discutée dans les médias généralement considérés comme libéraux, révèle avec éloquence le pouvoir aux États-Unis d'un lobby particulier, non élu et exonéré de toute responsabilité pour ses actes.

Et puis, il reste toujours l'Iran comme source d'inquiétude. Si les États-Unis parviennent à éviter une guerre avec la Russie, un conflit avec les mollahs aurait des conséquences majeures, même si la toute-puissante armée américaine écrasait les Iraniens en moins d'une semaine. En matière de superficie et de population, l'Iran est un beaucoup plus gros morceau que l'Irak, et possède une forte identité nationale. Une attaque de Washington susciterait une réaction violente. Elle déchaînerait le terrorisme et déstabiliserait pour des années une région du monde économiquement et politiquement importante. L'accord sur le nucléaire avec l'Iran garantit actuellement une certaine stabilité, tout en repoussant l'éventualité d'un programme de construction d'une bombe nucléaire par Téhéran. L'Iran ne menace pas les États-Unis. Dans ces conditions, pourquoi rompre cet accord comme incitent à le faire certains conseillers de Trump ? Ou à l'enfreindre comme le Congrès américain semble le faire en élargissant le champ d'application et en renforçant le régime des sanctions avec la loi qui vient d'être votée en ce sens (Iran Sanctions Extension Act) ? Ne cherchez pas plus loin : là encore, le lobby israélien est à la manœuvre. Israël peut avoir intérêt à mettre des bâtons dans les roues à l'Iran, potentiel concurrent régional qui ne devrait rien avoir à faire avec les États-Unis. Pourtant, là encore, ce sont eux qui passent les plats au régime d'extrême droite de Netanyahu.

Pour sa part, Israël a bien accueilli l'élection de Trump en construisant, dans l'illégalité la plus complète,  500 nouvelles maisons pour des colons dans ce qui était auparavant la Jérusalem-Est arabe. Trump s'est entouré de défenseurs d'Israël et, selon toute probabilité, le Premier ministre Netanhyahu aura les coudées franches pour traiter avec ces sales Palestiniens. J'aimerais croire que Donald Trump lui réserve une mauvaise surprise en privilégiant les vrais intérêts des États-Unis plutôt que ceux d'Israël, mais je ne suis guère optimiste.

En effet, la déférence envers les intérêts israéliens perçus, renforcée par le lobby israélien et les médias imprègne toute la politique étrangère des États-Unis et la structure de leur sécurité nationale. Keith Ellison, un membre du Congrès qui cherche à devenir le président du Comité démocrate national,  est traité d'antisémite pour avoir « laissé entendre que la politique des États-Unis dans la région [le Moyen-Orient] favorise Israël aux dépens des pays majoritairement musulmans, fait remarquer le PDG d'ADL Jonathan Greenblatt, ce qu'il décrit comme " profondément dérangeant et indigne " ». Donald Trump et son conseiller adjoint Steve Bannon ont également tous deux été traités d'antisémites, tandis que plusieurs autres Républicains susceptibles d'intégrer l'équipe présidentielle ont été soumis à l'épreuve décisive de la fidélité à Israël par les médias.

James Mattis, qui vient d'être nommé secrétaire à la Défense et qui peut difficilement être considéré comme un modéré lorsqu'il s'agit de l'Iran, a également été taxé d'antisémitisme par les détracteurs habituels. Pourquoi ? Parce qu'en 2013,  il a déclaré à Wolf Blitzer :

« Il est urgent [d'entamer des pourparlers de paix]. En tant que commandant de CENTCOM, j'ai payé tous les jours le prix de la sécurité militaire parce que les Étatsuniens étaient perçus comme influencés dans leur soutien à Israël. [À cause de cela] les Arabes modérés ne pouvaient pas se ranger à nos côtés parce qu'ils ne pouvaient pas soutenir publiquement ceux qui ne montrent aucun respect envers les Palestiniens. »

Faisant directement référence à l'apartheid israélien, Mattis poursuit :

« Je vous le dis, la situation actuelle est intenable... Nous devons trouver le moyen de mettre en place la solution à deux États que les administrations démocrate et républicaine ont appelée de leurs vœux, mais les chances d'aboutir commencent à s'amenuiser à cause des implantations. Supposez que je sois Jérusalem et que l'implante 500 colons juifs à l'est, là où vivent déjà dix mille Arabes. Si on redessine la frontière pour les inclure, soit [Israël] cesse d'être un État juif, soit vous déclarez que les Arabes n'ont pas le droit de voter. C'est de l'apartheid. Dans le dernier pays où je l'ai vue à l'œuvre, cette pratique n'a pas été très concluante. »

Il ne fait aucun doute que ses remarques seront rappelées à Mattis au moment de sa confirmation au Sénat. Un prédécesseur, Chuck Hagel, a été  impitoyablement mis sur le gril par les sénateurs à la suite de commentaires qu'il aurait faits sur l'intimidation des membres du Congrès par le « lobby juif ». Ironiquement, quasiment quiconque n'est pas en faveur de l'hégémonie d'Israël et est impliqué dans la politique étrangère et de sécurité US sait que la colonisation agressive par les Israéliens de la Cisjordanie et son siège de Gaza contribuent largement au terrorisme contre les États-Unis, Washington étant régulièrement critiqué pour son soutien à Netanyahu. Lorsque le général David Petraeus a tenu quasiment  les mêmes propos que Mattis en 2010, il a été sommé d' « expliquer » ses commentaires, de les retirer puis de se mettre à plat ventre avant de recevoir un sauf-conduit du Lobby.

On constate également une autocensure considérable quant à la prétendue sensibilité des « questions juives », et pas seulement dans les médias. Il y a peu, j'ai assisté à une conférence sur l'invasion de l'Irak en 2003, où le rôle d'Israël, qui s'est manifesté par le truchement de son troupeau de législateurs et de bureaucrates étatsuniens dans leur décision de faire la guerre, n'a même pas été mentionné. On avait l'impression que cela aurait été impoli ou, si j'ose dire, antisémite, bien que le rôle des Israéliens soit à peine dissimulé. L'ancien haut fonctionnaire de l'administration Bush Philip Zelikow  a admis que la protection d'Israël était la principale raison de l'invasion de l'Irak par les États-Unis. D'autres ont estimé que, sans l'insistance constante des néo-cons et d'Israël, Washington n'aurait peut-être pas fait la guerre du tout.  Il semble que l'ancien secrétaire d'État Colin Powell en ait également acquis la conviction par la suite.

Cessons donc de parler de ce que la Russie fait aux États-Unis, ce qui est très peu en termes relatifs, et commençons par admettre que la déférence totalement disproportionnée envers Israël est le problème central de la politique étrangère étatsunienne. Les médias s'en chargeront-ils ? Aucune chance. Ils préfèrent faire une obsession sur les fausses informations et accuser Poutine.

 PHILIP GIRALDI - DECEMBRE 6, 2016

Source :  unz.com

Traduction:  egaliteetreconciliation.fr

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