The Intercept, magazine d'investigation en ligne*, apporte les preuves : Facebook a passé un accord avec la ministre la plus extrémiste et raciste du gouvernement israélien, Ayelet Shaked, en charge du portefeuille de la "justice" et s'est engagé à censurer tous les posts qui ne plaisent pas à Israel.
Comme le révélait The Intercept et le rapportait The Guardian, une délégation de Facebook et le gouvernement israélien se sont rencontrés en septembre 2016. L'objectif de cette entrevue : pousser Facebook à censurer les posts "incitant à la violence", et avant tout ceux des militants palestiniens qui protestent contre l'occupation israélienne.
Suite à cette rencontre, il semble désormais clair que le gouvernement israélien et Facebook ont trouvé un arrangement. En effet, la ministre israélienne de la Justice, Ayelet Shaked, a déclaré que Tel-Aviv avait soumis 158 demandes afin de faire retirer des contenus considérés comme incitant à la haine. Selon elle, Facebook aurait accepté 95 % des demandes.
Des centaines de Palestiniens arrêtés pour leurs posts Facebook
Dans les semaines suivant cet accord, le « collective Palestinian Information Center » a également constaté qu'au moins 10 comptes des administrateurs de leurs pages Facebook en arabe et en anglais suivies par plus de 2 millions de personnes ont été suspendus, et sept d'entre eux de façon permanente.
En mars 2017, Facebook a également brièvement fermé la page du Fatah, pour le post d'une ancienne photo de Yasser Arafat tenant un fusil.
L'étendue de cette censure est détaillée dans un rapport publié par le Centre palestinien pour le développement et les libertés des médias (MADA). Celui-ci liste une vingtaine de comptes de journalistes et d'activistes pro-palestiniens suspendus ainsi que la fermeture de pages du même type.
« Israël ne veut pas que le récit des violations commises dans les territoires occupés atteigne une audience mondiale », assure, sur Al Jazeera, Musa Rimawi, le directeur du MADA.
Une branche de l'armée israélienne pour recueillir des renseignements en ligne et surveiller les mots-clés sur les réseaux sociaux
D'ailleurs, parmi les comptes supprimés par Facebook figurent des membres de deux agences qui couvrent l'information quotidienne dans les territoires palestiniens occupés. Quatre éditeurs de l'agence de presse Shehab, qui compte plus de 6,3 millions de « likes » sur Facebook, et trois cadres du Quds News Network, avec environ 5,1 millions de « likes », avaient déclaré en 2016 ne pas avoir accès à leurs comptes personnels.
Dans la longue liste des pages supprimées par Facebook à la demande d'Irael, on peut aussi citer : Palestinian Dialogue Network (PALDF.net) Gaza now, Jerusalem News Network, Radio Bethlehem 2000, Orient Radio Network, page Mesh Heck, Ramallah news, celle du journaliste Huzaifa Jamous d'Abu Dis, celle des militants Qassam Bedier, et Mohammed Ghannam, du journaliste Kamel Jbeil, les comptes de Al Quds Page, ceux de Abdel-Qader al-Titi, des jeunes activistes Hussein Shajaeih, Mohammad Za'anin, Amer Abu Arafa, ou encore Abdulrahman al-Kahlou).
Une censure qui s'étend de façon générale aux citoyens palestiniens. Des centaines d'entre eux ont été arrêtés par Israël pour leurs posts Facebook, même pour de simples messages qui critiquent la domination israélienne mais ne soutiennent pas explicitement la violence. Une branche de l'armée israélienne serait d'ailleurs spécialement chargée de recueillir des renseignements en ligne et de surveiller les mots-clés sur les réseaux sociaux.
Le 11 octobre 2015 par exemple, Dareen Tatour, 34 ans, Palestinienne possédant la citoyenneté israélienne, a été arrêtée pour ses messages sur Facebook. Elle avait, entre autres, publié un poème intitulé « Résistez mon peuple, résistez leur. »
Et le11 juillet 2016, comme le rapporte The Intercept, le centre juridique israélien Shurat HaDin a même poursuivi Facebook devant un tribunal fédéral américain au nom des familles de citoyens américains tués par des assaillants palestiniens en Israël. Pour Shurat HaDin, Facebook aurait « sciemment » apporté un soutien matériel au Hamas parce que le groupe militant palestinien « a utilisé et compté sur la plateforme et les services de communication de Facebook » pour perpétrer des actions terroristes.
Une plainte qu'un porte-parole de Facebook a jugée « sans fondement. » Les militants palestiniens se défendent également. Pour eux, ce n'est pas tant les réseaux sociaux qui incitent à la violence, mais ce sont surtout les discriminations et l'occupation israélienne dont ils sont victimes depuis des décennies.
Un discours de haine envers les Arabes propagé sur les réseaux sociaux :
En revanche les posts israéliens qui appellent à la violence contre les Palestiniens ou les Arabes, ne sont généralement pas mis en cause par Facebook.
Il est pourtant très courant que les Israéliens se servent de Facebook pour inciter à la violence, appeler au meurtre de Palestiniens.
Et le discours de haine contre les Arabes en général a pris de l'ampleur sur Facebook. Des vidéos sur YouTube et Facebook montrent des centaines de foules israéliennes en colère qui chantent, « Mort aux Arabes. » Une autre vidéo montre aussi un juif israélien attaquant un Palestinien dans un bus public et criant : « De sales Arabes, des enfants de sales meurtriers. »
Pourtant, l'état hébreu semble convaincu que seuls les post d'opposants palestiniens sont une réelle menace à la sécurité.
par Glenn Greenwald
Source : theintercept.com
- Lancé en février 2014 par Glenn Greenwald, l'ex-journaliste du Guardian à l'origine des révélations d'Edward Snowden, ce magazine d'investigation en ligne se veut le fer de lance du groupe First Look Media, un projet financé par le fondateur d'eBay, Pierre Omidyar.
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