06/04/2018 5 articles dedefensa.org  13 min #139803

Vladimir Poutine : «L'Etat islamique en Syrie a été vaincu»

Trump-Syrie : aller-retour en attendant la suite

A chaque jour suffit sa peine, c'est-à-dire le démenti du jour d'avant, avant d'entamer probablement un nouveau démenti pour le jour suivant. C'est sans aucun doute le cas de cet incroyable patchwork qu'on voudrait bien, dans un souci de compassion, désigner sous le nom de "politique syrienne" des États-Unis. Après les déclarations, plusieurs fois répétées en public, du président Trump sur sa décision ferme et définitive de rapatrier les troupes US déployées en Syrie "le plus vite possible", voilà qu'on apprend que le même à dû reculer devant l'opposition principalement du Pentagone, ou du DeepState selon l'humeur qu'on en a.

Dans tous les cas, il est remarquable que ce nouveau tournant ait été effectué quasiment au grand jour puisque les circonstances, les oppositions et l'humeur extrêmement contrariée de Trump sont toutes décrites dans plusieurs textes, avec notamment NBC qui a obtenu des confidences d'un participant à une réunion du National Security Council au cours duquel la nouvelle décision fut prise. Il s'agit de circonstances sans surprise : Trump s'est trouvée face à l'opposition habituelle de la bureaucratie fondée sur des arguments fallacieux et des nécessités opérationnelles aussi vagues qu'imprécises. Au moins, il n'y a en cela rien de nouveau, et il n'est nul besoin d'en appeler à l'exceptionnalitéde la présidence Trump et aux intrigues du DeepState pour découvrir une situation de cette sorte. C'est un cas classique de blocage d'une décision présidentielle par l'inertie bureaucratique, comme en ont connu nombre de présidents dans différentes occurrences dans le passé. On a pu au moins avoir des échos de la fureur de Trump, - là aussi à l'exemple de précédents présidentiels, - devant l'impuissance de l'autorité suprême face à la puissance extraordinaire de l'inertie bureaucratique.

 ZeroHedge.com fait un résumé de ces diverses circonstances...

« Laissons-les en [Afghanistan Irak] Syrie "un peu plus longtemps", a déclaré jeudi le Pentagone à propos de la présence des troupes américaines dans le pays déchiré par la guerre après un débat féroce au sein de l'administration la semaine dernière sur l'annonce du président Trump du retrait des forces américaines. [...] Selon  Reuters :

» "La politique militaire américaine visant à combattre les militants de l'État islamique en Syrie reste la même après des discussions avec le président Donald Trump cette semaine et l'armée n'a pas reçu de calendrier pour le retrait des troupes, a annoncé jeudi le Pentagone.

» Trump a accepté lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale cette semaine de garder les troupes américaines en Syrie un peu plus longtemps pour vaincre l'Etat islamique mais il veut qu'elles soient retirées relativement vite, a déclaré mercredi un haut responsable de l'administration." [...]

» [...I]l semble que les bureaucrates du "Deep State", dont ceux des grands ministères de sécurité nationale qui paraissent toujours manquer d'une intervention aventuriste militaire à se mettre sous la dent l'ont emporté une fois de plus. [...]

» Depuis près de six mois, l'EI a été largement reconnu comme ayant subi une défaite totale et écrasante dans toutes les grandes villes, notamment Deir Ezzor et Raqqa, ce qui a été confirmé par les autorités militaires syriennes et russes. Des restes dispersés isolés de la résistance de l'Etat islamique semblaient être les seules références à partir desquelles on pourrait encore évoquer une "menace-fantôme" de Daesh... »

Mais tout à brusquement changé : « Désormais, il suffit que les bureaucrates et les commentateurs de la presseSystème évoquent simplement "Daesh !" pour disposer d'un argument sans réplique pour clairement plaider pour une occupation perpétuelle de la Syrie. Cela, en dépit de Trump qui a encore en mémoire les affirmations impératives de ces six derniers mois de ses généraux affirmant que Daesh était écrasé... [...]

» Le Pentagone est désormais très incliné à ressusciter Daesh, [NDLR : 'Daesh, le retour', si l'on veut] dans les psychologies. Trump aurait été extrêmement frustré par la réticence du Pentagone à fournir un calendrier précis de retrait.  Selon NBC, citant un membre du cabinet décrivant la réunion du Conseil de sécurité nationale de cette semaine sur la Syrie: "L'officiel cité a décrit Trump comme frustré et exaspéré par la situation et les réponses qu'il recevait de son équipe. 'Il n'était pas ravi à ce sujet, pour dire le moins', a déclaré un responsable.

» "Le secrétaire à la Défense James Mattis et d'autres hauts responsables ont fait savoir à Trump que le combat contre l'État islamique était presque terminé mais qu'un retrait complet des forces américaines risquerait de perdre les gains obtenus par les Etats-Unis dans la lutte. [...]

» "Lorsque ses conseillers lui ont dit qu'ils avaient besoin de plus de temps pour mener à bien la mission et sécuriser les gains qu'ils ont réalisés, Trump a exigé de savoir combien de temps encore... 'Si vous avez besoin de plus de temps, de combien de temps s'agit-il ? Six mois ? Une année ?'... On lui a répondu qu'on ne pouvait pas fixer de délai pour vaincre les forces restantes de Daesh et entraîner les forces locales à maintenir leurs gains après le départ des États-Unis..."[...]

» Maintenant que Trump a cédé à l'exigence du Pentagone de rester en Syrie, il sera intéressant de voir combien de temps durera ce "un peu plus". Allons-nous avoir la même discussion pendant 17 ans ? »

La dernière question du texte, à l'ironie évidente, n'est pourtant qu'à moitié justifiée, parce que si les processus de blocage de la bureaucratie sont similaires, la situation qui est en cause ne ressemble à aucune autre parmi les exemples récents (depuis 9/11), et même avant en un sens. En effet, en invoquant des précédents, on a invoqué en vérité des précédents officiellement actés, catalogués, publics, où des interventions US, avec leurs habituels caractères (illégalité, brutalité, etc.), avaient été décidées en tant que telles, d'une façon structurée, puissante, etc.

La Syrie c'est différent, ce n'est ni l'Afghanistan, ni l'Irak, ni même la Libye. Il y a "intervention" de facto mais pas stricto sensu. Avant les prémisses de la discussion qui a éclaté ces dernières semaines, les officiels américanistes ne reconnaissaient pas officiellement la présence de boots on the ground US en Syrie. Aujourd'hui, la chose est reconnue, et il apparaît évidemment qu'elle est fragile : les soldats US, n petit nombre (2.000) sont là en tant que "conseillers", "soutiens", aides à l'offensive aérienne, etc. Leurs équipements sont mobiles, légers, voire complètement intégrés dans la quincaillerie habituelle des groupes innombrables qui s'affrontent en Syrie(du type 4x4 Toyota). Il n'y a pas de chars, pas d'unités importantes, pas d'"invasion" à proprement parler même s'il y a une sorte de "contrôle" d'une partie du territoire.

Cette situation était une force mais c'est en passe de devenir une faiblesse. C'était une force, surtout lorsque la présence US n'était pas officiellement reconnue, pas formellement identifiée, à mi-chemin entre forces spéciales, mercenaires civils, officiers de la CIA, etc., tout ce personnel bariolé qui peut se fondre dans des groupes divers plus ou moins djihadistes, kurdes, etc. Cette fiction est terminée, quelles que soient le type de forces effectivement présentes. Les décisions de retrait de Trump, l'intervention du DeepState pour contrer ces décisions, l'humeur exécrable et la rancœur qui va avec de Trump n'ont pas clos un débat qui n'existait pas auparavant, ils ont ouvert un débat sur la présence désormais officielle de forces US en Syrie, alors qu'elles ne sont nullement en position de force selon l'entendement habituel d'un fort soutien logistique et matériel. C'est désormais une faiblesse.

Il n'est nullement assuré que Trump accepte cette situation, et sa défaite. Il s'est engagé, il a été contré mais il reste prêt à remettre sur la table cette affaire selon l'évolution sur le terrain ; parce que le personnage, s'il est isolé et affaibli face à la bureaucratie, reste avec sa personnalité entêtée et narcissique tout en disposant des pouvoirs d'un président, et ne déteste rien de plus que cette image de son pouvoir humilié par les forces bureaucratiques. Ce qui soutient l'engagement US en Syrie, ce n'est pas la puissance de cet engagement mais la puissance des forces bureaucratiques de Washington. On peut se poser la question de l'évolution de la situation à Washington si, en Syrie, les forces US présentes rencontraient les difficultés, subissaient des pertes désormais visibles, se trouvaient visées par des groupes de guérilla.

Ces hypothèses ne sont pas faites gratuitement. On pense aux rumeurs qui courent depuis quatre-cinq jours, selon lesquelles des forces US subiraient des attaques directes et essuieraient des pertes. Ce ne sont que des rumeurs et le site SouthFront.org, très bien renseigné,  s'en fait l'écho, tout en montrant la plus extrême prudence sur le crédit qu'il faut apporter à ces rumeurs...

« Le 2 avril et le 3 avril, des rumeurs ont circulé en ligne, alléguant que la coalition dirigée par les États-Unis avait subi de lourdes pertes en Syrie. Selon ces rapports :

1.) Un groupe pro-gouvernemental "Forces Nationales de Résistance", qui soutiendrait prétendument le gouvernement Assad, a bombardé une base militaire américaine dans la région de Raqqah avec des roquettes Grad.

2.) Le 30 mars, une colonne militaire américaine aurait été la cible d'un engin explosif improvisé sur la route entre al-Hasakah et Tell Abyad. Des rapports affirment que deux voitures ont été détruites, six militaires américains tués et huit autres blessés dans l'incident. Des groupes locaux d'"autodéfense" agissant contre l'occupation américaine auraient mis en place et actionné l'IED.

3.) Une autre colonne militaire américaine aurait été attaquée et harcelée par des mitrailleuses lourdes sur la route entre Manbij et Raqqa, également le 30 mars. L'attaque aurait eu pour résultat la mort de deux soldats US tandis que 8 autres auraient été blessés.

4.) Le 1er avril, 7 mercenaires américains ont été tués et 10 autres blessés lors d'une attaque menée par 4 hommes armés à Al-Shaddadah.

Initialement, ces rapports sont apparus dans quelques chaînes de Telegram russes se référant à certaines sources locales, puis ont été répétés par un certain nombre de blogs et de médias visant à obtenir des points de vue supplémentaires et d'attention. Cependant, tous ces rapports manquaient de preuves photographiques ou vidéo pour confirmer les victimes présumées parmi les militaires américains. »

Après ces premières publications (celle qu'on a citée et  l'une et  l'autre qui l'accompagnent), SouthFront.orga  publié un commentaire assez bref mais néanmoins circonstancié qui examine effectivement la possibilité de l'existence de ces groupes "de résistance à l'occupation américaine". Quoiqu'encore extrêmement prudent, comme ce site a l'habitude de faire en recoupant ses informations, SouthFront.org envisage plus nettement la possibilité de l'existence, ou de la mise sur pied d'un tel mouvement de résistance.

« SouthFront n'a pas été en mesure de vérifier[la déclaration d'un groupe se désignant lui-même comme "Résistance Populaire à al-Hasakah"] ou de trouver des comptes liés au nouveau groupe sur les médias sociaux. Cependant, la déclaration a été publiée par plusieurs sources crédibles sur Facebook. Un groupe similaire, sous le nom de "Résistance populaire en Syrie orientale", a été formé il y a quelques mois dans la ville de Raqqa. Récemment, le mouvement a affirmé avoir mené plusieurs opérations militaires contre la coalition menée par les États-Unis et les Forces démocratiques syriennes à dominance kurde (SDF).

» La résistance populaire en Syrie orientale a même publié une vidéo,  le 3 avril, qui aurait montré l'une de ses cellules dans le gouvernorat de Raqqa bombardant une base de la coalition dirigée par les États-Unis avec des mortiers. Cependant, la vidéo n'a pas été vérifiée.

» Les militants pro-gouvernementaux syriens estiment que ces "mouvements de résistance" sont davantage des "groupes de relations publiques" car ils n'ont pas encore mené d'attaques sérieuses. Malgré cela, l'existence de tels mouvements prouve que de nombreux Arabes dans l'est de la Syrie sont contre le déploiement américain dans le pays et l'administration kurde, qui contrôle maintenant la plupart des zones arabes dans les gouvernorats d'al-Hasakah et de Raqqa.

» Il est intéressant de noter que l'apparition de tels groupes a contribué aux rumeurs circulant et aux spéculations sur de nouvelles victimes américaines en Syrie. Les activistes des médias et les blogs, qui propagent ces rumeurs, ont affirmé que les groupes locaux de "résistance" étaient derrière une série d'attaques meurtrières contre les forces américaines. Cependant, aucune preuve n'a été fournie... »

Encore une fois, nous nous appuyons sur un site qui, tout en prenant nettement le parti anti-djihadiste et anti-US, utilise une méthodologie extrêmement rudente à partir de sources pourtant extrêmement crédibles. C'est pour cette raison que nous prêtons tant d'attention au mouvement qu'il décrit comme une possibilité, qui apparaît dans le but affiché de s'attaquer spécifiquement aux "occupants US". Il s'agirait d'une donnée entièrement nouvelle en Syrie où, jusqu'ici, le seul objectif "stable" était le gouvernement Assad, le reste étant emporté dans un "tourbillon crisique" où les alliances et les antagonismes se font et se défont, où les intérêts étaient perçus de façon indirecte et complexe, etc. Le mouvement que détecte avec prudence SouthFront.org, et qui reste largement à être confirmé, reprend pour la première fois depuis longtemps, et pour la première fois dans le conflit syrien, une dialectique anti-impérialiste classique ("US, go home")alors que les forces US sont dans une posture légère, très mal équipées pour résister à de telles pressions.

C'est à ce point effectivement que se situe l'interrogation apparue plus haut : "On peut se poser la question de l'évolution de la situation à Washington si, en Syrie, les forces US présentes rencontrent les difficultés, subissent des pertes désormais visibles, se trouvent visées par des groupes de guérilla." Et l'on notera bien que cette question porte, non pas tant sur la situation des forces US en Syrie mais sur la situation à Washington même, notamment entre Trump et les bureaucrates qui lui imposent pour l'instant de mettre de côté son projet de retrait de Syrie.

Et pour en finir, nous dirions qu'il est bon, qu'il est excellent, que l'injonction initiale de Trump ("retirez les forces de Syrie, et vite !"), qui représente une simple réaction des conceptions classiques (freiner les dépenses jugées inutiles) de ce type de personnalité, - et en rien une stratégie, car Trump ne sait pas vraiment où il va et il s'en fiche d'ailleurs, - il est bon que cette conception initiale ait été contrée. Cela ouvre la porte à une réaction antiaméricaniste sur le terrain, maintenant que des forces US à très faible rendement se trouvent dans une posture de très grande visibilité. Cela ouvre la porte à des difficultés possibles pour les forces US sur le terrain, avec effets à mesure à Washington, et notamment un Trump remettant sur la table son projet de retrait.

Trump est toujours dans son rôle de "faiseur de chaos-Trumpiste", où il importe avant tout qu'il ne réussisse pasdans ses meilleures suggestions, pour que les effets de la  politiqueSystème d'entropisation des USA soient directement confrontés à des réactions extrêmement dommageables. On ne doit pas perdre de vue que le seul but concevable, c'est l'entretien et l'accélération du désordre à Washington, - ditto, le  chaos-Trumpiste.

Mis en ligne le 6 avril 2018 à 16H43

 dedefensa.org

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