07/07/2019 13 articles wsws.org  7 min #158828

Syriza compte rendre le pouvoir à la droite grecque aux élections du 7 juillet

Par Alexandre Lantier
7 juillet 2019

Après avoir pris le pouvoir en promettant de mettre fin à l'austérité puis trahi ces promesses en imposant la plus grande série de mesures d'austérité européennes de l'histoire grecque, Syriza (la «Coalition de la gauche radicale») se prépare à une défaite majeure demain. Les sondages laissent entrevoir une platte défaite du premier ministre Alexis Tsipras par le candidat de la Nouvelle démocratie (ND), Kyriakos Mitsotakis.

ND a battu Syriza à 33 contre 24 pour cent dans les élections européennes de mai, et à nouveau lors des régionales. ND a remporté 12 des 13 régions du pays, y compris celles des deux plus grandes villes, Athènes et Salonique. Selon les sondages, ND devrait battre Syriza avec une marge similaire aux législatives, que Tsipras a convoquées 4 mois plus tôt que prévu, juste après les européennes.

A travers ces élections anticipées, Tsipras cherche à rendre le pouvoir à des forces fascisantes sur fond de colère sociale des travailleurs contre la politique réactionnaire de son parti petit bourgeois.

En demandant au président Prokopis Pavlopoulos de dissoudre le parlement, Tsipras lui a dit que la défaite de Syriza aux européennes avait «créé une situation de période pré-électorale prolongée de 4 mois. J'ai l'obligation d'envisager que ceci pourrait menacer l'économie nationale.... Vu que nous entrons dans un cercle vertueux, il ne faut pas l'altérer, car ceci signifierait que les sacrifices du peuple grec seraient mis en danger. Avec pleine conscience de mes responsabilités, je vous demande de dissoudre le parlement et d'appeler des élections nationales pour renouveler le mandat.»

Sa déclaration que les nouvelles élections auraient pour but d'obtenir un «mandat» démocratique pour la politique officielle est aussi frauduleuse que celle, il y a 4 ans, qu'il mettrait fin à l'austérité. En fait, sa propre déclaration explique qu'il organise les élections pour empêcher qu'une campagne électorale prolongée ne révèle l'impopularité et l'illégitimité de la politique qu'il a menée, de pair avec l'Union européenne (UE) et la bourgeoisie grecque, contre les travailleurs.

Syriza a perdu aux européennes alors qu'une vague de luttes à travers l'Europe démontre à nouveau que sa capitulation à l'UE n'a aucune légitimité. Des manifestations en Grèce de jeunes et des grèves de marins, de dockers, des ferries, des cheminots, des musées et des hôpitaux se déroulent sur fond de résurgence internationale de la lutte des classes. Il y a eu la première grève nationale des enseignants polonais depuis la restoration stalienne du capitalisme en 1989, les «gilets jaunes» en France, et des grèves contre les gels de salaires par l'UE en Allemagne, au Portugal et en Belgique.

Tsipras a réagi en s'empressant de rendre le pouvoir à Mitsotakis, qui veut continuer l'austérité et intensifier les opérations de police visant la population grecque.

En campagne dans le nord du pays en juin, Mitsotakis a expliqué à la presse qu'il rassurerait les marchés financiers en se faisant élire rapidement et puis en imposant le diktat des banques sans craindre d'éventuelles retombées électorales pendant longtemps: «La principale précondition pour doper la croissance est un gouvernement stable, une majorité forte au prochain parlement. Si nous y arrivons, et je suis très optimiste, je crois que nous lancerons un signal très clair qu'on a quatre ans sans élections supplémentaires pour réussir dans nos projets.»

L'autre composante de l'avenir prévu par Mitsotakis est une escalade draconienne de la répression: «Nous renforcerons la police, qui doit bien faire son travail. Il faut protéger les policiers, il faut qu'il y ait davantage d'activité des policiers au centre d'Athènes. Pour le prochain gouvernement, la sécurité sera une priorité politique.... Les chefs de police dont les troupes pénétreront dans des zones adverses seront récompensés.»

Thanos Plevris, un député de l'Alerte orthodoxe populaire (LAOS) qui a depuis rejoint ND, indique de quoi parlent Tsipras et Mitsotakis. Le fils d'un dirigeant de la junte des colonels qui a dirigé la Grèce de 1967 à 1974, il a tourné une vidéo une nuit sur la place Exarcheia, au coeur du quartier d'Athènes qui s'est soulevé en 1974 pour renverser ce régime militaire soutenu par la CIA. Dans cette vidéo, Plevris s'est fait l'écho des menaces de Mitsotakis: «Le 8 juillet, nous rendrons cette place au peuple. Ce sera la fin de l'illégalité et des zones de non-droit.»

Depuis 4 ans, Syriza impose l'austérité, foulant aux pieds le «non» massif à son propre référendum sur l'austérité en juillet 2015. A l'époque, Tsipras cherchait un prétexte pour démissionner et rendre le pouvoir à la droite. Surpris par le «non» auquel il ne s'attendait pas, Tsipras est resté au pouvoir pour imposer des dizaines de milliards d'euros en attaques sociales, envoyer des armes à la guerre saoudienne au Yémen, et construire des camps de concentration en Grèce pour des réfugiés qui fuyent les guerres au Moyen Orient.

Syriza, une coalition de tendances petite-bourgeoises, staliniennes ou pablistes, inspirée par les théories populistes postmodernes de Chantal Mouffe et saluée par la «gauche» petite-bourgeoise à l'international, s'est révélée être un instrument politique de l'UE et de la bourgeoisie grecque. Ce fait aura des conséquences, sur fond de résurgence de la lutte des classes, qui vont bien plus loin que les calculs politiques à court terme de la classe politique grecque et européenne.

Le régime parlementaire établi après la chute de la junte grecque en 1974 ne sert que de couverture au diktat des banques. Face à la colère sociale qui monte parmi les travailleurs, de larges sections de la classe dirigeante appellent à abandonner leurs prétensions démocratiques et revenir aux régimes autoritaires qui prédominaient en Europe du Sud comme en Asie de l'Est au début des années 1970.

Dans un article intitulé «Nouvelle voie pour une nouvelle ère», un reporter du journal de droite Kathimerini écrit: «Où regarder? Ironiquement, on peut apprendre des choses des autocrates.... En travaillant en Asie alors que les 'tigres' de la Corée du Sud, le Taïwan, Hong Kong et Singapour commençaient à rugir, j'ai vu une forte croissance gérée par des dirigeants visionnaires qui étaient en pseudo-démocratie.»

D'autres sections de la bourgeoisie, d'apparence plus réfléchies, proposent de continuer à se servir de Tsipras pour contrôler l'opposition des travailleurs, et ainsi continuer à imposer l'austérité qui a transféré des milliers de milliards d'euros dans les poches des super-riches depuis le krach de 2008.

Le Financial Times, la voix du capital financier européen à Londres, a publié un article intitulé «Les prochaines élections posent de gros risques aux investisseurs.» Observant qu'une victoire de ND «pourrait faire exploser la volatilité», le FT a souligné les services rendus par Syriza: «Tsipras a pu imposer de dures mesures presque sans troubles sociaux ces dernières années. Ceci n'aurait pas été le cas sous un gouvernement de droite. Donc les investisseurs doivent savoir qu'un gouvernement ND sous Mitsotakis risque de provoquer la volatilité à court terme et des troubles sociaux.»

Le côté positif de l'affaire, pour le FT, est que la décision de Syriza d'organiser des élections «va mettre Tsipras dans le rôle pour lequel il a le plus de talent: celui de chef de l'opposition.»

Donc le FT se fait le stratège des sections de la bourgeoisie qui espèrent que les luttes resteront sous contrôle des appareils syndicaux nationaux et leurs alliés petit-bourgeois, comme Syriza. Ceci garantirait que les luttes seraient isolées et trahies, et que les États policiers qui se développent à travers l'Europe pourraient se consolider. En effet, on peut supposer que ce calcul a inspiré la décision de Tsipras d'organiser de nouvelles élections qui vont le faire revenir dans l'opposition.

La voie pour aller de l'avant, comme l'explique le Comité international de la IVe Internationale, est une rupture politique avec Syriza et tous les partis de pseudo-gauche de ce type, et la construction de comités d'action indépendants pour mener la lutte des classes. Seul la mobilisation politique de l'opposition à l'austérité et au capitalisme des travailleurs européens et internationaux, fondée sur un programme révolutionnaire pour le socialisme et le pouvoir ouvrier, peut fournir une alternative aux politiques réactionnaires de Syriza et de la classe dirigeante grecque.

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Le peuple grec après celui d'Italie ou du Brésil vient de répéter donc quelques règles de grammaire politique dont les dirigeants des partis politiques, y compris chez nous, ne semblent pas comprendre.

1- Quand la gauche fait une politique de droite elle perd.
Renzi ou Rousseff, pour reprendre nos deux exemples, en ont fait l'expérience.

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Grèce : L'introuvable « retour à la normalité » sur fond de faillite historique de ses gauches ! ...

Kyriákos Mitsotákis - nouveau premier ministre de Grèce (cc - kremlin)

Presque unanimement, tant les médias grecs et internationaux que les leaders des principaux partis grecs ont commenté les résultats des élections du 7 juillet 2019 en célébrant "le retour à la normalité" du pays dont la crise a défrayé la chronique européenne pendant la dernière décennie. Retour donc à la normalité car l'addition des scores de Nouvelle Démocratie (39.9 %) et de Syriza (31,4 %) donne un écrasant 71,3 % en faveur du bipartisme qui semble revenir en force après un intermède chaotique qui a vu des masses de citoyens abandonner les partis de leur vieux bipartisme traditionnel et se déplacer pratiquement d'une extrémité à l'autre du paysage politique en des temps record ! Et aussi, quelle meilleure preuve de la réalité de ce retour à la normalité que l'absence des députés de la très néonazie Aube Dorée des bancs du nouveau Parlement hellénique, ce qui annoncerait (?) la fin de ce pur produit d'une période agitée, mais désormais révolue...

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ND a reçu 39,7 pour cent du vote, et SYRIZA 31,6 pour cent.