07/12/2019 4 articles reporterre.net  11 min #165641

Cop25 : les négociations internationales sur le climat s'enlisent

La 25e conférence des Nations unies sur le climat (COP25) se déroule à Madrid depuis le 2 décembre. Mais les négociations n'avancent pas, tout semble bloqué, alors que l'urgence climatique est toujours plus grande. Comme l'ont rappelé plusieurs centaines de milliers de manifestants vendredi soir.

La 25e Conférence des parties (COP25) se déroule depuis le 2 décembre et jusqu'au 13 à Madrid, en Espagne. Un an avant la COP26 à Glasgow, cruciale, elle doit amorcer une dynamique ambitieuse et collective contre le changement climatique. Après une semaine de négociations, les différentes parties sont loin d'y parvenir.

« Il n'y a jamais eu un moment plus important pour écouter la science, a déclaré lundi, en ouverture de la COP25, le Secrétaire général des Nations unies António Guterres. Ne pas tenir compte de ces avertissements et ne pas prendre de mesures drastiques pour inverser les émissions signifie que nous continuerons d'être témoins de vagues de chaleur mortelles et catastrophiques, de tempêtes et de pollution. » Le Climate Vulnerable Forum, un partenariat mondial regroupant des pays fortement touchés par les conséquences du réchauffement de la planète a exhorté les États du monde à rehausser immédiatement leurs engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris.

Adopté en 2015, ce traité visait à contenir le réchauffement climatique « bien en-dessous » de 2 °C par rapport à l'ère préindustrielle, afin de limiter les perturbations du système Terre. Or, les promesses actuelles des États (exprimées en contributions déterminées au niveau national, ou NDC) suivent une trajectoire conduisant à un réchauffement supérieur à 3 °C. Et elles ne sont même pas tenues : selon les auteurs du Global Carbon Project, les émissions mondiales de CO2 ont encore augmenté de 0,6 % en 2019.

Le cycle de renouvellement de ces promesses est prévu tous les cinq ans. La prochaine échéance ? La COP26 à Glasgow, en 2020. Dans moins d'un an. « Face au changement climatique, le monde a besoin qu'un capital politique fort soit engagé dès cette COP 25, pour relever les promesses d'ici à Glasgow », résume Lucile Dufour, du Réseau action climat.

Les plaidoiries d'António Guterres et du Climate Vulnerable Forum n'ont, à l'heure actuelle, pas été suivies des « mesures drastiques » escomptées. « Malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de mouvement cette semaine, déplore Armelle Le Comte, d'Oxfam. Les négociations sont très techniques, pas mal de points sont bloqués et tout reposera désormais sur le segment ministériel, en deuxième semaine. C'est problématique, et ça montre encore une fois la déconnexion entre l'urgence, qui s'accroît, et l'état des négociations internationales, qui s'enlisent. »

Aucun État parmi les plus émetteur de gaz à effet de serre [1] n'a annoncé le moindre engagement immédiat, alors que la session inaugurale était explicitement conçue pour évoquer des mesures « à court terme ». Pire, il se dit en coulisse que des pays comme le Japon pourraient ne pas soumettre de nouvelle promesse avant la COP26, au mépris de l'Accord de Paris.

L'Union européenne, attendue comme un élément moteur des négociations, est aux abonnées absentes. A Madrid, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a omis toute mention d'un quelconque objectif européen pour l'horizon 2030. En revanche, un document ayant fuité dans  le média Euractiv donne les grandes lignes du Green Deal européen, qui doit être publié mercredi 11 décembre. Selon ce document, en octobre 2020, la Commission « va présenter un plan complet sur la manière de porter l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'UE, pour 2030, à au moins 50 % et vers 55 %. »

« Macron freine des quatre fers sur l'ambition, il s'est engagé dans une course à la lenteur. »

« Cet objectif n'est pas du tout en phase avec l'Accord de Paris, déplore Clément Sénéchal, de Greenpeace. L'Union européenne ne joue pas du tout son rôle. » La faute, pour lui, à « l'Allemagne et la France » : « Macron freine des quatre fers sur l'ambition, il s'est engagé dans une course à la lenteur. » De plus, « le timing de ce plan n'est pas bon » pour M. Sénéchal : « Attendre octobre 2020 pour le dévoiler ne permettra pas aux États membres de se mettre d'accord avant la COP26. »

Autre sujet important de cette COP25 : « lLs pays développés et les pays en développement sont divisés sur la question du financement des pertes et dommages » note Armelle Le Compte. Ce « financement des pertes et dommages » est un nouveau mécanisme de financement souhaité par les pays les plus pauvres qui subissent déjà les dommages causés par des conditions climatiques plus extrêmes et par la montée des eaux liées au changement climatique. « Ces États souhaitent que cette spécificité leur soit reconnue, mais les pays développés refusent toujours la mise en place d'un tel mécanisme », dit Armelle Le Comte. Dont la France qui, par la voix de la secrétaire d'État Brune Poirson, s'y est dite opposée.

Quant à la question brûlante des marchés carbone - des systèmes d'échange de droits d'émissions de gaz à effet de serre entre des pays qui en émettent trop, et des pays qui en émettent moins -, elle n'est pas réglée. « En l'absence de réglementation forte, comme c'est le cas actuellement, ces marchés vont permettre aux États de se dédouaner des exigences de réduction réelle des émissions de gaz à effet de serre », estime Sara Lickel, chargée de plaidoyer au Secours catholique.

« Aujourd'hui encore, des critères assez basiques de protection des droits humains ne sont pas intégrés » dans les conditions de mise en œuvre des marchés carbone, dit Sara Lickel, « alors que des projets de réductions d'émissions - barrages, déploiement d'énergies renouvelables -, pouvant générer des crédits carbones que des pays peuvent acheter, risquent de mettre en péril des populations et des écosystèmes ». Le Brésil et l'Arabie Saoudite, entre autres, sont fermement opposés à toute formulation relative aux droits de l'Homme.

A l'aube de la deuxième semaine de la COP25, le chemin vers Glasgow et l'élaboration une dynamique commune et ambitieuse semble encore bien long.

UNE MANIFESTATION MASSIVE À MADRID POUR LE CLIMAT

Madrid, correspondance

Des dizaines de milliers de personnes, dont l'activiste suédoise Greta Thunberg, ont pris part vendredi soir 6 décembre à la Marche pour le climat. Elle inaugure un sommet social organisé en parallèle des discussions officielles de la COP25.

« Le monde s'est réveillé » alors que la nuit enveloppait Madrid. Aux alentours de 18 heures, la Marche pour la climat a débuté à la gare d'Atocha avec ce constat, affiché en grand sur une banderole portée par des représentants de peuples autochtones et indigènes venus du Chili. Malgré la  délocalisation de l'évènement en Espagne, ils étaient nombreux en tête d'un cortège qui a réuni des dizaines de milliers de personnes (500.000 selon les organisateurs, 15.000 selon la délégation du gouvernement) dans la capitale madrilène. L'objectif : exhorter les gouvernements, dont les délégations sont actuellement en pleine COP25 au salon des foires de Madrid, de respecter les engagements pris lors de l'accord de Paris.

« Nous n'avons pas d'autre option »

Un message énoncé haut et fort par, entre autres, l'acteur Javier Bardem et la jeune activiste Greta Thunberg à l'issue de la marche. « Nous sommes à un des moments les plus critiques de notre histoire et pour la première fois, nous parlons d'une seule voix », a signalé l'acteur espagnol. Il a engagé les « responsables politiques à être la hauteur » et égratigné, au passage, Donald Trump et le maire de Madrid. « Il n'y a que trois mots qui peuvent freiner l'impact de cette crise : urgence, ambition et réduction. »

Greta Thunberg (2e à partir de la gauche) : « On ne peut pas attendre un jour de plus. »

« J'espère de tout mon coeur que la COP25 parvienne à quelque chose de concret. Qu'elle permette une meilleure prise de conscience au sein de la population. On ne peut pas attendre un jour de plus », a poursuivi Greta Thunberg, ajoutant « que le changement arrivera, qu'ils [les responsables politiques] le veuillent ou non. Parce que nous n'avons pas d'autre option. » La Suédoise de 16 ans, symbole de la lutte contre le changement climatique, était arrivée vendredi matin par un train de nuit en provenance de Lisbonne. Entourée par les journalistes et les militants, elle a dû quitter la marche, sur recommandation de la police espagnole, et se rendre directement en fin de parcours.

« Nos ressources sont limitées, notre Terre aussi »

« Futur noir pour la planète ».

Le long de la manifestation, sur la grande artère du Paseo de la Castellana, bordée de parc, musées et autres bâtiment officiels, l'ambiance était familiale et pacifique. Andrés, ingénieur de 35 ans, participait à sa première marche pour le climat. D'ailleurs il n'a pas souvenir d'un rassemblement si conséquent sur ce thème en Espagne. « C'est nécessaire pour faire prendre conscience que nos ressources sont limitées, notre Terre aussi. Le regroupement des peuples, comme aujourd'hui, doit permettre de faire changer les choses ».

Mercedes et Silva : « On doit montrer que le mécontentement est intergénérationnel et mondial ».

Mercedes et Silvia, respectivement 71 et 61 ans, ressentent, elles, « de la honte, pour nos générations, de devoir être poussées par les jeunes pour sortir dans la rue. On doit montrer que le mécontentement est intergénérationnel et mondial ».

Cette manifestation était organisée par Fridays for Future Espagne, avec le soutien d'associations écologistes et sociales espagnoles et chiliennes. Elle inaugure le « Sommet social pour le climat », un évènement alternatif organisé par la société civile en parallèle des discussions officielles. De nombreux ateliers, activités et discussions sont organisés jusqu'au 13 décembre au sein de l'Université Complutense de Madrid qui fut, il y a quelques années, le  berceau du mouvement des Indignés. « Nous souhaitons mettre en lumière le fait que la contestation sociale au Chili et dans d'autres endroits du monde est aussi l'expression de la crise écologique, peut-on lire dans le manifeste du contre-sommet. Nous nous solidarisons avec ceux qui souffrent le plus, avec les travailleurs et les communautés qui sont en première ligne de la résistance sur tous les continents. »

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Madrid (Espagne), correspondance

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