Par Chris Marsden
3 mars 2020
La semaine dernière, Julian Assange a été soumis à une audience d'extradition intentée par le gouvernement Trump pour amener le fondateur de WikiLeaks aux États-Unis pour être inculpé de chefs d'accusation tirés de la loi sur l'espionnage, passibles de 175 ans de prison.
Tout au long de la procédure de quatre jours à Londres, le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn et ses alliés les plus proches, le ministre des Finances fantôme John McDonnell et la ministre de l'intérieur fantôme Diane Abbott, ainsi que tous les députés travaillistes, ont gardé leurs bouches bien fermées. Leur silence valait une collusion dans un monstrueux simulacre de procès politique, visant à faire taire un éditeur et journaliste qui a dénoncé des crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak.
L'équipe de défense d'Assange a détaillé le complot de Washington pour le faire taire par tous les moyens nécessaires. La procédure a également révélé comment les tribunaux britanniques et le gouvernement conservateur de Boris Johnson sont prêts à fouler aux pieds les droits démocratiques et juridiques fondamentaux pour garantir qu'Assange soit envoyé aux États-Unis et réduit au silence pour toujours.
L'audience d'extradition avait un caractère kafkaïen. Le 24 février, Assange a pris place au tribunal de Belmarsh dans une cage de verre blindé. Il pouvait à peine entendre son équipe juridique exposer sa défense contre l'extradition. La majeure partie de la presse mondiale entassée dans un préfabriqué décrit comme une «annexe médiatique», ne pouvait guère en entendre plus ni suivre la procédure.
Pour la défense, l'avocat Edward Fitzgerald a fait une présentation puissante insistant sur le fait que la demande d'extradition des États-Unis est illégale parce qu'elle a manifestement des motivations politiques. Il a détaillé le niveau extraordinaire de criminalité impliqué dans la vendetta américaine contre Assange, y compris les méthodes employées par la société de sécurité espagnole US Global pour le compte de la CIA pour surveiller tous les mouvements du journaliste récompensé pendant son asile politique à l'intérieur de l'ambassade de l'Équateur.
Des conversations privées et privilégiées entre Assange et ses avocats et médecins ont été filmées, même dans les toilettes, de sorte qu'il s'est senti obligé de dormir dans une tente dans sa chambre pour protéger sa vie privée.
Plus dévastatrices encore furent les révélations d'un lanceur d'alerte espagnol anonyme, le «témoin 2», que les États-Unis avaient comploté pour kidnapper et éventuellement tuer Assange.
«Il y a eu des discussions» entre la CIA et le chef de l'UC Global, David Morales «sur le recours éventuel à des mesures plus extrêmes, telles que l'enlèvement ou l'empoisonnement de Julian Assange à l'ambassade», a déclaré Fitzgerald au tribunal. Cela comprenait la suggestion de laisser la porte de l'ambassade ouverte pour donner l'impression qu'il s'agirait d'un enlèvement «accidentel».
Le deuxième jour a commencé par des indications selon lesquelles Assange avait été menotté 11 fois et déshabillé deux fois par des gardiens de prison le jour de l'ouverture des procédures, tandis que ses documents juridiques étaient confisqués. Il a été transféré dans cinq cellules différentes. Malgré cette ingérence grotesque dans le droit à un procès équitable, la juge Vanessa Baraitser a déclaré qu'elle n'avait «aucune compétence» pour se prononcer sur le traitement d'Assange en détention.
Le lendemain, elle a informé le tribunal qu'Assange était «traité avec des médicaments» et pourrait avoir «des difficultés à suivre la procédure». En réponse, Assange s'est approché des panneaux de verre le séparant du corps du tribunal, pour informer la principale avocate de son équipe juridique, Gareth Peirce, qu'il était sous surveillance constante: «Je ne peux pas communiquer avec mes avocats ou leur demander des éclaircissements sans que l'adversaire n'observe tout... À quoi bon demander si je peux me concentrer si je ne peux pas participer?»
La défense a demandé qu'Assange soit autorisé à s'asseoir dans la salle d'audience même, mais Baraitser a rejeté leurs observations écrites, statuant dans l'après-midi de la dernière session qu'Assange doit rester dans la cage de verre blindé lorsque l'audience reprendra en mai.
Fitzgerald a cité l'avis médical du professeur Michael Kopelman selon lequel «je suis aussi sûr qu'un psychiatre peut l'être que si l'extradition vers les États-Unis devenait imminente, M. Assange trouverait un moyen de se suicider» et du docteur Sondra Crosby indiquant que «Je suis fermement convaincu que l'extradition de M. Assange vers les États-Unis aggravera encore son état de santé fragile actuel et entraînera très probablement sa mort.»
Voilà le système judiciaire britannique corrompu et dépravé que Corbyn, McDonnell, et Cie refusent de contester. Leurs rationalisations publiques sont politiquement scélérates.
Le 20 février, McDonnell a rendu visite à Assange à Belmarsh. Il a appelé le sort d'Assange «le cas Dreyfus de notre époque». Dans le même temps, il a insisté sur le fait que «lorsque les audiences commenceront, il serait difficile d'en parler au Parlement car elles seront en cours d'instance».
McDonnell avançait la justification méprisable que lui et Corbyn - et leurs alliés politiques de la pseudo-gauche - utiliseraient pour justifier leur propre lâcheté et leur absence de principe politique.
Jeremy Corbyn est le chef de l'opposition. Il aurait pu évoquer le sort d'Assange au Parlement chaque jour, informant des millions de personnes qu'Assange était jugé par un tribunal de pacotille et que ses droits démocratiques fondamentaux étaient violés par un juge dont le verdict a été tranché d'avance. Il aurait dû interpeller tous les travailleurs et les jeunes en Grande-Bretagne et dans le monde pour exiger la fin immédiate de cette parodie de justice à Belmarsh et la libération d'Assange.
Qu'auraient fait les tribunaux en réponse? Le menacer de poursuites ou d'arrestation? Un véritable dirigeant ouvrier aurait dit à la magistrature: « Ne tentez pas le diable!»
Si toute mesure avait été prise à l'encontre de Corbyn, cela aurait été la mesure la plus incendiaire depuis l'irruption de Charles Ier au Parlement en janvier 1642, cherchant à arrêter cinq membres des Communes et déclenchant ainsi la guerre civile anglaise. Cela aurait déclenché une vague de protestations à travers le Royaume-Uni qui aurait galvanisé un soutien massif à la liberté d'Assange.
Mais Corbyn et McDonnell ne sont pas seulement trop frileux pour leur propre peau à vouloir lancer le défi au pouvoir judiciaire. Ils sont les serviteurs des mêmes maîtres capitalistes que Baraitser et sont farouchement opposés à toute mobilisation de la classe ouvrière pour déjouer les machinations de l'impérialisme britannique.
Corbyn a gardé le silence sur Assange pendant des années après être devenu dirigeant travailliste, jusqu'en avril de l'année dernière, quand Assange fut illégalement traîné hors de l'ambassade de l'Équateur. Il s'est brièvement opposé à l'extradition vers les États-Unis, avant de soutenir l'extradition vers la Suède pour des allégations sexuelles fabriquées de toute pièce. Il s'est ensuite réfugié de nouveau dans son silence pendant 10 mois, y compris pendant la campagne des élections générale de décembre, avant de le rompre à nouveau brièvement le 12 février.
Les médias ont à peine et sélectivement rapporté le procès de la semaine dernière. Au cours du week-end, les équipes de campagne du Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste) au Royaume-Uni ont découvert que de nombreux travailleurs et jeunes n'étaient même pas au courant que cela avait lieu. Corbyn est politiquement responsable de cette situation dangereuse.
Contre les efforts de la campagne officielle Don't Extradite Assange (Contre l'extradition d'Assange), et ses dirigeants politiques tels que John Rees et Tariq Ali, le World Socialist Web Site, le Comité international de la Quatrième Internationale et les Partis pour l'égalité socialiste ont averti à plusieurs reprises que la liberté d'Assange ne peut pas être gagné en s'appuyant sur de faux amis politiques comme Corbyn et McDonnell ou en accordant la moindre confiance aux tribunaux britanniques. Comme nous l'avons écrit le 13 février:
«Le mandat de Corbyn à la tête du Parti travailliste a été une leçon de choses de l'impossibilité de lutter pour les droits démocratiques et contre la guerre en soutenant ou en colportant des illusions au sujet du Parti travailliste et de ses représentants de «gauche». Il a démontré que la lutte pour bloquer l'extradition d'Assange, garantir sa liberté et défendre les libertés individuelles nécessite le développement d'un mouvement indépendant de la classe ouvrière - la grande majorité de la population - dirigé contre l'ensemble de l'élite politique officielle.»
Nous encourageons vivement nos lecteurs à contacter le WSWS et à participer à la campagne mondiale pour libérer Julian Assange et la lanceuse d'alerte héroïque Chelsea Manning. Des réunions doivent être convoquées dans tous les lieux de travail, lycées et universités exigeant la liberté immédiate et inconditionnelle d'Assange et de Manning, le retrait de la demande d'extradition des États-Unis et l'indemnisation intégrale de la vendetta d'État de dix ans à leur encontre. Leur vie dépend de l'intervention de la classe ouvrière. Il n'y a pas de temps à perdre.
(Article paru en anglais le 2 mars 2020)