17/03/2020 telex.ovh  11min #170466

 Adresse d'Emmanuel Macron aux Français à propos du Covid-19

Premier jour de printemps

Après quatorze semaines consécutives de sale temps, le printemps arrive enfin, les bourgeons sont prêts à éclore, les oiseaux on affûté leurs harmonies, et aujourd'hui il fait spécialement beau.

Ah oui sauf qu'hier la guerre a été déclarée, la guerre contre le microbe invisible, qui rend délirant, et qui justifie enfin qu'on ne soit plus obligés de faire la bise à des gens qu'on n'aime pas. Merci le microbe !

C'est une  jolie boule blanche ornée de roses rouges triangulaires et parsemé de boutons oranges qui vont par paires.

J'ai toujours rêvé de voir ce que donnerait un jour de beau temps calme et printanier, sans traînée de fumée dans le ciel, sans les voitures qui jouent à faire la course.

Il y a longtemps déjà, tel notre prompt chevalier monsieur Upperscore (un macron c'est un underscore en haut) que je préconise la solution à tous les problèmes de ce monde, qui va trop vite, trop loin, et trop sans regarder où il met les pieds. Les humains se sont fourvoyés et pris de panique ils continuent de courir pour avoir l'air normal.

Il y a longtemps déjà que je, comment dit-on ? Spécule, rêve, propose, imagine, que la seule chose dont le monde a réellement besoin est que l'humanité arrête tout, tout de suite, et que tout le monde le fasse, en même temps, et qu'on se mette à réfléchir tous ensemble, de façon posée, méthodique, sans aucun empressement, jusqu'à ce qu'on ait défini les buts de la vie, et établi les moyens, la chaîne de besoins, qui permettent de vivre heureux tous ensemble.

Qu'on laisse les animaux chanter, proliférer, qu'on laisse la nature respirer, bourgeonner, qu'on laisse le brouillard mental se dissiper, la vase se déposer, qu'on marque tous un grand temps d'arrêt, pour apprécier ce monde, cette vie, cet instant. Et qu'on se demande ce qui a vraiment de la valeur.

Oui voilà, ça c'est un rêve à accomplir !

Seul un superhéros tel que monsieur Superscore peut nous peut nous permettre d'atteindre cet idéal. Il s'est levé un bon matin et a décrété "allez hop les amis, je vous aime bien mais aujourd'hui tout le monde reste à la maison !".

Et après tout, peu importe si c'est pas très logique de dire que seuls les supermarchés doivent rester ouverts, si on interdit à toute la chaîne de fabrication qui est en amont, et à toute la chaîne de consommation qui est en aval, de sortir de chez soi. C'est juste que le monde s'est bâti comme ça. Là où nous en sommes aujourd'hui, tout est parti de là.

Et voilà où cela nous a conduit.

*

Ah, oui ! C'est vrai ! (Personne ne dit plus cela de nos jours). On nous l'avait bien dit !

Il faut quitter les villes, et aller s'établir à la campagne. Ô comme il doit se sentir chanceux celui qui se pose son transat dans son jardon potager en permaculture, en voyant naître et sortir du sol ce qu'il va manger le reste de l'année.

On savait que les viles allaient devenir des prisons, on ne savait pas comment, il y avait des indices divers et variés, mais on ne s'attendait pas à ce que les bruits de bottes et les chars d'assaut occupent l'espace public, armes chargées, prêts à faire feu sur le premier qui ose faire ses courses sans avoir un papier officiel où il "déclare sur l'honneur" et patatati et patata. Ce qu'il ne peut faire à l'oral. On se demande bien à quoi cela peut servir (ah non personne ne se le demande).

Moi j'en ai des patata, dit le joyeux cultivateur qui prend le soleil sur son transat, parcourant par petites séquences des bribes de son vieux livre écorné de Blaise Pascal.

C'est un livre magique, il suffit de l'ouvrir à n'importe quelle page et ce qu'on découvre tombe toujours à brûle-pourpoint. Blaise croyait énormément à cela. Tien regarde : "Pour moi, j'avoue qu'aussitôt que la religion chrétienne découvre ce principe, que la nature des hommes est corrompue et déchue de Dieu, cela ouvre les yeux à voir partout le caractère de cette vérité ; car la nature est telle, qu'elle marque partout un Dieu perdu, et dans l'homme, et hors de l'homme, et une nature corrompue."

et juste avant il dit : "La corruption de la raison paraît par tant de différentes et extravagantes mœurs. Il a fallu que la vérité soit venue, afin que l'homme ne véquît plus en soi-même". Et juste après : "La vraie nature de l'homme, son vrai bien, et la vraie vertu, et la vraie religion, sont des choses dont la connaissance est inséparable". [p226]

En ce temps-là ils savaient prendre le temps de penser aux choses.

Blaise a raison : voir la vérité en face et constater l'absence de "Dieu", de l'harmonie, de la justice, de la logique, de la raison, c'est connaître ces choses.

Voir un monde s'écrouler et disparaître sous le chant des oiseaux, qui eux sont toujours contents, c'est mesurer toute l'ampleur de nos erreurs, de notre précipitation, de notre acharnement à vouloir des choses futiles, de notre ardeur et de notre génie mit au service de l'éphémère. Ah ! Tout ce temps perdu !

*

Heureusement que monsieur Superscore est là pour nous le faire rappeler, par la force si nécessaire !

C'est comme un châtiment divin, l'inébranlable mur de la vérité, l'indubitable issue de la logique des choses. Et dire que lui-même n'en est absolument pas conscient. Ce n'est que l'action du déterminisme, la fatalité.

Il dit "soyez tranquilles les amis, si tout se passe comme je l'ai prévu, il n'y a aucune raison pour que ça se passe mal, et après vous me direz merci".

Il dit, en réajustant son bonnet de Che Guevara : "Nous nous sommes trompés ! Mais maintenant on a raison, c'est sûr !". Il dit : "Finalement c'est le capitalisme qui nous a mis dans cette panade, et tous ensemble nous allons rebâtir un monde meilleur, avec moi, votre chef, en tête". Il dit à peu près ce qu'on rêve tous d'entendre.

La dictature dont nous sommes les jouets, les sujets, les pions, et les relais, est celle des certitudes fondées sur l'art de la persuasion, elle-même justifiée par des raisons simplement comptables. Même notre bonne vieille démocratie n'est qu'une comptabilité absurde. Allons jusqu'au bout du raisonnement, monsieur Superscore ! Toute l'éducation assénée de façon pyramidale a été une erreur qui a brimé la pensée et l'intelligence. Si le monde est dans l'impasse, c'est parce que les mauvais choix ont été faits. Ce dont on a besoin alors, c'est de localiser ces erreurs pour ne plus les commettre à nouveau. Ce dont on a besoin, c'est d'une information fiable, et chiffrée, sur la réalité du monde, de données tangibles, et non plus des opinions qui s'y superposent en général automatiquement.

Ce dont on a besoin c'est, un peu quand même, de connaître les données sur lesquelles se fondent votre prochain et tant attendu "nouvel ordre" (mondial).

*

Quand le roi de la dictature en marche forcée déclare ouvertement que, je cite :

Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie.

cela - sans rentrer dans l'analyse de l'opération psychologique qui consiste à rassurer le malade avant de l'assommer d'un coup - contient à peu près tout ce dont nous avons besoin pour une réflexion profonde et juste, à propos de l'état du monde.

Et hormis aussi qu'on se demande qui il cherche à convaincre, si ce n'est lui-même, puisque tout ça on n'a pas arrêté de le lui dire depuis sa naissance, mais du haut de son royaume, aucun son ne lui parvenait. Mais là c'est bon maintenant, il vient d'en avoir l'idée ! Ouf, on est sauvés. Ah dis donc, qu'est-ce que ça aurait été s'il ne s'en était jamais rendu compte !

En amont de cette expression que j'emploie si aisément, "l'état du monde", en parlant d'un microbe floral, on peut, par souci de clarté, en expliquer le contexte, de façon succincte et du bout des lèvres : c'est une arme biologique déclenchée de façon criminelle dans le cadre d'une guerre commerciale contre la Chine qui a osé remettre en cause le fait de s'enrichir pour garder jalousement son argent et l'accumuler de façon démentielle. Au lieu de cela ils ont sorti les gens de la pauvreté et planifié le monde de demain, tranquillement, et dont les occidentaux se sentent bêtement exclus. Alors ils donnent des coups de pieds dans l'arbre.

Bon.

Mais regardons ce qui est dit. Dans mon  livre je parle sans cesse des BSPM, les "biens et services de première nécessité". J'explique qu'on peut les faire circuler sans but lucratif de sorte à les rendre presque gratuits, reléguant le système marchand aux choses optionnelles. Car après tout, le système marchand, ce n'est que la somme des récompenses que les hommes veulent bien fabriquer pour le bonheur des personnes qui font un bon travail pour la société humaine. Et le capitalisme c'est juste le fait d'avoir oublié ceci et de s'accaparer les richesses pour profiter de ces récompenses, et se pavaner en crachant sur les pauvre et les faibles, et en les insultant pour leur dire que "ils ne sont rien". Heureusement que Superscore n'est pas ce genre de personne. Lui au moins il a des super scores aux élections. Tout le monde l'aime.

Donc le terme "biens et services" est vraiment très central.

Superscore dit trois choses :

1 - "La santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charge". On lui concède même le droit aux mêmes caractères en italique que Blaise Pascal.

a) "Sans condition de revenu", c'est le terme qui existe déjà dans les droits de l'homme, constitutionnel, de "inaliénable". C'est à dire qu'aucune raison objective ne peut parvenir à confisquer les hommes de leurs droits, de pouvoir vivre dignement.

b) L'idée qu'en terme de santé chacun ait des droits, trouve dans le virus une démonstration pratique imparable : même les joyeux riches, voleurs, malhonnêtes, et impitoyables, peuvent contracter un virus transmit par le pauvre gueux qu'il aura dépouillé de tout. C'est la justice divine, la raison de ce pourquoi ce qui est mal, est mal.

c) La principale critique faite contre la politique de l'ancienne personnalité multiple de Superscore, Mister Macron, lorsqu'il m'a confisqué 5 euros [deux boîtes de pâtes, une semaine de bouffe] sur mon allocation logement pour financer je ne sais pas quoi, et qu'il m'a confisqué, une année, "la prime de noël" due aux pauvres gueux comme moi, c'est de se demander, dans ce cas, à quoi sert l'impôt si ce n'est pas pour, justement, permettre aux pauvres gueux de rester en vie ? Car en vérité, personne ne le sait, mais notre état-providence sauve des millions de vies chaque mois. Et cela, on le doit aux travailleurs, qui sont, du coup, de vrais héros. Alors c'est un juste retour des choses que de se demander quelle est la nature de l'impôt, et dans le fond, que construisons-nous collectivement ? Là encore, on a besoin d''avoir les chiffres.

Le gars, je parle de l'autre personnalité, avait voulu économiser des dépenses publiques pour pouvoir faire plus de dépenses publiques, quand même. Il faut comprendre la logique !

Il dit :

2 - "C'est qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché". Et pour ce faire, lisez mon livre, qui est à prix-coûtant, qui parle du prix-coûtant (il faut être cohérent), sur le comment faire dans ce cas. Parce que figurez-vous que ce n'est pas évident, même s'il suffit de le vouloir pour débloquer tout le problème ; comme disait Blaise.

La solution que je propose (pour vous éviter d'enrichir Amazon), c'est simplement d'opérer une séparation de l'église et de l'état, c'est à dire de la production et de la distribution, d'articuler de façon volontaire ces deux engrenages, et de remplacer les termes "l'offre et la demande" par "la satisfaction des besoins". La méthode consiste à avoir deux circuits disjoints, un pour la production, avec des droits de production (et donc des moyens) et un autre pour la satisfaction des besoins, avec des droits, dont certains sont inaliénables. C'est ce que l'informatique permet de faire.

Non mais vas-y, Macron, allons au bout des choses !
Ce dont le monde a besoin c'est d'avoir une visibilité complète sur ce que fait le système social, comment il marche, et quelles sont les manettes avec lesquelles on peut jouer.

Et enfin le dernier tableau du triptyque :

3 - "Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d'autres est une folie". Ici il parle de ce qui est de plus crucial dans, itérativement, le bonheur, la liberté, et la prospérité : le fait de ne pas être dépendants. Toute la mécanique capitaliste est fondée sur la dépendance, et in fine, le chantage. Juste cela : ne pas être dépendants. C'est le fondement [pratique] de l'autodétermination. Au niveau collectif, cela consiste à pouvoir refuser des tractations honteuses, telles que l'impose le FMI, en proposant, ce qui est facile, de bien meilleures solutions. Au niveau individuel cela consiste en un terme qui est extrêmement anti-dictatorial : la responsabilisation : cela signifie que les citoyens, libres, de se tromper ou de réussir, ont une réelle implication dans ce qu'ils font, et ne dépendent pas (pour le dire vertement) d'un patron qui les forcent à faire du mauvais boulot.

*

Ce dont ce monde a besoin, c'est de temps. Du temps pour réfléchir, du temps pour mûrir, du temps pour planifier le temps. Le temps est totalement gratuit mais extrêmement profitable. Quand on fait les choses paisiblement, c'est là qu'on s'économise le maximum de temps. Le temps est précieux, la vie passe vite, la vie est un cadeau. Le bonheur rend le temps meilleur. C'est la marque d'une époque de folie quand les gens disaient "le temps c'est de l'argent" ; quelle ironie ! Ils ont tout perdu !

En conclusion à ce petit interloque matinal, assis sur mon transat au soleil en regardant mes patates pousser, je veux signaler que la phrase la plus importante de ce texte était la suivante (vous ne l'avez même pas vue) : "Le bonheur rend le temps meilleur". Car ce dont le monde a besoin, c'est de passer du paradigme de la quantité, ébouriffée, effrénée, incalculable, à celui de la qualité, mesurée, désirée, et sans cesse croissante.

C'est facile quand on part de zéro.

 telex.ovh